Crédit : Mélanie Thomas.
PAPEETE, le 22 janvier 2018 - La Polynésie est devenu un modèle. Une équipe de chercheurs a pu reconstituer la courbe du niveau de la mer au cours des 6 000 dernières années en Polynésie française avec une précision inégalée, de l’ordre du centimètre. Leurs travaux, basés sur l’étude de micro-atolls coralliens, publiés dans Nature communications, vont permettre d'affiner les prévisions.
Les géologues prédisent une hausse du niveau des océans à l'horizon 2100 entre 80 à 180 centimètres selon les prévisions actuellement publiées. Cette fourchette est grande. Les impacts ne seront pas du tout les mêmes si l'élévation est de 80 centimètres ou de 180 centimètres. Difficile alors de se préparer.
"Les données désormais disponibles vont permettre aux climatologues de resserrer leurs fourchettes d’estimations en affinant les algorithmes sur lesquels elles reposent", indique Élias Samankassou du département des sciences de la terre de l'université de Genève.
Avec des collègues, Élias Samankassou a participé à une étude sur les variations du niveau de la mer en Polynésie française. Les résultats de cette étude viennent tout juste d'être publiés dans la revue Nature communications.
L'étude a consisté en quatre campagnes successives de prélèvements de 2012 à 2015 dans des micro-atolls disséminés sur douze îles du Pacifique sud. "Nous sommes allés à Tikehau, Rangiroa, Manihi, Fakarava, Makemo, Hao, Maupiti, Tahaa, Bora Bora, Morea, Raivavae, Mangareva", précise Élias Samankassou. Les chercheurs se sont intéressés en particulier au corail.
Jusqu’ici, les études basées sur la croissance des récifs coralliens restaient approximatives car les coraux se développent à des profondeurs variables, de 0 à 20 mètres. Leur présence témoigne bien du niveau de la mer, mais de façon trop imprécise. "En nous concentrant sur les micro-atolls, de petits ilots formés par une variété spécifique de corail, les Porites (voir encadré), nous avons atteint une précision de l’ordre du centimètre", explique Élias Samankassou.
Ce qui a été déterminant, c'est la connaissance du mode et de la vitesse de croissance des Porites. Il croit vers le haut jusqu’à atteindre la surface, puis s’étend horizontalement, formant des plateaux successifs qui reflètent le niveau des eaux. L’étude de l’architecture de ces bandes de croissance permet ainsi de déterminer avec précision le niveau de la mer à un moment donné, ainsi que les variations qui l’ont affecté à travers le temps.
L’étude menée en Polynésie raconte les phénomènes liés à la fonte des calottes glaciaires. "On observe dans un premier temps un écoulement des eaux des pôles vers l’équateur", explique Élias Samankassou. "La baisse de la pression exercée par la glace entraîne ensuite une remontée de la croûte terrestre qui produit un nouvel écoulement. Dans un troisième temps, on assiste à un phénomène de reflux des eaux de l’équateur vers les pôles, jusqu’à ce que le système trouve un nouvel équilibre."
L’étude montre qu’à Tahiti, au cours des six derniers millénaires, le niveau de la mer s’est élevé régulièrement pour atteindre un pic à + 90 centimètres il y a environ 4 000 ans, avant de refluer jusqu’à son niveau actuel. Cette courbe illustre la fonte de la calotte glaciaire et la probable rupture d’une partie de banquise dont le volume va pouvoir être estimé grâce aux mesures réalisées. Là encore, la connaissance du passé permettra d’éclairer les estimations pour le siècle à venir. "On a reconstruit les variations naturelles, due à la fonte et regel des calottes. Cela est important pour discriminer dans les études futures les variations naturelles des changements en lien avec l’activité humaine", résume Élias Samankassou.
Les géologues prédisent une hausse du niveau des océans à l'horizon 2100 entre 80 à 180 centimètres selon les prévisions actuellement publiées. Cette fourchette est grande. Les impacts ne seront pas du tout les mêmes si l'élévation est de 80 centimètres ou de 180 centimètres. Difficile alors de se préparer.
"Les données désormais disponibles vont permettre aux climatologues de resserrer leurs fourchettes d’estimations en affinant les algorithmes sur lesquels elles reposent", indique Élias Samankassou du département des sciences de la terre de l'université de Genève.
Avec des collègues, Élias Samankassou a participé à une étude sur les variations du niveau de la mer en Polynésie française. Les résultats de cette étude viennent tout juste d'être publiés dans la revue Nature communications.
L'étude a consisté en quatre campagnes successives de prélèvements de 2012 à 2015 dans des micro-atolls disséminés sur douze îles du Pacifique sud. "Nous sommes allés à Tikehau, Rangiroa, Manihi, Fakarava, Makemo, Hao, Maupiti, Tahaa, Bora Bora, Morea, Raivavae, Mangareva", précise Élias Samankassou. Les chercheurs se sont intéressés en particulier au corail.
Jusqu’ici, les études basées sur la croissance des récifs coralliens restaient approximatives car les coraux se développent à des profondeurs variables, de 0 à 20 mètres. Leur présence témoigne bien du niveau de la mer, mais de façon trop imprécise. "En nous concentrant sur les micro-atolls, de petits ilots formés par une variété spécifique de corail, les Porites (voir encadré), nous avons atteint une précision de l’ordre du centimètre", explique Élias Samankassou.
Ce qui a été déterminant, c'est la connaissance du mode et de la vitesse de croissance des Porites. Il croit vers le haut jusqu’à atteindre la surface, puis s’étend horizontalement, formant des plateaux successifs qui reflètent le niveau des eaux. L’étude de l’architecture de ces bandes de croissance permet ainsi de déterminer avec précision le niveau de la mer à un moment donné, ainsi que les variations qui l’ont affecté à travers le temps.
L’étude menée en Polynésie raconte les phénomènes liés à la fonte des calottes glaciaires. "On observe dans un premier temps un écoulement des eaux des pôles vers l’équateur", explique Élias Samankassou. "La baisse de la pression exercée par la glace entraîne ensuite une remontée de la croûte terrestre qui produit un nouvel écoulement. Dans un troisième temps, on assiste à un phénomène de reflux des eaux de l’équateur vers les pôles, jusqu’à ce que le système trouve un nouvel équilibre."
L’étude montre qu’à Tahiti, au cours des six derniers millénaires, le niveau de la mer s’est élevé régulièrement pour atteindre un pic à + 90 centimètres il y a environ 4 000 ans, avant de refluer jusqu’à son niveau actuel. Cette courbe illustre la fonte de la calotte glaciaire et la probable rupture d’une partie de banquise dont le volume va pouvoir être estimé grâce aux mesures réalisées. Là encore, la connaissance du passé permettra d’éclairer les estimations pour le siècle à venir. "On a reconstruit les variations naturelles, due à la fonte et regel des calottes. Cela est important pour discriminer dans les études futures les variations naturelles des changements en lien avec l’activité humaine", résume Élias Samankassou.
Porites, "les doigts de la mer"
Le terme Porite désigne un genre de coraux massifs caractérisés par des digitations (des formes évoquant des doigts). Certains Porites forment des blocs extrêmement solides et compacts. Ils ont une croissance lente et une durée de vie longue. Ils sont considérés comme plus résistants aux prédateurs comme les poissons perroquets, les étoiles de mer corallivores. Ils constituent un élément central des écosystèmes coralliens. On dit d'eux qu'ils sont "bioconstructeurs", ils participent à la construction des récifs.
Le terme Porite désigne un genre de coraux massifs caractérisés par des digitations (des formes évoquant des doigts). Certains Porites forment des blocs extrêmement solides et compacts. Ils ont une croissance lente et une durée de vie longue. Ils sont considérés comme plus résistants aux prédateurs comme les poissons perroquets, les étoiles de mer corallivores. Ils constituent un élément central des écosystèmes coralliens. On dit d'eux qu'ils sont "bioconstructeurs", ils participent à la construction des récifs.
Inégaux face à la montée des eaux
Les scientifiques soulignent que la variation du niveau de la mer n’a pas affecté toutes les îles étudiées de la même façon. Les différences sont dues aux forces qui s’expriment dans le manteau terrestre, poussant certaines îles vers le haut par un phénomène de résurgence, alors que d’autres ne sont pas touchées. "Ce mécanisme était déjà connu", confirme Gilbert Camoin, directeur de recherche CNRS au Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CEREGE), à Aix-en-Provence, "mais nous avons pu le confirmer avec une grande précision." Conclusion : tous les points du globe ne sont pas égaux : face à une remontée du niveau des eaux, Tahiti, Marseille ou Athènes ne seront sans doute pas touchées de la même façon.
Les scientifiques soulignent que la variation du niveau de la mer n’a pas affecté toutes les îles étudiées de la même façon. Les différences sont dues aux forces qui s’expriment dans le manteau terrestre, poussant certaines îles vers le haut par un phénomène de résurgence, alors que d’autres ne sont pas touchées. "Ce mécanisme était déjà connu", confirme Gilbert Camoin, directeur de recherche CNRS au Centre européen de recherche et d’enseignement des géosciences de l’environnement (CEREGE), à Aix-en-Provence, "mais nous avons pu le confirmer avec une grande précision." Conclusion : tous les points du globe ne sont pas égaux : face à une remontée du niveau des eaux, Tahiti, Marseille ou Athènes ne seront sans doute pas touchées de la même façon.