193 commémore le 2-Juillet à Teahupo'o


Tahiti, le 26 juin 2023 - Le 2 juillet 1966, un avion Vautour de l'armée française survolait Moruroa pour larguer la première bombe atomique française sur cet atoll. Après Aldébaran, 192 autres tirs seront tirés dans cet atoll des Tuamotu et à Fangataufa. Ce dimanche 2 juillet, l'association 193 appelle ses militants et sympathisants à se souvenir de la date de ce premier tir qui amènera un changement radical dans la société polynésienne.
 
Jeux Olympiques 2024 obligent, c'est à Teahupo'o que l'association a décidé cette année de se souvenir du premier tir atomique en Polynésie française. Un choix fait, assure la vice-présidente du mouvement, Lena Normand, parce que “l'année dernière, les sections de Taiarapu-Ouest avaient demandé que des réunions se déroulent chez eux.”
 
À la Presqu'île, où l'association assure avoir de nombreuses personnes qui sont concernées par des dossiers de victimes de conséquences des essais, le maire délégué de Teahupo'o devrait les accueillir. Une marche du PK 0 au complexe sportif de Teahupo'o sera organisée dès 8 heures. Deux heures seront ensuite consacrées aux témoignages de la population et à la diffusion du documentaire “Les oubliés de l'atome”. Viendront enfin les discours des officiels avec la présence de la vice-présidente de la Polynésie française, Éliane Tevahitua. “La question de la maladie transgénérationnelle sera évoquée à cette occasion”, annonçait lundi Lena Normand.

Le millisievert de la discorde

Organisée à Teahupo'o, cette manifestation sera, comme à l'accoutumé, une manière de montrer à l'État que l'association reste présente dans le débat du nucléaire. Ce sera aussi l'occasion de vérifier la volonté du nouveau gouvernement de traduire ses anciennes requêtes en actes. La fin du temps de l'opposition où le Tavini pestait contre la loi “scélérate” sur le millisievert [Éliane Tevahitua, en juin 2019, NDLR], demandait des études sur le caractère transgénérationnel des maladies radioinduites [lettre ouverte d'Oscar Temaru aux associations en 2018, NDLR], ou parlait de récolter 100 milliards pour la CPS [Oscar Temaru, août 2019, NDLR], est venue. Plus encore… elle est attendue.
 
En effet, les militants de l'association 193 attendent beaucoup des promesses passées et des prises de position du Tavini. Pour l'heure, ces derniers sont dubitatifs, et l'information révélée par Tahiti Infos du montant estimé des indemnisations versées à la CPS par l'État pour les frais engagés pour traiter les maladies radio-induite est loin de satisfaire. “Difficile équation que de ne pas cracher dans la soupe et de ne pas vouloir être faits comme des rats”, avait alors commenté l'association 193 sur les réseaux sociaux.
 
De plus, des propos du président Moetai Brotherson jettent le trouble chez les militants. “Moetai Brotherson parle de la mise en place d'un statut polynésien de victime des essais nucléaires, explique un militant. Nous le refusons. Cela implique une reconnaissance par le Pays, et une prise en charge par le Pays. C'est non ! C'est à l'État de payer et de réparer les dégâts qu'il a fait.”
Il poursuit : “Ils sont persuadés qu'il ne faut rien attendre de l'État. Alors, elle sert à quoi la démarche devant les tribunaux et la plainte pour crime contre l'humanité ?”
 
Plus posé, Père Auguste, président de l'association, explique pour sa part : “Depuis quatre ans, nous avons réussi à faire percevoir pour près de 2 milliards de francs d'indemnisation auprès des malades du nucléaire. Il faut continuer, et surtout continuer à se battre contre le ‘1 millisievert’ qui bloque tant de dossiers auprès du Civen [Comité d'indemnisation des victimes des essais nucléaires, NDLR]. Il y a eu 193 tirs, 800 fois Hiroshima… Pourquoi toujours mettre le doute du côté des victimes ?”
 
Père Auguste promet de continuer le combat pour le retrait du millisievert, l'élargissement de la liste des maladies radio-induites ou encore la demande d'une étude sur les conséquences transgénérationnelles des essais.

Moruroa e tatou en retrait
 
Cette année, l'association de défense des travailleurs du nucléaire, Moruroa e tatou se met en retrait vis-à-vis des différents événements qui pourraient avoir lieu ce 2 juillet. L'Église protestante Mā'ohi, qui a noyauté le mouvement depuis les départs de Roland Oldham et John Doom, serait trop prise par les préparatifs du synode des 60 ans de son indépendance. “La décision a été prise l'an dernier de laisser la liberté d'action pour les sympathisants”, a expliqué Hiro Tefaarere à Tahiti Infos lundi.
La question se pose dès lors de l'existence même de Moruroa e tatou en tant qu'entité à part entière. Même son site internet https://www.moruroaetatou.com/ n'existe plus. L'adresse web a laissé la place aujourd'hui à un site de produits pharmaceutiques sans ordonnance.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Lundi 26 Juin 2023 à 17:31 | Lu 2922 fois