1872 : Bernhardt Holtermann, le mineur à la pépite de 290 kg !


Bernhardt Otto Holterman posant, très fier, avec sa merveilleuse trouvaille, un bloc de quartz contenant 93 kilos d’or pur. Il avait 34 ans quand la fortune lui sourit.
Dans la vaste Océanie, nombreux ont été les chercheurs d’or, à commencer par les Espagnols à la fin du XVIe siècle, en quête des mines du roi Salomon (actuelles îles Salomon). Bien plus tard, on en trouva aux îles Fidji (Baron de Este, Nasivi River, 1872), mais hors la Californie, Nouvelle-Zélande et Australie furent le théâtre des plus spectaculaires ruées vers l’or. La trouvaille la plus extravagante revint à un Allemand qui sortit de terre un bloc de quartz et d’or de 290 kilos, contenant 93 kilos d’or pur !

Jusqu’en 1851, les découvertes d’or en Australie furent assez nombreuses, mais l’administration pénitentiaire anglaise fit tout ce qui était en son pouvoir pour que ces trouvailles demeurent confidentielles.


L’or pour appâter les migrants

Des chercheurs d’or exhibant des blocs de quartz contenant de l’or à la mine de Star of Hope (Nouvelle Galles du Sud).
Une rue vers l’or aurait complètement déstabilisé le peuplement balbutiant de la nouvelle colonie ; celle-ci était essentiellement peuplée de bagnards purgeant leur peine ou déjà libérés ; majoritairement, ils étaient obligés de ne pas quitter leur terre d’exil pour la mettre en valeur.
L’économie de la jeune Australie était encore très fragile et les Anglais avait bien du mal à trouver de la main d’œuvre fiable, ne serait-ce que pour aménager la région de Sydney. Pas question de voir tout ce beau monde se disperser dans le bush avec pelles et pioches, en abandonnant tout derrière eux. On ne bâtit pas un pays avec des mirages...
A partir de la moitié du XIXe siècle pourtant, les autorités, soucieuses de peupler ce continent encore quasiment vide, décidèrent de ne plus taire les découvertes de filons aurifères. Ce fut le début d’une série de ruées vers l’or qui eurent le mérite d’amener du sang neuf sur l’île continent et de contribuer à la densification de son peuplement. Il est vrai qu’en 1848, des milliers d’Australiens avaient quitté le pays pour aller tenter leur chance dans les gisements de minerai précieux découverts en Californie ; cette hémorragie de travailleurs avait coûté cher à l’Australie qui comprit vite que ce n’était pas avec du vinaigre que l’on attirait les mouches et que l’or était une excellent appât.
De la même manière que la Californie avait connu un incroyable développement, puisqu’il y avait de l’or en Australie, pourquoi ne pas le faire savoir, faire revenir les travailleurs partis du côté de Sacramento (Sutter’s Mill) et en attirer d’autres ? De 1848 à 1856, trois cent mille aventuriers débarquèrent dans cette nouvelle terre promise pour tenter leur chance ; un afflux de migrants qui est à rapprocher du chiffre de la population totale de l’Australie en 1851 : 430 000 personnes à peine.
Le calcul n’était pas mauvais, puisque ce chiffre passa à 720 000 habitants en 1860 et 1,7 million en 1871, soit un quasi triplement.


Le déclic en 1851

The Towers, la somptueuse demeure que se fit bâtir Bernhardt Otto Holterman non loin de Sydney, après avoir fait fortune dans la prospection aurifère.
Vingt et une découvertes d’or avaient été recensées par les autorités anglaises jusqu’en 1850 en Australie. Essentiellement dans la Nouvelle-Galles du Sud, l’Etat du Victoria et la Tasmanie.
Il est clair que le sous-sol était riche en métaux précieux. Il restait à provoquer l’étincelle, avec la découverte d’un très riche gisement. Ce fut le cas lorsque le géologue et prospecteur anglais Edward Hardgraves, ayant en vain tenté sa chance en Californie, découvrit, le 12 février 1851, des occurrences de métal précieux (à Lewis Ponds Creek, en Nouvelle Galles du Sud, près de Bathurst). Il le fit savoir dans les journaux d’alors, attirant l’attention de tous sur les richesses potentielles du pays. Le premier champ aurifère reconnut comme tel, c’est-à-dire potentiellement rentable, fut celui d’Ophir, toujours en Nouvelle Galles du Sud. Le gisement était situé près de la rivière Macquarie, sur le territoire de la ville d’Orange, alors une bourgade. Deux petits cours d’eau, Summer Hill Creek et Lewis Pond Creek, à leur confluence, délimitaient ce site riche en métal précieux, à l’origine de la première ruée vers l’or en Australie.
En février, Hardgraves avait découvert avec ses amis les premiers indices d’or, et en avril de la même année, c’est cent-vingt grammes qui tombaient dans leur poche. En mai 1851, la nouvelle avait fait le tour du pays et déjà trois cents mineurs creusaient la terre un peu partout.
En avril 1851, la presse révéla qu’un autre gisement avait été découvert à Clunes (146 km de Melbourne), dans l’Etat du Victoria.
D’autres découvertes suivirent, en rafale, dans le même secteur : Buninyong, Castlemaine, Bendigo… L’Australie entrait dans sa période « dorée » et, comme l’espéraient les Britanniques, une foule de prospecteurs afflua du monde entier. Tous étaient les bienvenus, sauf les Chinois qui furent des milliers à tenter leur chance, mais qui furent extrêmement mal reçus et systématiquement maltraités.


De l’Allemagne à l’Australie

Au temps des ruées vers l’or, en Australie les villes de prospecteurs poussaient comme des champignons, façon « western » américain.
Bien loin de là, dans l’actuelle Allemagne, Bernhardt Otto Holterman, né en 1838 à Hambourg, ne savait probablement même pas que l’Australie existait, aux antipodes de son pays. En revanche, alors qu’il avançait en âge, il comprit vite que ce qui l’attendait n’avait rien de folichon : en cette période instable, les jeunes appelés sous les drapeaux devaient effectuer trois ans de service militaire, pas moins. Service dur, contraignant, pas exempt de risques et de dangers.
Herman, frère de Bernhardt, avait déjà pris le large et le jeune homme, en 1858, estima qu’à vingt ans, il n’avait plus le choix : c’était l’armée ou la fuite. Il préféra, lui aussi, la fuite. Réunissant ses maigres économies, il parvint à se rendre à Liverpool avant d’être enrôlé et réussit à embarquer à bord du Salem, direction la lointaine Australie, où il comptait bien retrouver son frère.
Il arriva à Melbourne le 7 août et à Sydney le 12 août, mais de frère, point ! Et pour cause, celui-ci n’avait pas traîné ; appâté par la fièvre de l’or qui gagnait tous ceux qui n’avaient pas grand-chose à perdre, il était parti tenter sa chance, pioche en main. Bernhardt ne parlait l’anglais que par bribes, très mal. Il ne trouvait, de ce fait, aucun petit boulot à Sydney et finit par s’embarquer un an sur une goélette, la Rebecca, à bord de laquelle il fut steward.
De retour à Sydney le 20 janvier 1859, pas vraiment conquis par la mer et les îles du Pacifique, il décrocha un petit emploi de serveur dans un hôtel. Là, il se lia avec un prospecteur polonais, Ludwig Hugo Louis Beyers qui semblait financièrement un peu plus à l’aise que lui et ensemble, ils partirent à l’aventure du côté de Tambaroora (localité proche de Bathurst). De 1861 à 1866, leurs prospections ne furent pas couronnées par de francs succès. Bernhardt sentait pourtant confusément qu’il devait avoir des parts dans l’affaire et il multiplia les petits boulots pour amasser un pécule et devenir actionnaire au sein de leur association.


93 kilos d’or pur dans du quartz !

Or, saphirs, opales, le sous-sol australien est riche d’immenses trésors et les « diggers » ont été des dizaines de milliers à tenter leur chance à partir de 1851.
Beyers et Holtermann étaient toujours très proches et d’ailleurs, ils épousèrent ensemble, le 22 février 1868, deux sœurs, Mary et Harriett Emmett.
Leurs affaires finirent par prospérer et leur mine à prendre de l’ampleur. Certes, ils s’étaient associés à d’autres partenaires, mais le développement de leur activité nécessitait plus de capitaux et c’est ainsi qu’ils devinrent actionnaires de la Star Hope Mining Compay, toujours à Tambaroora, près de Hill End. Il semble qu’il y ait eu une embrouille avec un de leurs associés. De riches veines d’or auraient été repérées, celui-ci, l’ignorant, aurait revendu ses parts avant que l’exploitation de ces veines ne se fasse et commence à rapporter gros. Plusieurs milliers d’once d’or furent arrachées à leur gangue de quartz, ce qui, on s’en doute, permit aux deux associés de départ de se constituer une jolie petite fortune.
Mais le meilleur était encore à venir. Le 26 octobre 1872, ils firent, en effet la découverte du siècle, à savoir le plus gros bloc de quartz aurifère jamais trouvé au bout d’un pic de mineur.
Holtermann était à ce moment-là le directeur de l’exploitation, donc sur le terrain en permanence. Ses ouvriers lui signalèrent qu’ils étaient en face de quelque chose de peu ordinaire, une pierre énorme ; l’Allemand demanda à ce que ce trésor minéralogique ne soit pas brisé, mais au contraire remonté avec le plus grand soin à la surface. Le « monstre » d’un mètre cinquante de hauteur pesait la bagatelle de 290 kilos, dont 93 kilos d’or pur (3 000 onces environ).
Holtermann avait des fonds et avait compris de suite que sans doute jamais on ne pourrait remettre la main sur pareille pièce de minéralogie. Il se fit photographier devant le « caillou », et proposa ensuite à ses associés de leur racheter au prix fort ; le bloc avait été expertisé pour la somme de douze mille livres anglaises de l’époque, il en proposa treize mille à ses partenaires.
On ne sut jamais véritablement très bien pourquoi, mais il récolta un refus clair et net : les actionnaires de la mine préférèrent que la roche soit brisée en plusieurs morceaux puis broyée afin que l’or qu’elle contenait en soit extrait. La déception fut terrible pour Holtermann. Plus tard, toujours dans le même filon, d’autres blocs très importants furent extraits, dont l’un d’eux aurait été plus gros et plus lourd encore que celui que l’on appelait déjà le Holtermann Nugget. Mais tous furent détruits et brisés avant même d’être extraits de leur gangue.


Une fin de vie abrégée par les excès

Le champ aurifère d’Ararat (Etat du Victoria) peint par Edward Roper. A noter, sur la gauche, que le drapeau australien d’alors flottait aux côtés du drapeau américain ramené par des chercheurs d’or arrivant de Californie.
Le prospecteur allemand, fortune faite et resté sur la déception d’avoir vu « son » caillou détruit, finit, en février 1873, par donner sa démission de la compagnie. Il revendit ses parts, assuré de disposer de confortables revenus jusqu’à la fin de sa vie. Une fin de vie qui survint rapidement, car Holterman avait des goûts de luxe et commettaient de gros excès, notamment en terme d’alcoolisme.
En 1874, en bon nouveau riche, le prospecteur se fit bâtir une somptueuse demeure, baptisée « The Towers » au nord de Sydney. Il y résida jusqu’à la fin de sa vie ; en semi-retraite, il se passionna pour la photographie alors naissante, mais également pour la médecine (il n’avait aucun diplôme) et pour la politique (il se fit élire à l’Assemblée législative de la Nouvelle Galles du Sud en 1882). Une carrière qui fut brève puisqu’il décéda le jour de son anniversaire, le 29 avril 1885 ; ses biographes ont noté, pour cause de sa mort à seulement 47 ans, une cirrhose du foie, un cancer de l’estomac et de l’hydropisie. C’est dire que la tempérance ne devait sans doute pas faire pas partie de son vocabulaire…
Il avait trois fils et deux filles.

Daniel Pardon







66 kilos : la plus grosse pépite d’or pur du monde !

Les mineurs ayant trouvé la plus grosse pépite de l’histoire, en 1869, dans l’Etat du Victoria : 66 kilos d’or pur, le record reste à battre !
Si l’on doit à Holtermann le plus gros bloc aurifère de l’histoire, la plus grosse pépite d’or pur jamais récoltée est également australienne : elle reçut un nom de baptême, la Welcome Stranger Nugget, et avait été trouvée par John Deason et Richard Oates, à Black Lead, près de la ville de Cunolly dans l’Etat du Victoria. La trouvaille fut faite le 5 février 1869. Les deux hommes étaient prospecteurs depuis plusieurs années sur ce placer, avec des résultats très irréguliers ; tantôt ils ne trouvaient presque rien une semaine durant, tantôt, au contraire, l’or apparaissait en abondance sous leurs pelles, parfois sous la forme de belles pépites.
Pour l’anecdote, Deason était en train de gratter la surface du sol près des racines d’un arbre avec sa barre à mine lorsqu’il heurta un bloc sous à peine trois centimètres de profondeur. Ce qu’il avait initialement pris pour un caillou était une énorme pépite pesant 66 kilos (2 200 onces d’or pur environ !) qui fut très vite amenée à la London Chartered Bank à partir de Dunolly.
Malheureusement, à l’époque, personne ne songea à conserver cette pièce unique ; la pépite fut brisée en plusieurs morceaux pour être plus facilement transportable et elle finit à la fonderie. Certains spécialistes estiment que la pierre pesait 2280 onces d’or exactement ; difficile de trancher car au moment où la pépite a été brisée, certains petits morceaux auraient été donnés à des amis des prospecteurs.
Oates et Deason reçurent la très belle somme (pour l’époque) de 9 381 livres anglaises. Une pépite dont l’estimation aujourd’hui est supérieure à 5 millions de dollars US (un peu plus de la moitié au poids de l’or et une « prime » pour la rareté géologique de la pierre). L’or de la Welcome Stranger fut envoyé à la Banque d’Angleterre le 21 février 1869.



Des saphirs à la pelle

Le sous-sol de l’Australie ne contenait pas que de l’or. Dès 1851, des gisements de saphirs furent mis au jour par des chercheurs d’or dans les alluvions des rivières Cudgegong et Macquaries. En 1854, d’autres gisements furent détectés dans le secteur de la Nouvelle Angleterre (Etat de Nouvelle Galles du Sud), et, en 1875, ce fut au tour des gisements de Retreat Creek dans le Queensland, d’être découverts, sans compter d’autres gisement plus petits mais très nombreux ici et là.
Les grands gisements de Inverell (Nouvelle-Angleterre, NGS), de Sapphire et de Rubyvale (Queensland) puis, plus tard, de Lava Plains (nord du Queensland) lancèrent le saphir australien sur le marché mondial. Les Russes furent de grands consommateurs de ces saphirs, notamment la cour du tsar, mais la révolution russe cassa brutalement ce marché florissant. Ce n’est que dans les années 1970, avec l’arrivée d’acheteurs en provenance de Thaïlande, que l’exploitation des saphirs reprit, faisant même de l’Australie, qui avait mécanisé ses mines, le premier producteur mondial de saphirs pendant quelques années.
Le plus gros de ces saphirs, le Centenary Stone, est un saphir jaune de 2 020 carats trouvé en 1979 à Sapphire. Ce serait le plus gros saphir facetté du monde. Mentionnons aussi le Black Star of Queensland, une pierre brute de 1165 carats qui produisit un saphir taillé de 733 carats. Il avait été trouvé sur le Klondike Ridge, en 1935, par un gamin de quatorze ans, Roy Spencer. Il servit de caillou pour caler une porte de la petite maison familiale avant d’être reconnu comme étant un saphir exceptionnel. Vendu 18 000 dollars en 1947, il a été taillé l’année suivante.



Le pays des opales

Quelques opales brutes brillant de tous leurs feux : cette pierre est devenue la gemme nationale de l’Australie, qui en est le premier producteur mondial depuis plus d’un siècle.
S’il y a un symbole de la richesse du sous-sol australien, c’est bien l’opale, dont le pays est le premier producteur mondial depuis plus d’un siècle maintenant.
La première découverte d’opale commune en Australie a été le fait d’un prospecteur et géologue allemand, Johannes Menge, en 1849 près de la bourgade d’Angaston (Nouvelle Galles du Sud). Mais ce sont les découvertes plus tardives de gisements exceptionnels, en Nouvelle Galles du Sud et dans le Queensland, qui permirent à l’île continent de devenir le premier producteur mondial de cette gemme, couvrant, aujourd’hui encore plus de 90 % du marché.
La production d’opales débuta à White Cliffs (Nouvelle Galles du Sud) en 1890, suivie de la mise en valeur des ressources de Opalton (Queensland) en 1894 et de Lighning Ridge (Nouvelle Galles du Sud) en 1905. L’histoire de la toute première opale de White Cliffs mérite d’être racontée, puisque c’est un chasseur de kangourous, en 1872, qui, poursuivant un animal blessé, buta sur une jolie pierre colorée.
Enfin nous ne pouvons pas ne pas mentionner le gisement le plus célèbre, celui de Coober Peddy (Etat de l’Australie du Sud) ; la première opale y fut trouvée le 1er février 1915 par Wille Hitchison.
Pendant des années, les opales brutes étaient toutes expédiées en Allemagne, à Idar-Oberstein, mais à partir de 1907, un dénommé Charles Deane se lança dans la taille des opales, bientôt suivi en 1908 par des professionnels plus avertis.
Parmi les plus célèbres opales australiennes, citons la Aurora Australis (180 carats une fois taillée) extraite en 1938 à Lighting Ridge, la Fire Queen (pierre brute de 900 carats) et la Pride of Australia, trouvée en 1915 à Lightning Ridge (225 carats polie)…











Rédigé par Daniel Pardon le Jeudi 15 Mars 2018 à 15:19 | Lu 3114 fois