12% des élèves Polynésiens sont scolarisés hors du noyau familial


Le bâtiment de l'internat des filles au collège de Rurutu (Photo DES).
PAPEETE, vendredi 14 décembre 2012. Une Commission d’enquête composée de 13 représentants de l’Assemblée de Polynésie française a effectué un travail de diagnostic et d’analyse pour évaluer l’impact de la scolarité qui s’effectue hors du noyau familial. En effet, avec 118 îles dispersées sur 2,5 millions de km2, mettre en place des structures d’enseignement obligatoire de 6 à 16 ans est un véritable défi pour la Polynésie française. Il n’est pas possible de construire des structures d’enseignement partout. De fait, des enfants, doivent très jeunes, dès l’âge de 8 ans pour certains, partir de leur environnement familial pour la poursuite de leur scolarité. Beaucoup d’entre eux se retrouvent en internat, parfois dans leur archipel d’origine, parfois beaucoup plus loin, notamment à partir du lycée. Et forcément ce détachement de la famille a des conséquences. Du point de vue de la réussite scolaire, la Commission d’enquête relève 6 points d’écart à la faveur des élèves qui sont scolarisés en restant dans leur famille. Pour les élèves obligés d’aller dans un autre archipel, ceux qui sont en internat réussissent mieux (7 points de plus) que ceux qui ne le sont pas.

La vétusté des internats


Pointée du doigt par les chefs d’établissements, comme par les élèves ou encore les parents, la vétusté de certains internats est mise en avant. «Hormis les nouveaux internats, nombreux sont ceux qui ne disposent pas de chambres mais de dortoirs. Le séjour de ces élèves internes n’implique pas uniquement un espace pour dormir. D’autres espaces sont nécessaires et participent aussi à la réussite des enfants, comme une salle de sports ou de détente, un espace de travail et de recherches, de rangement». Aussi, des conflits éclatent parfois. Les autres solutions qui existent, foyers d’hébergement ou familles d’accueil ne sont pas à la portée de tous.
L’hébergement en foyer exige une participation financière des familles : un loyer (hors coût de restauration) est demandé, compris entre 28 000 et 40 000 Fcfp par mois, alors que les frais dans un internat classique s’élèvent à environ 59 400 Fcfp par an. «Le coût de l’hébergement et l’exigence de l’autonomie des élèves accueillis peuvent constituer des freins pour les familles» constate le rapport de la Commission d’enquête. L’autre solution pour ces élèves des archipels scolarisés hors de chez eux est celle des familles d’accueil. Mais celle-ci a été difficile à appréhender car les données chiffrées n’existent pas, ou peu. L’une des recommandations des élus, après cette enquête est de se doter d’un plan pluriannuel de réhabilitation et de constructions des internats et des foyers.




A RIKITEA, UNE EXPERIENCE ORIGINALE

Depuis six ans, des parents d’élèves de Rikitea regroupés au sein de l’Amicale des parents d’élèves du CNED de Mangareva encadrent une expérience originale. «Nous voulions garder nos enfants auprès de nous car nous estimons que les laisser partir à l’âge de 10 ans pour le collège de Hao était trop dur» témoigne Marie Teakarotu, la présidente de l’amicale. Pour la scolarité de leurs enfants collégiens, les parents passent donc par le CNED, (Centre national d’éducation à distance) pour les cours et les devoirs corrigés en faisant encadrer les élèves par de jeunes répétiteurs, employés par l’amicale, de niveau bac et payés 1 300 Fcfp de l’heure.

Les enfants, ils sont 24 à être scolarisés avec cette formule cette année, sont accueillis dans des salles de cours mises à disposition par la paroisse ou la mairie, regroupés par niveau d’études et répartis dans des classes distinctes. L’emploi du temps est établi par le bureau de l’association et les répétiteurs, le calendrier scolaire est respecté. Une formule qui évite la séparation avec les familles, mais contraignent celles-ci à financer ce système d’éducation (environ 30 000 Fcfp/mois) et à donner, bénévolement de leur temps pour les réunions de coordination et organiser divers évènements pour collecter des fonds afin de financer une partie des coûts, car l’association ne reçoit aucune subvention du Pays. «C’est à nous de nous débrouiller et d’assumer ce travail en plus de nos obligations professionnelles et familiales» reconnaît Marie Teakarotu, mais le regroupement familial pour ces jeunes adolescents est à ce prix. La séparation avec la famille est désormais reculée au lycée, où les élèves sont plus matures pour accepter ces nouvelles conditions de vie. Au-delà du plaisir à garder à la maison leurs enfants, les membres de l’Amicale, forts de leurs six années d’expérience remarquent que le suivi des parents de la scolarité de leurs enfants est nettement plus soutenu que dans le système classique. Ils peuvent, de plus, s’enorgueillir de la réussite scolaire des enfants qui sont passés par ce système «d’école ouverte». Les taux de réussite au diplôme national du brevet sont très satisfaisants, avec même de plus en plus de mentions.


S’appuyant sur les bons résultats de cette expérience, lancée à l’initiative des parents, la Commission d’enquête des élus de l’Assemblée de la Polynésie française sur la scolarité des enfants des archipels, demande au ministre de l’éducation «de développer ce dispositif à titre expérimental à l’ensemble des enfants de l’île de Rikitea en âge d’être scolarisés dans une structure du 1er cycle du second degré. Cette expérimentation pourrait s’étendre sur une dizaine d’années avec une évaluation, finale et annuelle, de la réussite des élèves tant au niveau scolaire qu’éducative». Cependant les élus insistent également sur le maintien de la gestion de ce système par les parents et leur participation financière, car ils sont les garants de leur implication à animer et faire vivre cette expérience.

Rédigé par Mireille Loubet le Vendredi 14 Décembre 2012 à 15:45 | Lu 2203 fois