+2,4% de PIB en 2021


Tahiti, le 6 juillet 2022 – Les Comptes économiques rapides établis par l'ISPF, l'IEOM et l'AFD estiment à +2,4% la croissance du PIB en 2021, après l'effondrement à -7% en 2020 en raison de la crise Covid. La consommation des ménages reste le principal moteur de cette reprise.
 
D'une baisse de -7% en 2020, le produit intérieur brut (PIB) est revenu à une hausse à +2,4% en 2021. Indicateur de prédilection des économistes pour mesurer la production totale annuelle de richesse, le PIB permet de mesurer la santé économique d'une collectivité. C'est d'ailleurs plus généralement sa variation que l'on observe, la fameuse “croissance” de l'économie, nommée ainsi même si elle est négative… Mercredi midi, l'Institut de la statistique en Polynésie française (ISPF), l'Institut d'émission d'outre-mer (IEOM) et l'Agence française de développement (AFD) ont présenté le résultat des "Comptes économiques rapides pour l'Outre-mer", le Cérom. Une estimation publiée annuellement du niveau du PIB de l'année précédente, sur la base des premiers éléments économiques partagés par les trois entités.
 

​La consommation, toujours la consommation

Evolution du taux de croissance du PIB en Polynésie française et en France.
Cette introduction d'usage pour éviter d'effrayer d'emblée le lecteur avec de gros chiffres étant effectuée, le constat de base du Cérom pour l'année 2021 est donc celui d'un retour à une croissance positive (+2,4% donc…) après une année noire plombée par le Covid (-7% on le disait…). Pour autant, l'année 2021 n'a pas été de tout repos. Elle a notamment été marquée par une fermeture des frontières en début d'année, puis par la plus violente crise sanitaire de l'histoire récente de la Polynésie française avec la vague Delta entre juillet et septembre, entrainant notamment un nouveau confinement certes “allégé”. Notons, en comparaison, que la croissance en métropole s'était effondrée de -7,9% en 2020 mais qu'elle s'est redressée de +7% en 2021. Une différence qui s'explique justement par les contraintes sanitaires qui ont pesé plus lourdement sur l'économie polynésienne en 2021 que sur l'économie nationale.
 
Explication de cette bonne résistance de 2021, les mesures de restriction ont été visiblement plus adaptées à l'économie et surtout c'est la “demande intérieure” et notamment la consommation des ménages “très dynamique” qui a porté la croissance. Elle progresse en effet de +2,5% en 2021 –alors qu'elle était en recul de -1% en 2020– sous l'effet d'un “pouvoir d'achat dynamique” et d'un marché du travail en rapide rebond après l'effondrement de 2020. On peut également relever l'importance des dépenses de consommation des administrations publiques, principalement en raison de l'augmentation de la masse salariale publique (+2,2% en 2021), s'expliquant par une hausse des dépenses de santé liées à l'épidémie. Globalement en 2021, le pouvoir d'achat des ménages polynésiens s'est redressé (+3%), stimulé par la reprise de l'emploi et par les aides publiques dédiées à la crise Covid (28 milliards de Fcfp en 2021, contre 14 milliards en 2020).
 

​Le bilan négatif du commerce extérieur

La comparaison des courbes de la consommation des ménages avec celle des emplois en équivalent temps plein (ETP).
Cette hausse de la consommation se retrouve dans la forte augmentation des importations (+6% contre -20% en 2020). Les importations de biens de consommation (+16% en valeur) tout comme les importations de voitures (+30%) atteignent d'ailleurs des niveaux jusqu'ici jamais observés en Polynésie. Mais cette forte hausse des importations couplées aux contraintes sanitaires pesant sur les exportations, notamment de services touristiques, ont pour effet de freiner la croissance de l'économie polynésienne. Si l’on cumule la balance des importations et exportations, le commerce extérieur de la Polynésie se solde par une baisse de -0,7% pour la croissance économique.
 
Notons encore que les investissements privés des ménages ou des entreprises et les investissements publics connaissent également un rebond par rapport à 2020. Le chiffre d'affaires dans la construction progresse de +10%, porté par l'investissement public et l'investissement privé toujours favorisé par des taux de crédits immobiliers historiquement bas.
 

​Et après…

Pourquoi la balance commerciale tire la croissance vers le bas ? Parce que la reprise des exportations a été moins rapide que celle des importations.
Cette progression de la croissance permet au PIB de s'établir en 2021 à 612,3 milliards de Fcfp au fenua. En progression par rapport à 2020, mais pas de nature à retrouver les niveaux d'avant crise dans l'immédiat. Les prévisions tablaient sur un retour à ce niveau de PIB en 2024-2025, mais selon les différents scénarios évoqués mercredi par les statisticiens du Cérom, l'année 2022 repart sur de meilleures bases qu'espérées. Reste que la conjoncture internationale rend très difficiles les prévisions de reprise à moyen et long terme…
 

Nicolas Prud'homme, directeur de l'ISPF : “En 2023, on devrait récupérer un niveau similaire à 2019”

Qu'est-ce qui explique principalement le retour de cette croissance positive en 2021 ?
 
“Après la baisse de croissance de 2020, le rebond de 2021 s'explique d'une part par la croissance importante de la consommation des ménages, qui est restée soutenue par toutes les aides de l'État et du Pays (PGE et Fonds de solidarité), et d'autre part par tous les investissements à la fois des entreprises qui vont développer leur activité et des ménages qui vont aller construire une maison, par exemple…”
 
Et c'est principalement la consommation des ménages qui a porté croissance…
 
“Tout à fait. On a eu une petite reprise du tourisme, mais encore faible sur 2021. On a eu un plan de relance économique : des investissements et des rénovations de routes, de bâtiments et un secteur du BTP qui se porte bien. Et donc, la suite c'est 2022 où tout ça se confirme.”
 
On s'attendait à un retour au niveau du PIB de 2019 à l'horizon 2024/2025, mais a priori on y va un peu plus rapidement que prévu ?
 
“Il y a eu beaucoup de scénarios. C'est la crise la plus importante depuis la crise pétrolière de 1975. Donc c'était difficile d'anticiper. Ça dépend également des fermetures liées au Covid, de l'évolution des variants… Mais effectivement, je pense qu'en 2023 on devrait récupérer un niveau similaire à 2019. Bien sûr sous couvert qu'il n'y ait pas de nouvelles crises, de nouveaux variants, etc.”
 
Quel impact peut avoir l'inflation de 2022 sur l'évolution de la croissance polynésienne ?
 
“Alors, il faut savoir que l'on regarde la croissance en volume, c’est-à-dire que l'on enlève 'l'effet prix'. Parce que, comme il y a beaucoup de TVA en Polynésie, on peut se retrouver avec des valeurs pécuniaires très importantes, alors que finalement en termes de volume de matériels, par exemple importés, on ne sera pas plus haut que 2019. Donc ça peut avoir un effet sur la consommation des ménages, sur le point de savoir si les ménages auront toujours un pouvoir d'achat aussi important. Mais je ne pense pas que cela provoque une consommation des ménages négatives. C'est juste qu'elle sera peut-être un peu moins forte qu'en 2021.”
 

Pas encore de défaut de remboursement des PGE

Vu le poids des aides publiques dans la reprise économique, la conférence de presse du Cérom était l'occasion d'aborder le comportement des entreprises polynésiennes face au remboursement des premiers prêts garantis par l'État (PGE) octroyés lors de la crise Covid. Le directeur de l'Institut d'émission d'outre-mer, Fabrice Dufresne, a détaillé une situation pour l'heure “positive”. Sur les 1 000 entreprises polynésiennes bénéficiaires, près des “deux-tiers” ont commencé à rembourser leurs PGE dès 2021. Ces prêts étaient en effet remboursables sur une période de six ans, avec un différé possible d'un an pour démarrer le remboursement. “Sur ces deux-tiers, au regard des enquêtes, une cinquantaine pourraient rencontrer des difficultés”, a commenté le directeur de l'IEOM.
 
L'occasion de rappeler que depuis le début de l'année 2022, un dispositif national de restructuration des PGE est possible. Il permet à des entreprises connaissant des difficultés de rééchelonner leur PGE sur une durée de 8 à 10 ans. À ce jour, pourtant, aucune demande de restructuration de PGE n'a été formulée. Il faut dire que le dispositif peut être “dissuasif”, commente Fabrice Dufresne, puisque la réglementation bancaire impose qu'une entreprise demandant un rééchelonnement de crédit soit placée en défaut de paiement. “Auquel cas, elle aura du mal à retrouver une capacité d'endettement auprès du système bancaire pendant cette période”, explique le directeur de l'Institut, qui conclut tout de même : “Mais quand on est vraiment en difficulté, il ne faut pas hésiter à s'engager dans cette démarche avant d'envisager une procédure de redressement.”
 

Rédigé par Antoine Samoyeau le Mercredi 6 Juillet 2022 à 21:02 | Lu 1612 fois