Fin 1899 : le port d’Honolulu, comme à son habitude, était fréquenté par de nombreux navires venant des “quatre coins” du Pacifique, et notamment de Chine, où sévissait une dramatique épidémie de peste bubonique. Or la peste se transmet à l’homme par les rats et des rats, ce n’est pas ce qui manquait à bord des nombreux navires de commerce sur lesquels et dans les cales desquels régnaient de déplorables conditions de vie et d’hygiène.
Chinatown, très densément peuplé
Pour parler plus clairement, ces bateaux étaient des gourbis flottants infestés de rongeurs porteurs de Yersinia pestis (le bacille de la peste transporté par les puces hôtes des rats) ; les rongeurs en question ne pensaient qu’à une chose à l’arrivée dans un port : se répandre à terre et coloniser de nouveaux espaces pour se nourrir et se reproduire, la saleté étant le meilleur de leurs atouts pour passer inaperçus.
Or donc, à bord de ces navires en provenance d’Asie, des rats porteurs de la peste trouvèrent vite le chemin de la terre ferme au port d’Honolulu et s’installèrent rapidement dans le quartier le plus densément peuplé et pas le plus propre c’est vrai, Chinatown, alors peuplé par une majorité de Chinois, de Japonais et d’Hawaiiens de souche, appelés Kanakas. Une population pauvre, vivant entassée dans des conditions de vie précaires, un petit paradis pour les rongeurs de tous bords...
A Honolulu, on n’était pas plus bête qu’ailleurs et l’on savait parfaitement que les navires en provenance d’Asie présentaient une menace majeure. Très vite, une île, Sand Island, fut déclarée zone de quarantaine (“Quarantine Island”) et tous les bateaux en provenance de ports où la maladie avait été signalée devaient y demeurer pendant une semaine.
A partir de 1875-76, la peste commença à se propager ainsi dans certaines îles du Pacifique mais pas à Hawaii, où les mesures sanitaires s’avérèrent efficaces, jusqu’au mois de juin 1899. Un paquebot japonais (et non pas chinois) à destination de San Francisco fit escale. Il arrivait de Nagasaki ; on savait qu’il présentait un risque majeur car lors de l’escale à Nagasaki, un passager, un adolescent, était mort de la peste (le 26 mai précisément). Le bateau avait alors été placé en quarantaine, désinfecté totalement et seulement après, il avait été autorisé à poursuivre sa route vers Honolulu.
Au cours de la traversée, un autre passager décéda de la peste et à son arrivée à Honolulu, le paquebot fut bien évidemment mis en quarantaine : aucun passager ou membre d’équipage ne fut autorisé à descendre (même ceux qui devaient terminer leur voyage à Hawaii ; ils furent placés sur un autre bateau en quarantaine), pas un kilo de marchandise ne fut débarqué, la situation était sous contrôle, du moins le croyait-on.
Or un détail avait échappé aux autorités portuaires : les rats ne passaient pas par les passerelles pour se rendre à terre, mais par les amarres et c’est ainsi que chargés de bacilles, ils débarquèrent discrètement.
A l’époque, le cas de ce paquebot mis en quarantaine ne fut pas rendu public pour ne pas affoler inutilement la population. Mais avec les rats à terre, il était trop tard...
Mort en trois jours
A Honolulu, les rats malades moururent, certes, mais leurs puces colonisèrent rapidement d’autres rats locaux, avant de passer chez l’homme. Le premier cas avéré fut celui d’un comptable, Yon Chong (également orthographié You Chang), vingt-deux ans, employé chez Wing Wo Tai, malade le 9 décembre et décédé le 12 du même mois.
Ses bubons révélateurs ne laissaient aucun doute, la peste l’avait emporté. Elle fut fatale, dans la foulée, à quatre de ses voisins, ce qui mit en état d’alerte maximum les autorités locales.
Certes, on connaissait le bacille depuis quelques années mais la chaîne bacille-puce-rat-homme n’avait pas encore été clairement identifiée. La presse locale fit appel à des volontaires pour venir aider le Conseil territorial de la Santé, le Board of Health (BOH) ; en peu de jours, les médecins confirmèrent que d’autres personnes étaient mortes de la maladie ; Chinatown fut hermétiquement fermé, le trafic inter-îles stoppé et la désinfection commença, mais en vain : en effet, beaucoup pensaient alors que le bacille vivaient dans les sols en terre battue ou dans les murs et le fait de les asperger abondamment de solutions désinfectantes, dont de l’acide sulfurique diluée à 5% et du bichloride de mercure, ne fit ni chaud ni froid aux rats. Ceux-ci, certes dérangés, se firent oublier. Aucun autre cas n’ayant été détecté, la quarantaine fut levée le 19 décembre, une décision considérée aujourd’hui comme d’une folle imprudence.
La pause fut de courte durée : dans la semaine de Noël, quatre nouveaux cas de peste bubonique étaient déclarés, cinq autres entre Noël et le Jour de l’An. En dix-neuf jours, douze cas furent diagnostiqués s’étant soldés par onze décès, preuve que ce bacille était extrêmement dangereux pour l’homme.
L’archipel venait de passer aux mains des Américains (Hawaii fut officiellement annexé le 12 août 1898), mais la République d’Hawaii, contrôlée et dirigée par des planteurs américains, existait depuis 1894 avec Sanford B. Dole à sa tête. Les Asiatiques n’étaient guère appréciés et le BOH blâma haut et fort ces derniers qu’il estimait responsable de l’épidémie naissante.
Aux yeux des Américains, les articles de presse le montrent, ces Asiatiques entassés dans ce quartier “étaient sales, mangeaient n’importe quoi et ne respectaient aucune règle de vie en termes d’hygiène collective ou individuelle”.
Finalement, le 28 décembre à 3 heures du matin, profitant de la nuit, la garde nationale encercla Chinatown, barrant les rues avec des cordes et empêchant militairement toute personne d’enter et de sortir du quartier. Tout Chinatown était en quarantaine forcée, les hommes d’affaires américains étant désireux de régler au plus vite ce problème qui risquait d’entraver le commerce avec le continent.
Le 31 décembre 1899, histoire de bien finir l’année, le gouvernement local prit la décision qui allait se révéler plus catastrophique encore que la peste : il fut décidé de brûler chaque maison ou immeuble ayant abrité un pestiféré.
Bien entendu, il n’était pas question de faire n’importe quoi n’importe comment ; les habitations à brûler étaient recensées, des pompiers encerclaient le bâtiment avant qu’il ne soit détruit et le système, expéditif, fonctionna très bien jusqu’au 20 janvier. Ce jour-là, il y avait du vent, violent, soufflant par bourrasques. Et ce qui devait arriver arriva ; des brandons atterrirent sur le clocher de l’église en bois de Kaumakapili qui s’enflamma immédiatement ; non seulement l’église se consuma, mais le feu s’étendit aux bâtiments environnants, à Chinatown et en dehors du périmètre.
La Garde nationale tenta de maintenir les cordes qui empêchaient toute sortie du quartier en proie aux flammes, mais finalement, sous la pression de la population, les habitants purent s’enfuir alors que l’incendie prenait l’allure d’un véritable désastre : un peu plus de vingt-cinq hectares d’habitations furent complètement calcinés, un total de huit mille personnes se retrouvant à la rue, sans habitation, pour la plupart ayant perdu leur atelier ou magasin (le secteur le plus touché fut celui compris entre Kukui Street, River Street, Queen Street –aujourd’hui Ala Moana Blvd–et Nuuanu Avenue).
Le feu ne fut bien entendu maîtrisé qu’avec le plus grand mal, puisque l’incendie dura quatre jours (du 20 au 24 janvier). Le remède avait été bien pire que le mal, même si, par miracle, on ne releva aucun décès après la catastrophe. Quantitativement un cinquième de la ville de Honolulu fut détruit pendant ce grand incendie.
Croyez-vous que ce désastre modifia la politique de brûlage des maisons ? Que nenni, ceux-ci se poursuivirent, une trentaine au total, certes de manière plus contrôlée, mais avec tout de même une évidente prise de risques.
Ces incendies sanitaires se poursuivirent et chaque jour dans le journal Honolulu Advertiser, les lecteurs pouvaient suivre, grâce à des cartes, la progression de ces destructions.
Les huit mille sans abri, essentiellement des Chinois, des Japonais et des Kanakas, furent relogés dans des campements provisoires, eux aussi soumis à une très stricte quarantaine, jusqu’à ce que plus aucun cas de peste ne se déclare.
Un taux de mortalité effrayant
L’affaire demanda encore deux mois de patience, le BOH déclarant finalement que l’épidémie avait été endiguée officiellement le 31 mars 1900 (le port étant rouvert au commerce un mois plus tard, le 30 avril 1900). La “mort noire” n’avait touché au final que soixante-et-onze personnes à Honolulu, mais le taux de mortalité fut effrayant puisque soixante-et-un de ces malades perdirent la vie (deux cent vingt-huit personnes furent touchées sur Oahu et seules vingt-quatre survécurent).
La peste fut-elle éradiquée à cette date ? En réalité, rien n’est plus faux, mais les hommes d’affaires entendaient voir le port retrouver son activité et leur business reprendre au plus vite. En fait, la maladie avait déjà gagné la grande île de Hawaii, puis d’autres encore.
Au final, avec quatre cent-dix cas et trois cent soixante-quinze décès, le gouvernement de Hawaii doit plutôt être loué pour son approche de l’épidémie qui demeura très contrôlée, même si rien ne viendra jamais effacer le désastre du grand incendie. Le BOH territorial et les US Marine Hospital Services, de même que les entreprises privées et tous les citoyens jouèrent le jeu et s’engagèrent contre la maladie.
Sachant que la transmission par les puces de rat ne fut définitivement admise qu’en 1915 (vingt ans après les travaux du scientifique Simond, qui avait avancé cette origine de la maladie), le chiffre de quatre cent-dix cas reste très modeste. Surtout si on le compare à celui, tout à fait contemporain, de la Covid 19, avec des chiffres considérablement plus alarmants... (voir notre encadré)
Le bilan Covid à Hawaii au 7 octobre 2021
Troisième grande épidémie
La peste de Justinien (biovar Antiqua) s’est étalée de 500 à 700 après JC, avec un pic entre 541 et 542. Elle a fait entre vingt-cinq et cent millions de morts. La peste du Moyen-Âge, dite peste noire (biovar Medievalis), frappa le monde entier au XIVe siècle, avec un pic entre 1347 et 1351. Elle aurait fait entre soixante-quinze et deux cents millions de morts. La peste chinoise, qui apparut à peu près en 1860, se répandit dans les ports chinois du sud en 1870 et suscita une telle frayeur et une telle mobilisation des scientifiques que ceux-ci parvinrent, notamment grâce à Alexandre Yersin et au Japonais Shibasaburo Kitasato à identifier le bacille et à parvenir à le combattre.
Des Chinois depuis 1823
Leur quartier, face au port, étaient constitué de quatorze pâtés de maisons, avec le port à l’ouest, le centre-ville d’Honolulu au sud et le ruisseau Nu’uanu au nord. Plus de sept mille personnes y vivaient et y travaillaient, les employeurs étant des Chinois et des Japonais.
Humiliations et vols
Lorsque Chinatown fut déclaré quartier à isoler, ses habitants furent contraints de se plier à des mesures de désinfection très brutales: non seulement le quartier fut bouclé par la Garde nationale, baïonnette au fusil, mais les résidents des pâtés de maisons jugés infectés furent soumis à un traitement humiliant: Chinois, Japonais, Kanakas furent envoyés vers des stations de nettoyage radical.
Sur place, à la vue de tous, ils étaient déshabillés, soumis à une fumigation complète et une inspection intime leur fut même imposée, le tout sous la houlette de gardes armés. Beaucoup avaient emporté avec eux leurs objets les plus précieux, de peur qu’ils ne soient volés chez eux pendant leur absence; ces biens de valeur ne leur furent jamais rendus, volés ou détruits, sans autre forme de procès.
Petit racisme américain...
La petite histoire nous oblige à mentionner le fait qu’il n’y eut pas que des Chinois, des Japonais et des Kanakas qui perdirent leurs habitations et leurs outils de travail. Quatre Blancs virent, eux aussi, leurs maisons détruites par des incendies sanitaires, parce que la peste ne se cantonnait bien évidemment pas aux seuls Asiatiques ou Hawaiiens.
Mais pour les quatre familles blanches, le traitement fut différent puisqu’aucune ne fut placée en camp de détention. A la place, elles bénéficièrent du confort d’hôtels plutôt de très bonne tenue.
Quant aux autres, ils se battirent quatre années devant la justice pour obtenir réparation puisque rien n’avait été prévu pour les dédommager et ce n’est qu’au bout de quatre années de combat qu’ils obtinrent des compensations financières.
Le cas de Matsutaro Yamashiro
Yamashiro Matsutaro était un Japonais installé à Chinatown. Il y tenait un hôtel qu’il avait pu acheter à un autre Japonais, après avoir travaillé durant dix ans comme ouvrier agricole dans deux plantations de cannes à sucre de Maui. Autant dire qu’il avait dû économiser cent après cent, dollar après dollar pour parvenir à se constituer un petit capital, lui qui était arrivé avec ses deux seuls bras pour travailler à Hawaii.
Cet hôtel était donc pour lui la consécration d’années de dur labeur, mais malheureusement, il faisait partie d’un groupe de bâtiments que le BOH avait décidé de brûler. Impuissant, Matsutaro assista donc, résigné, à l’incendie contrôlé de son hôtel. Ce jour-là, à part la vie, il perdit tout. Il ne fut pas le seul à connaître un tel malheur puisque dix autres hôtels tenus par des Japonais subirent le même sort.
Installé provisoirement dans un camp de toile, Yamashiro eut toutes les peines du monde à se faire indemniser, mais au final, il put rouvrir un autre hôtel, plus proche du centre-ville, donc moins au cœur de Chinatown, hôtel baptisé Yamashiro Ryokan puis Yamashiro Hotel.
Dès 1836...
Hawaii, en tant que port ouvert sur le monde, était parfaitement conscient, du moins les autorités basées à Honolulu, que le risque d’une épidémie était très élevé. Aussi, dès 1836, sous le règne de Kamehameha III, sa conseillère et par ailleurs gouverneur de Oahu, Elisabeth Kinau, publia le premier décret visant à assurer la sécurité sanitaire de la population. Dans ce décret, E. Kinau ordonnait aux pilotes du port de vérifier que sur chaque bateau il n’y avait aucun cas de grippe (la maladie la plus contagieuse et la plus mortelle à l’époque). Si c’était le cas, le bateau ne pouvait pas venir à quai, devait hisser un pavillon jaune et devait ensuite tenir informées les autorités portuaires de manière à ce que celles-ci puissent lever la quarantaine une fois tout risque écarté.
A la suite de la mort prématurée d’E. Kinau d’une de ces maladies dont elle voulait épargner Honolulu (en l’occurrence des oreillons suivis d’une paralysie), un groupe de planteurs américains demanda au roi de créer un conseil de santé public en 1839, le Board of Health (BOH), ce qui fut fait le 13 décembre 1850, par le roi Kamehameha. Ce Board of Health fut le premier de tous les États-Unis (sachant qu’à l’époque, Hawaii n’était pas encore passé sous la tutelle américaine).
A peine le BOH créé qu’une terrible épidémie de grippe survint, tuant des centaines de personnes, le BOH utilisant les fonds destinés à lutter contre le choléra pour aider les malades. L’épidémie dura jusqu’en 1854 et fut suivie d’une autre en 1861 ; cette fois-ci, mieux préparé, le BOH parvint à contenir le nombre de victimes à “seulement” deux cent quatre-vingt-deux morts. En 1894, une épidémie de choléra mit en évidence le manque de main d’œuvre dont disposait le BOH qui, le 12 décembre 1899, rendait public le premier cas de peste bubonique fatal à un jeune comptable chinois...
Les amarres “anti-rats”
Peu après l’apparition de la peste à Honolulu, les autorités, qui soupçonnaient que la maladie était transmise par les rats (sans en être réellement certaines), prirent la décision d’interdire à tous les navires de se mettre à quai. Ceux-ci, même en période de déchargement de marchandises, devaient se tenir en retrait, à au moins six pieds du quai. Nouveauté, on exigea des capitaines qu’ils équipent leurs amarres de disques anti-rats, des plaques de métal circulaires fixées le long de l’amarre: si un rat sortait du navire en suivant une amarre, il se trouvait ainsi bloqué et ne pouvait accéder au quai.
Il est à noter qu’à l’époque, on se perdait en conjectures sur l’origine de la maladie. On considérait le rat comme un vecteur possible, mais personne n’avait encore vraiment compris que c’était par ses puces que le rongeur contaminait l’homme, les puces étant les véhicules de la maladie. C’est pourquoi le BOH entama une campagne massive de dératisation à Honolulu (captures et empoisonnement), mais sans véritablement faire le lien entre la maladie, les rats et l’homme.
Ce ne fut qu’après que la Chambre de commerce d’Honolulu se soit décidée à engager une équipe de travailleurs pour désinfecter la ville que les rats récoltés furent donnés à des bactériologistes qui, enfin, mirent en évidence la présence massive du bacille de la peste dans les organismes des rats. Même sans avoir fait le lien avec les puces, la responsabilité de ces rongeurs dans l’expansion de l’épidémie ne faisait plus de doute.
Plusieurs îles frappées
Après l’apparition des premiers cas de peste bubonique à Chinatown, le BOH suivit de près l’expansion de la maladie qui se répandit hors de Honolulu en suivant la ligne de chemin de fer reliant les plantations de cannes à sucre de Aiea, Waipahu et Waialua. Le dernier cas de peste à Oahu fut enregistré en 1910 à Aiea, soit une décennie après l’épidémie de Honolulu, preuve que la peste s’était installée dans les campagnes, au moins au niveau des rats.
- Sur l’île de Maui, le premier cas fut recensé le 5 novembre 1901 dans le port de Kahului, presque deux ans après Honolulu. Dès l’apparition de la maladie, il fut décidé de brûler la partie chinoise du port de Kahului. Neuf cas furent recensés, tous mortels. Curieusement, la maladie sembla ne pas disparaître totalement puisque des cas furent détectés en 1926, 1930 (à Makawao), 1931(à Kula) et enfin en 1938 (la dernière infection de rongeurs ayant été détectée en 1949 à Makawao-Paia).
- A Kauai, le premier cas date du 5 novembre 1901 et des malades furent à déplorer jusqu’en 1902, à Kealia, Ellele et Wahiawa. Le nombre total de malades fut de onze et tous décédèrent.
- Sur Hawaii (Big Island), le premier cas fut enregistré dans le port de Hilo le 5 février 1900, mais la maladie se répandit rapidement au sud (Olaa, Keeau) et au nord (Laupahoehoe) jusqu’à la ville de Honokaa dans le district de Hamakua. Dans ce district, des cas de peste sur des humains furent détectés jusqu’en novembre 1949 et des cas d’infection sur les rats jusqu’en 1957, malgré toutes les campagnes de désinfection engagées au fil des décennies! Les compagnies produisant des cannes à sucre participèrent très activement à ces campagnes car outre le risque pour les travailleurs de contracter la peste, les rats faisaient de gros dégâts dans les plantations.
Le bilan, île par île, est le suivant:
- Oahu: 228 cas (24 guérisons)
- Kauai: 11 cas (0 guérison)
- Maui: 16 cas (1 guérison)
- Hawaii: 155 cas (10 guérisons), dont 43 cas à Hilo (9 guérisons) et 112 cas à Hamakua (1 guérison).
- Total: 419 cas (35 guérisons) soit une mortalité de 91,5 %.
Deux types de peste à Hawaii
Les études menées dans l’archipel hawaiien à l’occasion de l’apparition de la peste ont mis en évidence le fait qu’il y eut, en réalité, deux types de pestes dans l’archipel: la forme “urbaine” et la forme “rurale”.
Cette dernière, la forme rurale, ne doit pas être confondue avec la peste dite “des forêts” qui a existé dans les États du nord-ouest américain et qui était transmise par les puces des écureuils.
La peste “urbaine”, peste bubonique, qui se répandit à Oahu, puis à Maui et en partie à Hawaii, provoque en général une épidémie de courte durée qui tend à disparaître d’elle-même. En revanche, la forme rurale est persistante compte tenu du fait que les vecteurs ne se limitent pas aux seuls rats. L’un des transmetteurs avérés est le rat polynésien (Rattus exulans) porteur d’une puce appelée Xenopsylla vexabilis. C’est ce rat des champs qui joua un rôle majeur dans le fait que la peste ne disparut que très longtemps après sa première apparition à Maui et surtout à Hawaii.
Dans le district de Hamakua par exemple, les maladies initiales furent des pestes “urbaines” (la peste bubonique, pour 83 % des cas) alors que la peste pneumonique ne représenta ensuite que 15 % des cas et la peste septicémique 2 %. Cette dernière forme de peste contribua largement à la mortalité en Californie lorsque l’épidémie s’y répandit alors qu’à Hawaii, les cas contacts, de suite placés à l’isolement, permirent de limiter le nombre de cas à un très faible pourcentage.