30 millions de francs pour faire le point sur nos ressources minières sous-marines


exemple d'encroutement cobaltifere (image Ifremer)
PAPEETE, le 4 juillet 2014 – Une convention a été signée ce matin entre l’IRD (L'Institut de recherche pour le développement) d’un côté et le Pays et l’Etat de l’autre, pour créer un groupe d’experts internationaux chargés d’étudier l’état de l'art des connaissances sur les ressources minières en eaux-profondes de la Polynésie, et faire des propositions permettant de décider de politiques publiques.

Ils disposent d’un budget de 260 000 euros, soit plus de 30 millions Fcfp, tirés du contrat de projet 2014. Cet argent financé à 50/50 par le Pays et l’Etat servira à rémunérer ces 12 experts, organiser leurs déplacements en Polynésie et couvrir la collecte d’informations. Les experts pourraient aussi demander des études complémentaires, que les commanditaires espèrent financer avec de nouveaux partenaires, Union Européenne et entreprises privées.


La photo de famille avec les experts, le Pays, l'Etat, l'IRD, l'Université.
Cette expertise sera multidisciplinaire et inclura bien sûr des géologues, mais aussi des juristes, des ethnologues, des spécialistes de l’environnement et de la gouvernance. Car le chantier est vaste en Polynésie, où il faut réactualiser le code minier, étudier les impacts environnementaux d’un tel projet, son acceptation par la population, garantir des créations d’emploi locaux, et plus encore.

"La recherche doit permettre de faire en sorte que les ressources du fond de la mer puissent participer au développement économique et social de la Polynésie. Nous n’avons pas de temps à perdre, il faut travailler dans le concret ! » explique Gilles Cantal secrétaire général du Haut-Commissariat. « Il est important que nous nous réunissions tous aujourd’hui également dans le cadre plus large de la recherche et de l’innovation car ce sera essentiel dans le développement économique de la Polynésie, et pour les prochains accords de coopération avec le Pays"

Pas d’exploitation avant au moins 15 ans

Si la recherche initiale a commencé dès les années 80, il reste encore énormément de zones non-explorées sur les 5 millions de km² de surface de notre ZEE. De plus, les technologies nécessaires à l’exploitation de ces ressources sont encore toutes jeunes et commencent à peine à être testées en Papouasie-Nouvelle-Guinée avec l'opération SOLWARA, sur une ressource légèrement différente. Toute exploitation dans nos île se fera donc à moyen ou long terme, probablement avec la même technique que pour les amas sulfurés papous (site de l'exploitant, en anglais) : de gros robots sous-marins télécommandés, reliés à des bateaux de contrôle au lieu de plate-formes fixes, rendant l'opération mobile.

Nos ressources minières sous-marines sont de deux type explique Patrice Christman, géologue au Bureau de Recherches Géologiques et Minières : "En Polynésie il y a des boues sédimentaires à 4000 mètres de profondeur qui sont parmi les plus riches en terres rares au monde, mais malgré tout, les concentrations sont faibles par rapport aux gisements terrestres donc je ne pense pas qu’ils intéresseront des investisseurs. Il y a aussi des encroutements polymétalliques riches, selon une étude de l’IFREMER qui date de 1986. Situés aux sommets des volcans qui se sont enfoncés avec la plaque océanique, par 800 à 2500 mètres de fond, ces encroutements forment des masses noirâtres de minéraux sédimentés durant des millions d’années en des couches de 25 ou 30 cm."

Il n’y a encore aucune exploitation de cette ressource dans le monde, mais elle est riche en manganèse, cobalt, cuivre, d’autres métaux et on y trouve même des terres rares. Les encroutements polymétalliques (ou encroutements cobaltifères) font aussi l’objet d’un projet de recherche européen. S'il y a des exploitations minières océaniques en Polynésie, ce sera probablement pour cette ressource explique l'expert. L'autre ressource à la mode, les gisements de nodules polymétallique dont on parle tant, sont très mal connus en Polynésie. Leur exploitation dépendra de possibles futures découvertes.

Mais il faut éviter de se monter la tête selon Pierre-Yves Le Meur, anthropologue à Nouméa qui a étudié l'influence de l'ouverture des mines sur la société : "Il y a le fantasme du trésor que l'on aurait sous nos pieds, ou l'inverse, le fantasme qu'il y aura des dégâts considérables et irréparables. C'est pour dissiper ces fantasmes, et faire un choix éclairé en fonction des gains attendus et des coûts environnementaux, que l'expertise scientifique est essentielle (...) Mais il est vrai que l'exploitation minière, par essence, fait des dégâts dans le milieu."


Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Samedi 5 Juillet 2014 à 10:28 | Lu 2463 fois