4 ans ferme pour la mère maltraitante qui échappe à la prison (Màj)


L'affaire a été correctionnalisée pour épargner à la victime un long et pénible procès d'assises, a indiqué le parquet. Les faits n'en demeurent pas moins graves.
PAPEETE, le 13 septembre 2016 - Le ministère public avait requis de lourdes peines de prison, à l'audience du tribunal correctionnel le 25 août dernier, contre la mère et le beau-père d'une jeune handicapée de 25 ans, battue, humiliée et privée de nourriture pendant des mois en 2012 à Faa'a. Ce sont des gendarmes qui avaient croisé la route de la malheureuse, décharnée et blessée de partout, errant dans la rue. Le tribunal a rendu sa décision ce mardi et la mère maltraitante et le beau-père écopent finalement de 4 et 2 ans de prison ferme. La maman échappe néanmoins au mandat de dépôt pour la maison d'arrêt qu'avait requis le parquet.


Impassibles. La mère et le beau-père de la jeune handicapée, jugés jeudi 25 août dernier devant le tribunal correctionnel pour maltraitance sur personne vulnérable, n'avaient rien laissé transparaître au cours de leur procès. Aucune émotion. Ni pendant les débats, ni quand leur fille, dont ils semblaient avoir oublié jusqu'au prénom, s'était avancée à la barre pour livrer quelques mots, ni à l'énoncé des réquisitions du procureur de la République qui ne les avaient pourtant pas ménagés : "Monsieur, il est évident que vous ne pouviez pas ignorer ce qu'il se passait et que vous vous êtes abstenus de lui venir en aide". Réquisitions : 2 ans de prison ferme. "Madame, vous n'êtes pas une mère. Vous avez agi à l'opposé de ce que suppose l'instinct maternel. Vous avez humilié, blessé, frappé votre fille au point que son pronostic vital a été engagé". Réquisitions : 7 ans de prison dont 5 ans ferme, avec mandat de dépôt pour la maison d'arrêt de Nuutania. Le tribunal avait mis sa décision en délibéré au 13 septembre et le jugement vient de tomber ce mardi matin : la mère maltraitante et le beau-père écopent finalement de 4 et 2 ans de prison ferme. La maman échappe au mandat de dépôt pour la maison d'arrêt qu'avait requis le parquet.

Elle perd un œil

L'affaire avait éclaté en 2012 quand une patrouille de gendarmerie croisait la route d'une jeune femme aux allures d'enfant, présentant des traces de blessures sur tout le corps et surtout, complètement décharnée. La malheureuse ne pesait plus que 33 kilos pour 1m65. L'enquête permettra d'établir que sa mère la privait de nourriture, qu'elle dormait parfois dehors avec les chiens, sous une table au milieu des miettes du repas et des fourmis. Entendue, la jeune handicapée racontera avoir perdu l'usage de son œil droit à cause des nombreux coups reçus au visage et porté par sa mère. Elle dédouanera en revanche son beau-père de toute violence à son égard. La justice ne le poursuivait d'ailleurs pas pour cela. Comment cette mère de famille en est-elle arrivée là ? On ne le saura pas. Pas d'explications.

"Elle a refusé dès le départ le handicap de son enfant" raconte l'avocate de la victime, Me Chouini, émue aux larmes à l'audience, rappelant que la mère avait sollicité et obtenu le placement de sa fille quand elle était petite avant de solliciter et d'obtenir à nouveau sa garde à ses 17 ans. "Je vous le dit comme je le pense, mais les faits sont dégueulasses. Je pensais naïvement, quatre ans après, que les prévenus arriveraient à faire quelques déclarations mais ils continuent à dire qu'il ne s'est rien passé, qu'ils n'ont rien vu, je suis consternée. Quand je les vois tomber des nues, je tombe des nues".

Pour expliquer sa cécité, le beau-père a dit qu'il était très occupé, travaillait beaucoup et qu'il faisait aussi beaucoup la cuisine. Qu'il l'évitait car elle avait le béguin pour lui et qu'il ne voulait pas de problèmes. Le calvaire de la petite aura quand même duré un an et elle n'a pas perdu vingt kilos en une nuit... La maman, elle, reconnait du bout des lèvres lui avoir donné des gifles, l'avoir privée de ma'a en punition parce qu'elle était sale, mais juste quelquefois. Elle explique aussi être allée solliciter les services sociaux, un jour, à bout, pour qu'ils récupèrent l'enfant. Et qu'on lui aurait dit de se débrouiller.

Des excuses un peu minces pour le procureur de la République qui a rappelé, lui, que le dossier, bien que jugé en correctionnelle, à sa demande et avec l'accord de la victime, devait au départ prendre le chemin de la cour d'assises. Avec à la clé 20 ans de prison encourus.


Rédigé par Raphaël Pierre le Mardi 13 Septembre 2016 à 09:20 | Lu 4577 fois