1920 : Beck, “l’homme-oiseau”, débarque à Tahiti


Un portrait de Rollo Beck, “l’homme-oiseau” des Amériques et du Pacifique, qui lança sa plus grande expédition à partir de Tahiti en 1920.
Tahiti, le 8 octobre 2020 - Peu connu, voire inconnu du grand public, Rollo Howard Beck fut le plus grand collecteur et “découvreur” d’espèces d’oiseaux au début du XXe siècle. Côtes Pacifique de l’Amérique –du Nord et du Sud–, Patagonie, côte Atlantique de l’Amérique du Sud, Caraïbes, Galápagos, lorsqu’il débarqua à Tahiti le 25 septembre 1920, Beck était déjà le “monsieur oiseaux”, “l’homme oiseau” le plus célèbre de l’époque. A partir de Papeete, il rayonna jusqu’en 1929 dans toute la grande Mer du Sud. Histoire d’un destin peu ordinaire...

Les membres de la dynamique et méritante association Manu, société d’ornithologie de Polynésie (la “SOP Manu”, créée il y a déjà trente ans), connaissent sans aucun doute le parcours extraordinaire de Rollo Beck, mais compte tenu de son apport à la science, notamment à partir de Tahiti, il nous a paru utile de revenir sur la vie extrêmement mouvementée de cet infatigable “chasseur” d’oiseaux.
 
Un as du “dépiautage”
 
Tout commence en 1870, à Los Gatos, au sud de San Francisco, où le jeune Rollo Howard Beck voit le jour. Enfant, il a la chance de grandir dans un environnement exceptionnel, de grands vergers à Berryessa (comté de Napa) où les branches des pruniers et des abricotiers ploient sous le poids des fruits. Le gamin n’est pas un grand fan de l’école, ce qui l’intéresse n’est pas non plus d’entasser des caisses de fruits ; son truc, c’est la nature et la traque de petits rongeurs, des spermophiles (Sciuridés appelés aussi écureuils terrestres). L’un de ses voisins, qui aime bien ce gamin passionné par le grand air, lui présente Theodore Sherman Palmer, éminent ornithologue qui le présente dans la foulée à Charles Keeler, ponte de l’ornithologie en Californie. Beck, nous l’avons écrit, ne fit pas de hautes études supérieures, mais les oiseaux devinrent vite sa passion et il s’avéra très habile sur le terrain mais aussi au retour de petites expéditions : les oiseaux, à l’époque, étaient capturés pour être naturalisés, “empaillés” dirait-on trivialement, afin de pouvoir servir de pièces d’exposition dans les musées ou les collections privées. Or “dépiauter” une caille ou une mouette n’est pas à la portée du premier venu et Rollo, très doué, apprit très vite à préparer les spécimens qui lui étaient confiés. 
Dès 1885, un de ses oiseaux magistralement bien préparé rejoindra les collections de la Smithonian. Beck n’avait que quatorze ans... Il était si doué qu’il faisait l’admiration de ses aînés et se vit embarquer dans des explorations plus lointaines : la Sierra Nevada, le Yosémite, le lac Tahoe.

Rollo Beck en plein travail de naturalisation d’une tortue des îles Galápagos.
L’apprentissage de la mer
 
En 1894, Rollo adhéra à l’Union des ornithologues américains et à la Cooper Ornithologocal Society créée à San José ; il s’illustra en collectant et en participant à la description de deux espèces d’oiseaux, une fauvette et un “gros-bec” (Hesperiphona vespertina). Sa voie était désormais tracée, il sera ornithologue, de terrain plus que de laboratoire compte tenu de sa modeste formation.
Au printemps 1897, Beck découvrit un autre monde, celui de la voile au sud de Santa Barbara : il ne savait pas encore qu’il passerait une bonne partie de sa vie à commander des expéditions dans le Pacifique à bord de différents navires, mais sous les ordres du capitaine Sam Burtis, il apprit à naviguer, explorant les Channel Islands ; une manière de faire d’une pierre deux coups, puisqu’il en profita, évidemment, pour collecter des spécimens d’oiseaux, des œufs, des nids. 
Premier grand titre de gloire, dans le milieu spécialisé des oiseaux, sa découverte d’un geai insulaire (Aphelocoma insularis) endémique de l’île de Santa Cruz. Cet oiseau rare lui servit de tremplin car alors qu’il retournait dans la Sierra Nevada, il reçut une proposition inespérée : une expédition aux Galápagos.
 
Rothschild dans la danse
 
Lionel Walter Rothschild, fils du richissime banquier européen, était un grand amateur d’histoire naturelle. A vingt-et-un ans, pour son anniversaire et pour combler sa passion, ses parents lui offrirent de quoi bâtir un très vaste musée d’histoire naturelle en Angleterre. Evidemment, faire construire un musée est à la portée de n’importe quel milliardaire, mais encore faut-il le remplir. Pour ce faire, le jeune Rothschild finança nombre d’expéditions pour collecter des spécimens de la faune et de la flore du monde entier. 
En 1897, il engagea Franck Blake Webster pour préparer une expédition aux Galápagos. Oiseaux, papillons et tortues passionnaient tant Rothschild qu’il avait d’ailleurs loué l’atoll d’Aldabra aux Seychelles, pour en faire un sanctuaire destiné à préserver les dernières grandes tortues terrestres. Un groupe mené par Charles Miller Harris (engagé par Webster) quitta New-York le 29 mars 1897 à bord du vapeur Valencia, cap sur le Panama afin de louer un navire côté Pacifique (le canal n’étant pas encore percé). Las, c’était sans compter sur la fièvre jaune qui emporta certains membres de l’expédition ; les survivants se retrouvèrent à San Francisco ; Rothschild, affecté par cet échec mais pas découragé, demanda à Webster de monter une nouvelle expédition avec trois ornithologues, dont le jeune Rollo Beck dont la réputation n’était plus à faire (ce dernier reçut un contrat au terme duquel il était payé 25 $ par mois). Et voilà notre petit monde parti pour explorer cet archipel alors mal connu, mais qui avait engendré la fameuse et judicieuse théorie de Darwin, celle de l’évolution (grâce à l’observation et la comparaison entre les petits pinsons de cet archipel). 

La découverte de ce superbe oiseau lança la carrière de Beck : il s’agit d’un geai, Aphelocoma insularis, endémique de l’île de Santa Cruz (photo Bill Bouton).
50 exemplaires par espèce !
 
A l’époque, on ne faisait pas dans la demi-mesure : les consignes de Rothschild étaient claires, être exhaustif, tout “ratisser” et surtout fournir des séries de cinquante exemplaires par espèce ! Evidemment, de telles quantités firent le bonheur de Rollo qui excellait dans ce type de travail. Outre les oiseaux, Rothschild voulait aussi des tortues. 
Quant à Rollo, il découvrit la photographie (il avait embarqué cent quarante-quatre plaques, toutes furent perdues au retour... Seul le British Museum a pu conserver quelques tirages). 
Le jeune homme comprit aussi que le capitaine Harris qui commandait leur navire, la goélette Lila & Mattie (deux-mâts de cent cinquante tonneaux et de quatre-vingt quinze pieds), souffrait de violentes crises de paludisme et que lors de précédentes escales dans des ports sud-américains, ce même Harris avait vu bien des hommes mourir de la fièvre jaune. Beck s’en souviendra et évitera plus tard de s’exposer inutilement. 
Bilan de l’expédition : soixante caisses emballées contenant trois mille soixante-quinze peaux d’oiseaux, quatre cents œufs d’oiseaux, cent cinquante iguanes, soixante cinq tortues, quarante œufs de tortues, treize phoques et lions de mer, huit tortues de mer et des centaines de lézards et d’autres petits animaux. Une des découvertes fut le cormoran aptère des Galápagos (Phalacrocorax harrisi). 
 
78 000 spécimens des Galápagos
 
En trois mois de “chasse”, cette moisson fut jugée extraordinaire... Walter Rothschild était béat d’admiration et demanda aussitôt à Rollo Beck de repartir, ce qu’il fit en 1901. Ayant livré le produit de sa collecte à Tring, en Angleterre, il fut envoyé par la California Academy of Sciences récolter des oiseaux dans la baie de Monterey et d’autres îles au Mexique. En 1906, la même académie californienne le chargea de monter une expédition à l’île Cocos puis à nouveau aux Galápagos, à bord du schooner Academy. Cette fois-ci, Beck avait pris du galon ; c’est lui qui recruta nombre de spécialistes dans diverses disciplines (malacologie, géologie, paléontologie, etc.). Lors du tremblement de terre qui frappa San Francisco le 18 avril 1906, Beck était aux Galápagos d’où il ne rentra que le 29 novembre, avec dans ses cales, soixante dix-huit mille spécimens. Les collections de la California Academy of Sciences avaient été détruites dans l’incendie qui avait fait rage avec le séisme d’avril ; autant dire que le schooner fut accueilli à bras ouverts.
 

Le baron de Rothschild finança de très nombreuses expéditions scientifiques dont profita notamment Rollo Beck pour se rendre aux Galápagos.
Amérique du Sud et Caraïbes
 
En 1907, un événement allait changer la vie de Beck, son mariage à Honolulu avec Ida Menzies, de Berryessa, qui devint sa plus fidèle assistante. A l’époque, les institutions s’arrachaient Beck qui travailla en Californie mais aussi en Alaska. 
En 1912, par le biais du riche collectionneur Leonard Cutler Sanford, c’est une expédition de deux ans qui fut offerte au collecteur d’oiseaux le plus célèbre des Etats-Unis, le long des côtes sud-américaines et même dans les Andes (notamment au lac Titicaca). Îles Falkland, archipel Juan Fernandez, cap Horn, Caraïbes, les récoltes de Beck lors de la Brewster-Sanford Expedition permirent à Robert Cushman Murphy de publier son ouvrage de référence, “The Oceanic Birds of South America”.
En 1920, et c’est là que Beck imprima sa marque à nos Mers du Sud, le Dr. Sanford le contacta à nouveau et lui proposa, avec un financement de Harry Payne “Jock” Whitney (richissime homme d’affaires) de monter une nouvelle expédition plus ambitieuse encore que celle autour des côtes sud-américaines : à partir de Tahiti, Beck devait explorer toutes les îles et toutes les terres de cette immense région. Ce fut la Whitney South Sea Expedition, prévue pour durer cinq années et qui, pour Rollo Beck et son épouse se prolongea jusqu’en 1929 ! 
Les spécimens étaient destinés à l’American Museum of Natural History (AMNH) et bien entendu, compte tenu de l’ambition de Whitney, Beck s’entoura de multiples spécialistes qui se succédèrent au fil des ans. La zone à explorer incluait l’actuelle Polynésie française, la Nouvelle-Zélande, la Nouvelle-Guinée et tout ce qui se trouvait à l’intérieur de ce périmètre.
 
Cent mille dollars pour les Mers du Sud
 
A l’actif de Beck, la visite des cinq archipels de ce qui étaient alors les Etablissements français de l’Océanie et des centaines d’autres îles à l’ouest, Cook, Samoa, Tonga, Fidji, etc.
Lorsque Ida et Rollo Beck regagnèrent la Californie en 1929, ils ramenaient une impressionnante collection de quarante mille “peaux” d’oiseaux (prêts à être empaillés) et une impressionnante récolte d’objets relevant de l’anthropologie.
Mais revenons à l’origine de cette extraordinaire expédition dans nos eaux : Whitney était un ami de Sanford et c’est lui qui parvint à convaincre le richissime homme d’affaires de la Nouvelle-Angleterre d’investir cent mille dollars pour explorer les Mers du Sud en plaçant Beck au cœur du dispositif. Les cent mille dollars devaient financer cinq années de recherches, les Beck demeurèrent dans le Pacifique Sud neuf ans et l’expédition en elle-même se poursuivit jusqu’à la Seconde Guerre mondiale. 

C’est grâce au richissime homme d’affaires de la Nouvelle-Angleterre Harry Payne Whitney que le couple Ida et Rollo Beck put entreprendre l’expédition qui les mena, neuf années durant, dans tout le Pacifique Sud, avec Tahiti pour point de départ.
Tahiti : ce sera le La France 
 
Rollo et Ida arrivèrent donc de manière somme toute discrète à Papeete le 25 septembre 1920. Ils avaient fait le trajet depuis San Francisco à bord d’un navire commercial en comptant naviguer sur les goélettes locales pour circuler. Cette méthode, souvent utilisée sur les côtes de l’Amérique du Sud, déplaisait souverainement à Beck qui savait qu’attendre un hypothétique bateau pendant des jours était le meilleur moyen de perdre temps et argent. L’ornithologue persuada donc l’AMNH d’acheter un voilier équipé d’un moteur ; Beck mit une année pour dénicher le bateau entrant dans son budget et correspondant à ses besoins et dès février 1922, le La France commençait son exploration des îles de la Société. 
Le 14 juillet 1923, les Beck fêtaient leur troisième Tiurai à Tahiti en estimant que leur travail dans les EFO était achevé. Trois assistants collectionneurs remplacèrent les trois premiers rentrés aux Etats-Unis. Les dix mois suivants furent consacrés aux îles Cook et aux Samoa, Fidji et les îles environnantes mobilisant l’équipe douze mois de plus. En juin 1926, le La France jetait l’ancre aux Tonga. La Nouvelle-Zélande fut l’étape suivante qui permit aux Beck de prendre un peu de repos avant de s’attaquer à la Grande Barrière de Corail le long de la côte est de l’Australie. Le navire fit voile à nouveau sur la Nouvelle-Zélande, mais cap sur l’île du Sud non encore explorée par l’expédition. Les Nouvelles-Hébrides (devenues le Vanuatu) suivirent et fin juin 1927, le La Franceétait aux Salomon. En janvier-février 1928, Beck s’installait dans l’archipel de Bismarck, deux autres membres de l’expédition explorant l’île de Bougainville. 
 
La Nouvelle-Guinée dans la foulée
 
Fin février 1928, les Beck quittèrent le La France afin de se rendre à Sydney où ils comptaient embarquer pour la Californie, mais une surprise les attendait. George F. Baker, membre de l’AMNH, leur avait envoyé un télégramme dans lequel il demandait au couple de poursuivre, hors Whitney South Sea Expedition, mais directement financés par l’AMNH, leur travail dans la vaste Nouvelle-Guinée. Rollo et Ida étaient très fatigués, mais il y a des propositions que l’on ne refuse pas. 
Après quelques mois de repos à Sydney, ils repartirent donc pour la Nouvelle-Guinée où ils arrivèrent le 5 août 1928. Ils y restèrent jusqu’au 29 avril 1929, Beck se concentrant sur l’intérieur des terres autour de Madang (côte nord de la grande île). 
De nos jours, l’AMNH a recensé 1 741 spécimens d’oiseaux collectés par les infatigables Beck ; durant  ces neuf mois en Nouvelle-Guinée, Beck fit le constat que sans la prise de quinine quotidiennement, on ne pouvait pas échapper au paludisme sur place : “la quinine est constamment nécessaire” nota-t-il dans ses carnets. Évidemment, Rollo et Ida s’organisèrent avec les populations locales pour recevoir des oiseaux et les acheter ; et bien sûr, ce sont les oiseaux de paradis, avec leurs splendides parures de plumes, qui furent au centre des travaux des Beck, Rollo dans ses écrits ne cessant de s’extasier devant le plumage des spécimens recueillis.

Spectaculaire découverte aux Galápagos de ce cormoran incapable de voler, Phalacrocorax harrisi (photo Charles J. Sharp).
Retour à Planada
 
Les meilleures choses ont une fin : les Beck quittèrent la Nouvelle-Guinée fin avril 1929 et revinrent en Australie prendre du repos à Sydney. Ils décidèrent ensuite de rentrer en Californie par le chemin des écoliers : Sydney, Lahore (où la sœur de Rollo était médecin), puis l’Egypte, l’Angleterre, la province de l’Ontario au Canada (d’où Ida était native), enfin New-York et Washington, avant de pouvoir enfin retrouver, début 1930, leur ferme de Planada en Californie (au sud de San Francisco). C’en était fini des longs voyages ; les Beck continuèrent à collecter des oiseaux dans leur région pour les musées locaux (grâce à un permis obtenu auprès de la California Division of Fish and Game). 
Un cancer, de la gorge ou du cou, frappa Rollo au milieu des années trente, mais apparemment, soigné par radiations, il parvint à surmonter ce mal.
Rollo s’éteignit en 1950, âgé de quatre-vingts ans, sa femme Ida lui ayant survécu vingt ans.

Du blanc et du noir...

Photo de gauche : Lonesome George, dernière tortue de cette espèce aux Galapagos, Rollo ayant sacrifié les trois autres spécimens encore vivants. Aux dernières nouvelles, des tortues sauvages de cette espèce justement auraient été trouvées récemment sur l’île Pinta... Photo de droite : Le caracaras de Guadalupe ; Rollo Beck admit, quelques années après en avoir capturé un, qu’il savait que c’était le dernier spécimen vivant de cette espèce.
L’importance des travaux de Rollo Beck pour les ornithologues fut immense mais au regard de certaines pratiques, il est clair que sa quête permanente de spécimens a prêté le flanc à la critique (et aujourd’hui encore plus qu’hier, les mesures de protection des espèces étant drastiques). Son apport à la science, et tout particulièrement à l’ornithologie, est indéniable et personne ne le remet en question, d’autant que ses collections dispersées dans de nombreux musées sont un véritable état des lieux de la faune aviaire d’alors. Mais il y a malgré tout quelques zones d’ombre dans ce travail de fourmi : parfois Rollo a sans doute été un peu trop “gourmand” et a mis en danger des espèces. C’est le cas du caracaras de Guadalupe, un oiseau extrêmement rare car impitoyablement traqué par les éleveurs de chèvres qui voyaient en lui un prédateur. Beck en captura un, assurant, après avoir essuyé des protestations de la part des protecteurs de la nature (il y en avait déjà en 1900), que ce caracaras était encore abondant sur Guadalupe Island. En réalité, il l’admit lui-même quelques années plus tard, il pensa alors avoir capturé le tout dernier caracaras ! 
Dans le même registre, mais cette fois dans la famille des Chéloniens, Beck captura trois des quatre dernières tortues de la sous-espèce Geochelone nigra abingdonii, la tortue de l’île Pinta, aux Galápagos. Il signa ainsi l’arrêt de mort de cette espèce, le dernier individu (celui épargné par Beck) ayant été redécouvert en novembre 1971 sur l’île Pinta ; l’animal fut de suite baptisé “Lonesome George”.
On le voit, la compétition était très vive entre musées, institutions et collectionneurs privés. Difficile de lancer la pierre à Rollo Beck toutefois, car bien plus tard (de nos jours encore), la compétition est sévère entre zoos et parcs animaliers pour capturer des animaux devenus très rares dans la nature sous le prétexte de leur permettre de se reproduire en captivité. Argument qui se tient, même s’il peut être discuté ; au moins a-t-on cessé de les empailler comme au temps de Beck !

Où voir des spécimens de Beck ?

L’American Museum of Natural History (AMNH) pour le compte duquel eut lieu la grande expédition partie de Tahiti en 1920.
C’est bien entendu à New York, au sein des collections de l’AMNH que sont conservés de très nombreux oiseaux capturés par Rollo Beck, mais pour nous qui vivons plus proches de la Californie, plusieurs institutions conservent certaines de ses collections : c’est le cas de la California Academy of Sciences à San Francisco, de la San José State University, du Museum of Vertebrate Zoology (au sein de l’université de Californie à Berkeley), mais aussi du Pacific Grove Museum of Natural History dans la ville de Pacific Grove où une exposition permanente est entièrement consacrée à la vie de Ida et de Rollo Beck.

Des récoltes stupéfiantes

Nous avons donné un aperçu de la taille des récoltes de spécimens lors d’une expédition : des centaines d’échantillons destinés aux collections de Walter Rothschild. 
Pour l’expédition de la California Academy of Sciences (départ de San Francisco le 25 juin 1905, retour fin novembre 1906), voici le détail que nous avons retrouvé : 5 000 reptiles, 38 000 coquillages, 1 000 invertébrés fossiles, 13 000 insectes, 10 000 plantes, 8 688 oiseaux, environ 2 000 œufs, de très nombreux nids et environ 120 mammifères.  Soit un total ahurissant d’environ 78 000 pièces !
On reste évidemment confondus par une telle abondance de matériel et par finalement... un tel massacre. Il est clair que les exigences des scientifiques d’alors n’avaient pas grand chose à voir avec celles des actuels chercheurs (et c’est tant mieux pour la faune d’aujourd’hui...). 
Il est vrai aussi qu’à l’époque, tous les pays, les Etats-Unis les premiers, souhaitaient remplir leurs musées et les collections privées avec toutes sortes d’échantillons de flore et de faune et que pour cela, ceux qui en ramenaient étaient parfois payés fort cher (par les privés). 
Souvenons-nous également de la manière dont les Américains avaient fait mousser Hiram Bingham et sa redécouverte du site du Machu Picchu en 1911. Il s’agissait pour eux de montrer qu’en archéologie, ils étaient les meilleurs. Avec Rollo Beck, ils tenaient un homme de terrain de la trempe de Bingham, mais spécialisé dans le monde de la faune aviaire et non pas dans celui des vieilles pierres. La qualité des récoltes comptait, mais la quantité tout autant... 

Rédigé par Daniel Pardon le Jeudi 8 Octobre 2020 à 14:53 | Lu 1332 fois