3 ans ferme pour un grand-père accusé d'avoir agressé sexuellement sa petite-fille


Crédit photo : Thibault Segalard.
Tahiti, le 7 novembre 2023 – Jugé à huis clos partiel ce mardi, un homme de 69 ans a été condamné à trois ans de prison ferme pour de multiples agressions sexuelles sur sa petite-fille, âgée de 14 ans lors des faits. Chose rare dans ce genre de dossiers, la victime avait enregistré en image la scène avec son téléphone. Retour sur le procès de ce grand-père incestueux.
 
Les portes du tribunal de première instance de Papeete se sont fermées, mardi, pour juger une affaire d’agression sexuelle. Un huis clos partiel a été demandé par l'avocat de la partie civile. La jeune victime avait 14 ans lors des faits. De l'autre côté, sur le banc des prévenus, nul autre que son grand-père, qu'elle accuse d'agressions sexuelles incestueuses. Le tableau est dressé et il est bien sombre.
 
Les faits remontent à fin 2018. La victime est alors à peine adolescente. Ses parents étant séparés, elle passe toujours ses vacances chez son père, du côté de la Presqu'île, où vivent également ses oncles et son grand-père. La jeune fille, aujourd’hui devenue une jeune femme, est alors décrite par plusieurs témoignages de membres de la famille comme “une petite fille pourrie gâtée par son grand-père” qui ne peut rien lui refuser. Jusqu'à ce fameux soir de décembre, où l'homme de 69 ans s'est introduit dans la chambre de la victime, nu, pour se masturber devant elle, avant qu'elle ne le chasse à coups de pied hors de la pièce. Tout s'accélérera par la suite, car quelque temps plus tard, elle subit une nouvelle agression de la part de son aïeul, qui lui impose un cunnilingus dans une voiture. Touchée, mais sujette à un conflit de loyauté, la jeune fille se tait pendant quelques semaines, avant de s'évanouir à l'école. Devant le médecin scolaire, elle commence à raconter ce qu'elle a vécu, celui-ci fait alors remonter un signalement à la Direction des solidarités, de la famille et de l'égalité (DSFE), organisme qui saisit ensuite le procureur de la République. L'enquête est lancée, les rouages de la justice prendront cinq ans pour juger les actes du grand-père.
 
Un prévenu soudainement amnésique
 
À la barre, le prévenu est confronté aux faits. En tahitien, il explique ne se souvenir de rien. “Peut-être bien que oui, peut-être bien que non (...) je ne sais plus” ou encore “je ne pense pas que cela se soit passé comme ça”.  Une défense par l'amnésie, qui agace le président du tribunal. “Ce n'est pas anodin pourtant, quand on fait ça, on doit s'en souvenir quand même”, fulmine-t-il, comme pour tenter de le bousculer un peu. Le prévenu, lui, ajoute que “ces faits sont inventés” par sa petite-fille. Selon lui, ces accusations ne seraient nul autre qu'un “stratagème”, des “excuses” pour “quitter la maison et aller vivre chez son copain”“Je ne comprends pas pourquoi elle fait ça.” L'avocat de la défense, lui, décrit un profil psychologique fumeux de la victime, qu'il qualifie de “manipulatrice”. “Ce n'est pas une enfant sous la domination d'un adulte.”
 
De son côté, la victime, entourée de sa mère et de son père, est en pleurs. Prenant son courage à deux mains, elle se présente à la barre, où elle reconfirme une nouvelle fois les faits, dévoilant même “qu'elle se méfiait déjà un peu de son grand-père”. “Il faisait que m'appeler pour me dire de venir (chez lui, NDLR), à chaque fois que mon papa n'était pas là.” “J'ai de la haine pour lui”, dit-elle également.
 
La preuve en image
 
Au-delà des dires de la victime, il y a une photo. Car si habituellement dans ce genre d'affaire, les paroles s'affrontent, là, au-delà des dires de la victime, une photo très compromettante pour le prévenu existe. En effet, lorsque celui-ci s'était aventuré dans la chambre de sa petite-fille, celle-ci a eu la présence d'esprit de capturer le moment... en image. Une photo, où l'homme de 69 ans est bien visible et nu. “Je n'ai jamais vu un tel dossier avec une photo comme c'est le cas là”, s'est d'ailleurs exclamé le procureur de la République, “tous les éléments convergent vers lui”.
 
“Comment a-t-elle pu être en mesure de prendre une photo de vous nu ?” Encore une question du président du tribunal que le prévenu élude. “Je ne sais pas, c'est ça que je ne comprends pas.” Selon lui, sa petite-fille a dû le photographier en sortant des toilettes, le pareu alors de travers. “Les WC sont à côté de sa chambre.” Une défense une nouvelle fois bancale, puisque sur les plans de la maison familiale, les toilettes sont éloignées de l'entrée de la chambre de la victime.
 
Prison ferme
 
Si le grand-père n'a manifestement pas l'air d'être touché par les événements, le visage placide, il en est forcément tout autre pour sa petite-fille. “Elle n'a jamais eu de désolé, jamais eu de reconnaissance en cinq ans de procédure”, déclare l'avocate de la partie civile, alors que l'expertise psychologique de la victime révèle tous les traumatismes d'une enfant victime d'agression sexuelle. Après l'agression, le parcours scolaire de la jeune fille s'est fortement dégradé avec de nombreuses heures d'absence. “Elle se mutilait avec des lames de rasoir”, révèle même son avocate.
 
Lors de son réquisitoire, le procureur de la République a annoncé la couleur, il faut que “la répression soit ferme”, en demandant quatre années de prison. Après délibération, le tribunal a reconnu l'homme de 69 ans coupable des chefs d'accusation retenus contre lui. Le prévenu a donc écopé de trois ans de prison ferme avec mandat de dépôt, ainsi qu'un suivi socio-judiciaire de cinq ans. Son nom sera également inscrit au fichier des auteurs d'infractions sexuelles.
 

Rédigé par Thibault Segalard le Mardi 7 Novembre 2023 à 16:45 | Lu 3352 fois