41 voix pour supprimer la “TVA sociale“


C'est fait. Quarante-et-un des 57 représentants de l'assemblée de la Polynésie française ont voté ce mardi matin la suppression de la “TVA sociale” au 1er octobre prochain.
Tahiti, le 1er août 2023 - C'est fait. Quarante-et-un des 57 représentants de l'assemblée de la Polynésie française ont voté ce mardi matin la suppression de la “TVA sociale” au 1er octobre prochain. Chacun est resté droit dans ses bottes. La majorité et les élus non-inscrits de AHIP ayant toujours été contre sa mise en place ont voté pour son abrogation, tandis que les 16 élus Tapura ayant instauré cette contribution pour la solidarité se sont abstenus.
 
Pour cette première séance de la session extraordinaire à l’assemblée de la Polynésie française, ce mardi, le gouvernement présentait pour la toute première fois ses propres textes, dont une loi du Pays modifiant le code des impôts avec comme mesure phare, la suppression de la Contribution pour la solidarité (CPS) ou “TVA sociale”. C'est le ministre de l'Économie et des Finances, Tevaiti Pomare, qui a ouvert le bal pour rappeler la philosophie du texte présenté, expliquant que le gouvernement ne s'était pas contenté d'ajustements comptables mais qu'il donnait ses orientations en supprimant dès le 1er octobre la fameuse “TVA sociale”. C'est la seule fois où il s'exprimera sur ce dossier.
 
Tavini et AHIP d'accord sur la suppression
 
Cette mesure répond ainsi aux engagements de campagne du Tavini et aux attentes de la population qui ne voulait pas de cette taxe sociale. C'est la posture du gouvernement et de sa majorité, tout comme celle de A Here ia Porinatia (AHIP), les deux partis s'étant toujours élevés contre sa mise en place à l'époque, et en ayant fait l'un des thèmes phares de leur campagne lors des territoriales. L'argument développé est le même : les recettes du Pays suffisent amplement à financer nos régimes sociaux et il n'était pas nécessaire de lever une nouvelle taxe. Le Tapura n'a néanmoins pas manqué de rappeler qu'au sein même du Tavini, il y avait “deux tendances”, certains comme le président de Tarahoi, Antony Géros, y étant plutôt favorables, tandis que d'autres y étant farouchement opposés.
 
AHIP et Tapura sur la même longueur d'ondes sur l'après
 
Ceci étant dit, l'opposition Tapura et AHIP se retrouvent en revanche sur l'avenir du financement de notre Protection sociale généralisée (PSG), car la suppression de cette Contribution pour la solidarité va engendrer un manque à gagner de l'ordre de huit milliards de francs par an. Comment la compenser ? Un prélèvement du budget général du Pays a été choisi par le gouvernement pour combler les trois derniers mois de l'année, et même pour 2024 en tablant sur d'importantes recettes fiscales. Mais cela ne peut pas être une solution pérenne. Les recettes fiscales sont importantes car elles sont issues de la TVA à l'importation et donc de l'inflation. “Mais si les recettes fiscales des produits importés baissent, le budget du Pays baissera aussi. Comment comblerons-nous le trou de la CPS”, s'est interrogée Tepuaraurii Teriitahi pour le Tapura.
 
Bataille de citations : Lagarde contre Colbert

“Vous prévoyez d'augmenter la CST (Contribution de la solidarité territoriale sur les traitements, salaires, pensions, NDLR). Quelles tranches seront impactées ? Dans quelle mesure ? Quand ?”, a-t-elle demandé au président du Pays, en citant une certaine Christine Lagarde qui déclarait en 2008 : “Les impôts à assiette large et taux faible sont jugés plus efficaces économiquement que des impôts à assiette étroite et taux élevé”. Réponse du berger à la bergère, le président Moetai Brotherson est remonté plus loin dans l'histoire en reprenant une citation de Colbert, contrôleur général des Finances de Louis XIV qui disait : “Sire, taxons les pauvres, ils sont tellement plus nombreux”. (citation d'une pièce de théâtre des années 2000 mettant en scène Colbert, NDLR)
 
“Taxer mieux et taxer juste”
 
Pour Nuihau Laurey, si cette suppression est “nécessaire”, elle ne peut pas résoudre “par miracle” l'équilibre du financement de la PSG et elle doit être “accompagnée” d'une série de mesures visant à maîtriser nos dépenses, et notamment celles de la Caisse de prévoyance sociale. Il s'est dit “choqué” par le dernier rapport de la Chambre territoriale des comptes (CTC)  et a interpellé les ministres de l'Économie et de la Santé sur les mesures qu'ils comptaient prendre pour “changer ces comportements” au sein de cet établissement qui gère notre PSG. Il n'aura pas de réponse.
 
Dans les rangs de la majorité, Élise Vanaa et Tematai Legayic ont soutenu le gouvernement dans leurs interventions. Le député a notamment indiqué que la suppression de cette taxe était une “mesure de justice sociale et d'équité sociale”, n'oubliant pas de rappeler au passage “la dette de 100 milliards de l'État à la CPS”. “Taxer mieux, et surtout taxer juste”, c'est la différence entre le Tapura et le Tavini, a-t-il conclu.
 
Pas de baisse de prix automatique
 
Une chose est sûre, c'est que les uns et les autres se rejoignent tous sur un point : la suppression de cette TVA sociale ne fera pas forcément baisser les prix et ne se fera pas ressentir dans le portefeuille des Polynésiens. Mais “le peuple n'en voulait pas et vous n'avez pas voulu écouter ce peuple”, a lancé Moetai Brotherson à l'attention d'Édouard Fritch et de ses élus qui se “retrouvent dans la minorité aujourd'hui”.
 
L'ancien président du Pays a quant à lui réaffirmé qu'il ne regrettait pas de l'avoir mise en place et a demandé au gouvernement de “faire un effort” pour “rassurer” l'assemblée à qui il demande d'entériner “une perte de huit milliards”.
 
Il faudra attendre le budget primitif 2024 pour connaître véritablement la stratégie du gouvernement et être rassuré donc. En attendant, le texte a été approuvé par les 38 représentants Tavini et les trois élus non-inscrits de AHIP, les 16 élus du Tapura s'étant abstenus.

Rédigé par Stéphanie Delorme le Mardi 1 Aout 2023 à 18:48 | Lu 3498 fois