50 entreprises se partagent la moitié du marché local


Le secteur de la grande distribution à dominante alimentaire "présente un degré de concentration très élevé (…) en raison de la part de marché d’un acteur de ce secteur proche de deux tiers" note le premier Observatoire de la concurrence.
PAPEETE, le 2 février 2017 - Une publication de l'Autorité de la concurrence sur le poids des plus grosses entreprises dans différents secteurs de notre économie montre où la concentration est la plus importante. Certains secteurs sont clairement en situation d'oligopole, mais l'Autorité considère qu'il n'y a pas toujours matière à intervenir.

Le tout premier Observatoire des concentrations a été publié hier, une photographie de la situation concurrentielle globale, qui a aussi étudié en détail 11 secteurs clés (représentant le quart de notre économie). On y apprend que 0,2% des entreprises polynésiennes réalisaient plus de la moitié de notre production de biens et services en 2014. Plus précisément, les 50 plus grosses entreprises locales ont réalisé un chiffre d'affaires cumulé de 413 milliards de francs. C'est presque cinq fois plus que les 50 entreprises suivantes.

Pourtant, l'Autorité de la concurrence qui a publié cet observatoire n'en conclut pas immédiatement que la Polynésie manque de concurrence. D'abord, certains secteurs sont particulièrement fractionnés :
- dans le petit commerce alimentaire, 285 entreprises se disputent âprement un marché de 19,6 milliards de francs ;
- dans l'hôtellerie, le plus gros groupe ne contrôlait que 21% du marché ;
- dans le commerce de gros à dominante alimentaire, les trois plus grosses entreprises ne s'approprient qu'un tiers des ventes. Bref, il y a des secteurs où la concurrence marche très bien.

Dans d'autres secteurs plus concentrés, la concurrence reste vive mais l'autorité reste vigilante sur les éventuels rapprochements entre gros acteurs :
- Dans la construction de bâtiments hors maisons individuelle, "bien que trois entreprises représentent ensemble la moitié du secteur, de nombreuses autres entreprises y sont présentes. Tout rapprochement entre des opérateurs sur ce secteur ne changerait pas notablement l’état de concentration, à l’exception d’un rapprochement entre les deux plus grosses entreprises qui ferait naître un grand opérateur au milieu d’autres moyens ou petits" ;
- dans le commerce de voitures et de véhicules automobiles légers, l'observatoire note que "toute opération de rapprochement entre l’un des quatre groupes qui ensemble représentent la quasi-totalité du secteur se traduirait par une élévation du HHI a minima à plus de 3000 (NDLR : dénotant une concentration élevée, c'est le niveau atteint par le secteur de l'importation de médicaments), et dans l’hypothèse où elle impliquerait les deux premiers groupes du secteur, à plus de 4000 (NDLR : concentration très élevée, c'est le niveau du secteur des hypermarchés et supermarchés). Quelle que soit l’hypothèse, le secteur serait presque exclusivement entre les mains de 3 entreprises."

La moitié des secteurs étudiés sont dominés par des oligopoles

Par contre, l'Observatoire fait clairement apparaitre que sur les 11 secteurs étudiés (représentant un quart de notre économie), 6 sont confrontés à des concentrations très élevées. Cinq d'entre eux sont même dans la définition de l'oligopole restreint où les trois plus grosses entreprises du secteur contrôlent plus de 80% du marché. Les secteurs "très concentrés" sont :
- la charcuterie (seulement 3 acteurs)
- le commerce de gros de tabac (2 importateurs)
- le commerce de gros de médicament (3 importateurs)
- les supermarchés et hypermarchés (1 acteur possède 65% du marché)
- l'acconage (3 acteurs)
- les télécommunications (1 acteur possède 78% du marché)

Il faut noter que l'Autorité de la concurrence ne punit pas les entreprises qui ont une grosse part de marché. Certains secteurs, comme les télécommunications, l'acconage ou les hydrocarbures (non étudié dans ce rapport) nécessitent des investissements lourds qui limitent le nombre d'acteurs possibles. L'Autorité est seulement vigilante sur les fusions-acquisitions et réprime les abus de position dominante.

Elle dispose aussi d'outils visant à créer les conditions d'une concurrence saine, où aucune barrière n'empêche un nouvel acteur de se lancer sur un marché. Comme le notait le président de l'Autorité de la concurrence dans une interview pour Tahiti Infos en juin 2016 : "Plus on crée de dynamisme dans l’économie, plus on favorise l’innovation commerciale. La compétition fait baisser les prix ; améliore l’offre de produits. Tout cela génère un accroissement du commerce et donne lieu à de la création d’emplois. Je crois que c’est ce que recherche tout gouvernement aujourd’hui."


Un document de veille
"L’observatoire des concentrations est un document d’information et de veille. Cette mission originale confiée à l’Autorité polynésienne de la concurrence donne une photographie de la concentration de l’économie polynésienne et, à l’avenir, montrera son évolution. L’observation de la concentration des secteurs économiques peut éclairer la mise en œuvre des autres missions de l’Autorité" explique le document publié mardi sur www.autorite-concurrence.pf.

Par contre, ce document se contente de compiler les déclarations de chiffre d'affaires des plus grosses entreprises dans des secteurs très vastes. Il a donc ses limites. Par exemple il ne différencie pas la situation par île ou archipel ; il n'a pas encore réussi à classifier certaines entreprises qui ont des activités très variées ; il n'est pas aussi précis que la notion de "marché" utilisée par l'Autorité dans ses interventions au contentieux contre les abus de position dominante. L'analyse est encore partielle puisque seul 25% du chiffre d'affaires total est étudié par secteur. De plus, il concerne l'année 2014. Depuis, de nombreux rachats d'hôtels (qui ont augmenté la concurrence dans le secteur), la fusion de deux concessionnaires automobiles (qui a diminué la concurrence), ou encore l'ouverture de nouvelles grandes surfaces ont fait évoluer les rapports de force. L'Observatoire de l'année 2015 sera publié en fin d'année et celui de 2016 sera dévoilé l'année prochaine. Les prochaines éditions incluront plus de secteurs de l'économie, des analyses plus fines et les premières évolutions observées.

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Jeudi 2 Février 2017 à 05:01 | Lu 13616 fois