16 heures à bord du Prairial


Tahiti, le 15 décembre 2022 - Le Prairial est revenu à quai après plus d'un mois de mission pour “lutter contre la pêche illégale (...) lutter contre tous les trafics illicites” mais également pour “développer” son “interopérabilité” notamment avec le Chili pour “le rayonnement de la France”. Mais au-delà de cette mission, ce sont des femmes et des hommes qui ont décidé de s'engager dans ce corps de l'armée.

Le Prairial est arrivé hier matin à son port d'attache de Papeete après un mois et demi de mission avec son bord près d'une centaine de femmes et d'hommes, qui avaient le sourire aux lèvres car tous allaient retrouver leur famille. La mission a été riche en rencontres, puisqu’après Moruroa, le Prairial a mis le cap sur l'île de Pâques, puis Valparaiso et Pitcairn. Une mission réussie de l’aveu du capitaine de vaisseau François Maignan qui assure avoir atteint “tous les objectifs fixés par le ComSup”. Trois missions princi- pales lui ont été confiées, la sur- veillance maritime, l'entretien du partenariat avec le Chili qui est “une nation proche de la France” et la représentation diplomatique. Le Prairial était le mois dernier à Valparaiso pour “le rayonnement de la France”. La frégate était au Chili lors du salon Expo naval, l'un des plus grands rendez-vous d'arme- ment naval d'Amérique du Sud. Mais au-delà de cette mission, à bord du Prairial il y a une vie, entre les mécaniciens, les plongeurs, les pilotes, et plus encore. Tous ont une histoire. Nous avons rencontré deux jeunes Polynésiennes qui nous racontent la leur.
 

"C'est une très grande famille"

Laura s'est engagée dans la marine il y a trois mois. La jeune fille a fait sa première mission avec le Prairial, après avoir suivi des formations à la base navale de Papeete. Mais lorsqu'on lui annonce la nouvelle deux semaines avant le départ, elle est prise de panique, raconte-t- elle “cela m'a fait tout bizarre car je ne m'y attendais pas du tout. J'avais choisi un poste à terre et donc je n'étais pas prête”. Elle sait qu'elle n'a pas le choix et décide donc d’embarquer à bord du bâti- ment. Elle raconte que pendant les deux premières semaines, cela n'a pas été facile pour elle : “C'était compliqué. Je ne connais- sais personne. J'étais perdue (...). Je voulais rentrer. Je ne parlais à per- sonne. Je me demandais ce que je faisais ici. J'étais perdue”, affirme Laura avec un petit sourire en coin.

En effet, au fil des vagues, et de la mission, Laura se sentira moins seule puisqu'elle fera la connaissance de plusieurs de ses collègues et prendra de plus en plus d'assurance. “Petit à petit à petit, j'ai commencé à prendre mes marques et à me sentir de mieux en mieux, à comprendre la vie embarquée”. Mais plus encore cette dernière va beaucoup apprendre. “j'ai appris le métier de manœuvrier” et se retrouver en conséquence souvent à la barre. De retour à Papeete, Laura fait un bilan de sa mission : “Franchement aujourd'hui je ne regrette pas du tout. Cela m'a fait une expérience. Je suis fière. En fait, il faut oser. C'est vrai qu'au début c'est compliqué mais dès que tu te mets à l'aise tout vient tout seul (...) Il y aura toujours une personne pour te tirer vers haut. C'est une très grande famille”. Et se sent venir une vocation : “C'est le début d'une grande carrière”, estime-t-elle. Sans compter que cette mission lui a permis de découvrir des îles ou pays où elle ne serait probable- ment jamais allée : “C’est magique.”
 
"Une ville géante sur l'eau"

Autre membre de l’équipage du Prairial, Maire est entrée dans la Marine en 2009. Au bout de cinq ans elle a sauté le pas en s'en- gageant. C’est en France qu’elle a suivi pendant un mois la forma- tion pour être quartier maître de la flotte. Surprise : elle fut tout de suite affectée sur le porte avion Charles de Gaulle : “C'est immense. On est 2000 bonhommes embarqués.” Quelques années après avoir changé de bâtiment,elle a le souve- nir d'avoir rencontré une personne qui était la même année qu'elle sur le Charles de Gaulle et elles ne se sont pourtant jamais croisées. “On était sur le même bateau mais à deux postes différents, et forcément on ne se croisait pas, c'est une ville géante sur l'eau”. Travailler sur un tel bâtiment n'est pas de tout repos se souvient-elle : “C'est du travail. On se lève à 7 heures du matin tous les jours et on finit à 21 heure non-stop.” Le “no Friday” – comprenez par là qu'il n'y a aucun vol de la journée –, les repas sont “améliorés” : “2000 burgers frites il faut les envoyer !”, dit- elle en riant. Elle se souvient que les cuisines sont “grandes” et bien évidemment qu'il y a une grande différence entre cuisiner pour près de 100 personnes et plus de 2000 personnes. “C'est des tonnes et des tonnes de viandes, de féculents : les quantités sont astronomiques.” Mais elle ne s'arrête pas là puisqu'en 2018 elle reprend ses études pendant quatre mois et devient sous-officier second maître.

L'Inde, Abu-Dhabi ou encore Dji- bouti ce sont quelques-uns des pays où Maire est allée en mission. Elle l’affirme aujourd’hui : “Quand j'étais jeune je voulais faire beaucoup de pays mais je ne pensais pas faire tout cela en bateau.” Pour ces deux militaires, à bord de la frégate de surveillance Prairial l'aventure continue...
 

Capitaine de vaisseau François Maignan : “Un petit bout de France autour du monde”

Quels ont été les points forts de cette mission ? 

“Les principaux points forts que je retiens c'est avant tout cette coopération avec le Chili, c'est vraiment une nation partenaire. On a l'habitude de travailler avec eux et cette habitude doit s'entretenir. On a besoin de développer notre interopérabilité, on a besoin d'avoir des habitudes en commun pour pouvoir ensuite faire des missions communes.  Le deuxième point fort c'est l'escale de Valparaiso avec le rayonnement de la France là-bas, rayonnement au profit de la diplomatie, au profit des industriels. Autre point fort a été notre patrouille dans le Pacifique puisque l'un des objectifs c'était d'assurer la surveillance de cette zone du Pacifique, notamment contre la pêche illégale mais également contre tous les trafics illicites qui pourraient s'y produire et c'était important d'être présent pour cela. Et le dernier point fort, peut-être plus anecdotique pour l'équipage, c'est l'échange qu'ils ont pu avoir avec les habitants de l'île de Pâques, avec les habitants du Chili et avec les habitants de Pitcairn. C'est forcément des découvertes qui sont gravés dans leur mémoire.”
 
Vous en tant que capitaine de vaisseau du Prairial, vous étiez alors l'autorité qui a représenté de la France ?

“Justement cela est une des caractéristiques d'un bâtiment militaire français c'est un petit bout de France qui se transporte partout autour du monde et quand on se met à quai à Valparaiso, c'est un petit bout de France qui est à Valparaiso. Et c'est pour cela qu'on met à disposition de l'ambassadeur le bâtiment. Il peut recevoir, échanger avec les autorités chiliennes à bord.” 
 
Les moyens sont-ils suffisants pour surveiller cette grande zone économique exclusive ? 
 
“Effectivement la zone économique exclusive de Polynésie française, qu'on a la charge de protéger, est extrêmement étendue. Mais les moyens sont plutôt bien dimensionnés et puis ils évoluent. Il y a encore quelques mois, on avait une Alouette à bord, aujourd'hui on a un Dauphin et donc forcément notre rayon de détection et notre rayon d'action a augmenté, donc on est plus performant. On utilise aussi de nouvelles technologies, un soutien de satellite, même si à quai vous avez toujours les mêmes moyens on a aussi une évolution de nos senseurs (équipements de détection inclus dans un système d'arme comme les radars, caméras infrarouges, télémètres lasers, ndlr) qui nous permettent d'être plus performants pour surveiller et protéger notre zone.” 
 

Lieutenant de vaisseau Antoine chef du détachement 34F : “Le remplacement de l'Alouette par le Dauphin présente de nombreux avantages”

Quelles ont été les missions que le Commandant Maignan vous a confiées lors de cette mission ?
 
“Les missions principales qui nous ont été confiées par le commandant du bateau sont avant tout des missions de surveillance du trafic maritime, à la fois en zone économique exclusive et plus généralement dans le Pacifique Sud Est dont principalement de la police des pêches mais également une cartographie des bâtiments qui se trouvaient dans la zone”. 
 
La prise en main du Dauphin a été facile ? 

“L'hélicoptère nous a été livré en septembre et après quelques semaines de mise au point on a enfin pu l'utiliser début novembre. On a pu faire l'entrainement minimal pour pouvoir partir sur le bateau en sécurité. L'équipage affecté sur le Prairial a déjà une expérience Dauphin donc c'était juste une transition. C'est un nouveau modèle de Dauphin et la transition s'est très bien passée (…).Le remplacement de l'Alouette par le Dauphin présente de nombreux avantages en particulier en termes de maintenance et de coûts d'heure de vol qui sont beaucoup plus faibles avec le Dauphin qu'avec l'Alouette”. 
 
Pour l’entretien et les révisions techniques, toute une équipe s’active de jour comme de nuit. Pouvez-vous nous en dire plus ? 

“Le détachement est composé de neuf personnes dont six techniciens divisés en deux équipes, une qui s'occupe de la partie mécanique et une qui s'occupe de la partie électronique. Cette équipe nous permet d'être autonome en termes de mise en œuvre, en termes de maintenance et également le dépannage à la mer. Le bateau, en termes de circulation aérienne, fonctionne comme un aéroport. Pour les mouvements qui se passent à proximité du bateau, c'est l'officier de quart aviation, qui se situe dans une petite cabine avec une vue sur le plan d'envol, qui s'occupe de la gestion des mouvements. Et pour les mouvements qui se déroulent plus loin, ils sont contrôlés au radar par un contrôleur d'aéronef qui se situe à l'intérieur du bateau”.
 
Lors de cette mission vous avez également volé à l'étranger, par exemple au Chili. Comment cela se passe-t-il ? 

“Pour voler à l'étranger, on doit demander une carte diplomatique et nous passons par l'ambassade de France à l'étranger dans laquelle travaille la mission de Défense donc des militaires qui travaillent au service de la diplomatie.”    
 


Rédigé par Vaite Urarii Pambrun le Jeudi 15 Décembre 2022 à 07:29 | Lu 976 fois