Johanne Peyre, la présidente de l'APC. Credit photo : Thibault Segalard.

Tahiti, le 13 mars 2025 - Dix ans après l’entrée en vigueur de la loi sur la concurrence en Polynésie, l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) dresse son bilan. Si son action a permis d’ouvrir certains marchés et de faire baisser les prix, elle doit désormais composer avec des moyens insuffisants malgré une activité en constante augmentation. D'autant que de nombreux défis restent à relever : la grande distribution, le secteur bancaire et les professions réglementées...
Cent trente-et-une décisions rendues (ententes, abus de position dominante, concentrations économiques), 150 saisines traitées, plus de 100 millions de francs d'amendes infligées… Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi sur la concurrence en Polynésie française, l'heure est au bilan. Une législation conçue pour garantir des marchés plus ouverts et protéger les consommateurs contre les abus des acteurs dominants. Mission accomplie ? “Le bilan est positif, mais surtout très instructif. Nous avons démontré que même dans un territoire insulaire comme le nôtre, la concurrence n’est pas une abstraction. Elle a un impact concret sur les prix, la diversité des offres et la vitalité économique. Nos décisions dans les secteurs du funéraire, des télécoms ou de la grande distribution l’illustrent très clairement”, affirme Johanne Peyre, présidente de l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC).
L'ampleur du travail accompli est indéniable, et l'activité de l'APC ne cesse de croître. Le gouvernement sollicite de plus en plus ses avis, et les contentieux s'accumulent. “On a une activité toujours plus soutenue et nous avons un rayonnement de plus en plus important. Mais aussi de plus en plus de dossiers de contentieux. Nos décisions sont attaquées en justice plus fréquemment”, analyse Johanne Peyre.
Des moyens en berne
Cette reconnaissance institutionnelle contraste avec une réalité budgétaire et humaine bien plus fragile. L’Autorité polynésienne de la concurrence fonctionne avec des ressources directement attribuées par le gouvernement. La nomination des rapporteurs et la fixation de leur rémunération relèvent également du Pays, ce qui peut soulever des doutes quant à l'autonomie réelle et l’indépendance totale de cette autorité administrative indépendante (AAI).
Depuis quelques années, l'APC fonctionnait en partie grâce à un reliquat budgétaire, fruit des premières années de sous-consommation des crédits alloués. Une réserve aujourd'hui épuisée. Cette année, l'APC devra se contenter de son budget de fonctionnement strict. De plus, l'autorité a perdu deux postes de rapporteurs en un an, ce qui réduit sa capacité d'action. Une problématique déjà remontée au ministère de l'Économie.
“Si nous voulons être à la hauteur des enjeux, il faudra nous allouer plus de moyens. Sinon, maintenir notre niveau d'efficacité actuel deviendra très compliqué”, prévient-elle, avant de faire sa propre autocritique. “Nous devons aussi faire notre mea culpa. On est parfaitement conscient que notre fonctionnement est perfectible, notamment sur notre communication des délais de traitement des saisines.” Ces dossiers prennent minimum deux années de traitement à l'APC. “Nous sommes trop peu nombreux, et quand le gouvernement nous demande un avis, nous devons suspendre tous les autres dossiers pour répondre dans un délai d'un mois”, ajoute-t-elle.
Cent trente-et-une décisions rendues (ententes, abus de position dominante, concentrations économiques), 150 saisines traitées, plus de 100 millions de francs d'amendes infligées… Dix ans après l'entrée en vigueur de la loi sur la concurrence en Polynésie française, l'heure est au bilan. Une législation conçue pour garantir des marchés plus ouverts et protéger les consommateurs contre les abus des acteurs dominants. Mission accomplie ? “Le bilan est positif, mais surtout très instructif. Nous avons démontré que même dans un territoire insulaire comme le nôtre, la concurrence n’est pas une abstraction. Elle a un impact concret sur les prix, la diversité des offres et la vitalité économique. Nos décisions dans les secteurs du funéraire, des télécoms ou de la grande distribution l’illustrent très clairement”, affirme Johanne Peyre, présidente de l'Autorité polynésienne de la concurrence (APC).
L'ampleur du travail accompli est indéniable, et l'activité de l'APC ne cesse de croître. Le gouvernement sollicite de plus en plus ses avis, et les contentieux s'accumulent. “On a une activité toujours plus soutenue et nous avons un rayonnement de plus en plus important. Mais aussi de plus en plus de dossiers de contentieux. Nos décisions sont attaquées en justice plus fréquemment”, analyse Johanne Peyre.
Des moyens en berne
Cette reconnaissance institutionnelle contraste avec une réalité budgétaire et humaine bien plus fragile. L’Autorité polynésienne de la concurrence fonctionne avec des ressources directement attribuées par le gouvernement. La nomination des rapporteurs et la fixation de leur rémunération relèvent également du Pays, ce qui peut soulever des doutes quant à l'autonomie réelle et l’indépendance totale de cette autorité administrative indépendante (AAI).
Depuis quelques années, l'APC fonctionnait en partie grâce à un reliquat budgétaire, fruit des premières années de sous-consommation des crédits alloués. Une réserve aujourd'hui épuisée. Cette année, l'APC devra se contenter de son budget de fonctionnement strict. De plus, l'autorité a perdu deux postes de rapporteurs en un an, ce qui réduit sa capacité d'action. Une problématique déjà remontée au ministère de l'Économie.
“Si nous voulons être à la hauteur des enjeux, il faudra nous allouer plus de moyens. Sinon, maintenir notre niveau d'efficacité actuel deviendra très compliqué”, prévient-elle, avant de faire sa propre autocritique. “Nous devons aussi faire notre mea culpa. On est parfaitement conscient que notre fonctionnement est perfectible, notamment sur notre communication des délais de traitement des saisines.” Ces dossiers prennent minimum deux années de traitement à l'APC. “Nous sommes trop peu nombreux, et quand le gouvernement nous demande un avis, nous devons suspendre tous les autres dossiers pour répondre dans un délai d'un mois”, ajoute-t-elle.
L'APC organise chaque année des ateliers de la concurrence où les participants planchent sur des cas concrets d'application du code de la concurrence, encadrés par des experts locaux et métropolitains. Crédit photo : Thibault Segalard.

Des secteurs où la concurrence est à développer
Si l'APC a contribué à faire baisser les prix dans certains domaines comme les télécoms et le funéraire, plusieurs secteurs restent à ouvrir à la concurrence. “Il faudrait confier la régulation des industries de réseau – transports, énergie, télécoms – à une autorité indépendante. Cela permettra d'instaurer plus d'impartialité dans la régulation de ces secteurs”, estime Johanne Peyre. Une idée qui avait d'ailleurs été envisagée par le gouvernement en 2024, pour l'énergie, avant d'être abandonnée.
La grande distribution, le secteur bancaire et les professions réglementées (notaires, pharmaciens, médecins) constituent également des zones d'ombre en matière de concurrence. “Il faudrait s'y pencher et lancer des enquêtes sectorielles, mais cela demande des moyens humains”, regrette la présidente de l'autorité. “Pour les professions réglementées, la clé réside dans plus de transparence sur l'attribution des conventions.”
Un autre défi majeur, “la répartition public-privé” notamment en ce qui concerne les délégations de service public (DSP), où l'équilibre entre acteurs privés et intérêts publics reste fragile. “Il faut garantir la neutralité concurrentielle dans les décisions d'attribution des DSP. Il faut s'assurer que les conventions ne procurent pas un avantage à l'acteur qui en bénéficie”, prévient la présidente de l'APC.
Des défis à venir
L'APC devra faire face à de nombreux défis dans la prochaine décennie : “Le numérique, la régulation dans les archipels éloignés, la transparence des prix, l’accès aux données économiques… Et surtout, faire en sorte que la concurrence profite à tous. Dans une société où beaucoup de familles peinent à boucler les fins de mois, une économie plus équitable, c’est aussi un acte de justice sociale.”
En somme, l'APC a du pain sur la planche. D'autant que ces décisions ne font pas toujours l'unanimité, en témoignent les polémiques autour de Carrefour Moorea ou des mesures conservatrices contre Onati. “La régulation concurrentielle bouscule parfois les habitudes. Mais notre rôle n’est pas de plaire ou de déranger : c’est de garantir que chacun, petit ou grand, puisse jouer à armes égales. Nous fondons nos décisions sur des analyses économiques rigoureuses et un dialogue avec les acteurs concernés”, conclut la présidente de l'APC.
Si l'APC a contribué à faire baisser les prix dans certains domaines comme les télécoms et le funéraire, plusieurs secteurs restent à ouvrir à la concurrence. “Il faudrait confier la régulation des industries de réseau – transports, énergie, télécoms – à une autorité indépendante. Cela permettra d'instaurer plus d'impartialité dans la régulation de ces secteurs”, estime Johanne Peyre. Une idée qui avait d'ailleurs été envisagée par le gouvernement en 2024, pour l'énergie, avant d'être abandonnée.
La grande distribution, le secteur bancaire et les professions réglementées (notaires, pharmaciens, médecins) constituent également des zones d'ombre en matière de concurrence. “Il faudrait s'y pencher et lancer des enquêtes sectorielles, mais cela demande des moyens humains”, regrette la présidente de l'autorité. “Pour les professions réglementées, la clé réside dans plus de transparence sur l'attribution des conventions.”
Un autre défi majeur, “la répartition public-privé” notamment en ce qui concerne les délégations de service public (DSP), où l'équilibre entre acteurs privés et intérêts publics reste fragile. “Il faut garantir la neutralité concurrentielle dans les décisions d'attribution des DSP. Il faut s'assurer que les conventions ne procurent pas un avantage à l'acteur qui en bénéficie”, prévient la présidente de l'APC.
Des défis à venir
L'APC devra faire face à de nombreux défis dans la prochaine décennie : “Le numérique, la régulation dans les archipels éloignés, la transparence des prix, l’accès aux données économiques… Et surtout, faire en sorte que la concurrence profite à tous. Dans une société où beaucoup de familles peinent à boucler les fins de mois, une économie plus équitable, c’est aussi un acte de justice sociale.”
En somme, l'APC a du pain sur la planche. D'autant que ces décisions ne font pas toujours l'unanimité, en témoignent les polémiques autour de Carrefour Moorea ou des mesures conservatrices contre Onati. “La régulation concurrentielle bouscule parfois les habitudes. Mais notre rôle n’est pas de plaire ou de déranger : c’est de garantir que chacun, petit ou grand, puisse jouer à armes égales. Nous fondons nos décisions sur des analyses économiques rigoureuses et un dialogue avec les acteurs concernés”, conclut la présidente de l'APC.