Tahiti, le 29 janvier 2024 – Le statut des marins pêcheurs est un dossier qui traine depuis bientôt 14 ans mais que Taivini Teai s’engage à finaliser avant juillet prochain. Pour le ministre du secteur primaire, il s’agit d’une question de cohérence avec l’objectif de triplement des rendements de la pêche hauturière locale d’ici 2028.
Tripler la capacité de production de la pêcherie polynésienne d’ici 2028 : le Tavini huiraatira s’y est engagé devant les électeurs aux dernières élections territoriales. En 2021, le secteur de la pêche hauturière affiche une production de 6 747 tonnes de poissons, dont 87% de thons. Des prises essentiellement consommées localement, puisque seules 27% ont été exportées pour 1,8 milliard de francs.
Tripler ces volumes revient à tabler sur un rendement annuel de près de 20 000 tonnes dans quatre ans… S’il faut des ressources halieutiques, pour mener à bien un tel projet – ce qui semble réalisable dans une zone économique exclusive principalement maritime de 5,5 kilomètres carrés –, sa conduite doit aussi s’asseoir sur une flottille palangrière – aujourd’hui de 80 navires actifs – qu’il faut encore au moins doubler d’ici 2028. Parallèlement tout cela suppose enfin un développement des effectifs humains du secteur. Et c’est là que le bât blesse. Le métier de marin-pêcheur est encore aujourd’hui mal encadré et peu attractif. Après une phase transitoire de 10 ans, son statut professionnel fait depuis l’année dernière l’objet de discussions tripartites sur des questions de cotisations sociales et de droit du travail. L’ambition politique est de parvenir à fixer un cadre clair d’ici la fin du premier semestre 2024 avec la volonté de soumettre à l’examen de l’assemblée, avant juillet, un projet de loi du Pays qui finisse d’encadrer le métier de marin-pêcheur.
Questions de cotisations et de temps de travail
Avant 2012, et l’adoption d’un statut pour encadrer ce métier, c’était pire : effectifs patentés ou embauchés au noir ; peu ou pas de cotisations sociales ; système de retraite inexistant. C’est une décision de justice de 1999 qui a conduit en 2012 à la définition d’un statut du marin-pêcheur. Ce règlement est un régime dérogatoire au droit commun du travail. Il impose depuis aux armateurs le recours à des effectifs salariés afin de permettre aux pêcheurs professionnels de bénéficier d’un contrat de travail, d’une couverture sociale et d’un régime de retraite. Une petite révolution dans le milieu de la pêche hauturière locale. Et pour accompagner financièrement ce changement, le Pays s’était engagé en 2012 à prendre à sa charge pendant 10 ans, jusqu’au 31 décembre 2022, une part dégressive du taux de cotisations sociales afin que cette charge soit totalement assumée par les employeurs à l’issue.
Depuis 2012, les assiettes de cotisation dérogatoires ont ainsi été fixées de manière transitoire – en attendant qu’un consensus voie le jour dans le secteur – sur le salaire plancher pêche (SPP : 95 000 francs) pour l’assurance maladie et sur le Smig pour les cotisations retraites. Rien de très mirobolant. Cette question devra être tranchée avant juin prochain : l’assiette des cotisations maladie doit-elle rester fixée sur le SPP ? Doit-elle se caler sur le Smig ? Doit-elle tenir compte du salaire réel des marins pêcheurs ? Les mêmes questions se posent pour les cotisations Retraites.
Les cotisations salariales doivent-elles inclure une part réservée à la formation professionnelle, comme c’est le cas pour tous les salariés ? Un item consubstantiel à la volonté politique affichée de développement du secteur de la pêche. Pourtant, le projet de statut ne prévoit rien pour l’instant à ce titre. Il faut savoir qu’aujourd’hui, pour se former, les marins pêcheurs doivent perdre leur emploi pour pouvoir bénéficier des aides à la formation prévues par le service de l’emploi (Sefi)…
Et puisque le régime commun du droit du travail, conçu pour les employés terrestres, n’est pas adapté aux spécificités de la pêche, il a donc été nécessaire de mettre en place un régime spécifique adapté aux conditions d’emploi des marins pêcheurs : il définit un volume de 240 jours de mer par an, qui ne peut excéder 275 jours. Le temps de travail à terre, avant les campagnes de pêches ou pour l’entretien des navires, doit-il être compté là-dedans ? Même question pour le temps de formation.
“En finir avec la précarité”
Autant de “détails” qui doivent faire l’objet d’un accord avant juin entre syndicats des marins, propriétaires de navires de pêche hauturière, autorités du Pays et Caisse de prévoyance sociale. Le dossier est en tête de pile sur le bureau du ministre du secteur primaire, Taivini Teai : “L’urgence, c’est de répondre à la préoccupation des familles des marins pour que lorsqu’ils ont un accident du travail, lorsque malheureusement survient un décès, quelque chose soit en place pour protéger les familles”, explique-t-il. “L’urgence, c’est de garantir une meilleure sécurité sociale aux marins pêcheurs et à leur famille ; d’en finir avec la précarité. Dans le secteur primaire, la pêche hauturière est un domaine clé. Il faut bien avoir en tête que c’est la seule filière excédentaire : on est en autosuffisance alimentaire au niveau de la pêche hauturière. Du thon, on en exporte, même. Mettre en place ce statut, c’est rendre hommage à ceux qui œuvrent dans cette filière. D’autant que le Pays a l’ambition de tripler son quota de pêche. On ne peut pas avoir une telle ambition sans mettre en place un statut qui soit attractif pour cette filière.”
En 2021, on comptait ainsi au Fenua 474 personnes enregistrées sous le statut de marins pêcheurs. Reste que pour l’instant, ce projet de statut du marin-pêcheur n’intéresse que les effectifs embarqués sur les navires de pêche hauturière. En sont curieusement exclus, les équipiers embarqués à bord des poti marara ou des bonitiers. En 2021, la flottille côtière était pourtant composée de 333 poti marara, dont plus de 80% basés dans l’archipel de la Société, et de 30 bonitiers. Pour ces marins, la précarité demeurera encore.
Tripler la capacité de production de la pêcherie polynésienne d’ici 2028 : le Tavini huiraatira s’y est engagé devant les électeurs aux dernières élections territoriales. En 2021, le secteur de la pêche hauturière affiche une production de 6 747 tonnes de poissons, dont 87% de thons. Des prises essentiellement consommées localement, puisque seules 27% ont été exportées pour 1,8 milliard de francs.
Tripler ces volumes revient à tabler sur un rendement annuel de près de 20 000 tonnes dans quatre ans… S’il faut des ressources halieutiques, pour mener à bien un tel projet – ce qui semble réalisable dans une zone économique exclusive principalement maritime de 5,5 kilomètres carrés –, sa conduite doit aussi s’asseoir sur une flottille palangrière – aujourd’hui de 80 navires actifs – qu’il faut encore au moins doubler d’ici 2028. Parallèlement tout cela suppose enfin un développement des effectifs humains du secteur. Et c’est là que le bât blesse. Le métier de marin-pêcheur est encore aujourd’hui mal encadré et peu attractif. Après une phase transitoire de 10 ans, son statut professionnel fait depuis l’année dernière l’objet de discussions tripartites sur des questions de cotisations sociales et de droit du travail. L’ambition politique est de parvenir à fixer un cadre clair d’ici la fin du premier semestre 2024 avec la volonté de soumettre à l’examen de l’assemblée, avant juillet, un projet de loi du Pays qui finisse d’encadrer le métier de marin-pêcheur.
Questions de cotisations et de temps de travail
Avant 2012, et l’adoption d’un statut pour encadrer ce métier, c’était pire : effectifs patentés ou embauchés au noir ; peu ou pas de cotisations sociales ; système de retraite inexistant. C’est une décision de justice de 1999 qui a conduit en 2012 à la définition d’un statut du marin-pêcheur. Ce règlement est un régime dérogatoire au droit commun du travail. Il impose depuis aux armateurs le recours à des effectifs salariés afin de permettre aux pêcheurs professionnels de bénéficier d’un contrat de travail, d’une couverture sociale et d’un régime de retraite. Une petite révolution dans le milieu de la pêche hauturière locale. Et pour accompagner financièrement ce changement, le Pays s’était engagé en 2012 à prendre à sa charge pendant 10 ans, jusqu’au 31 décembre 2022, une part dégressive du taux de cotisations sociales afin que cette charge soit totalement assumée par les employeurs à l’issue.
Depuis 2012, les assiettes de cotisation dérogatoires ont ainsi été fixées de manière transitoire – en attendant qu’un consensus voie le jour dans le secteur – sur le salaire plancher pêche (SPP : 95 000 francs) pour l’assurance maladie et sur le Smig pour les cotisations retraites. Rien de très mirobolant. Cette question devra être tranchée avant juin prochain : l’assiette des cotisations maladie doit-elle rester fixée sur le SPP ? Doit-elle se caler sur le Smig ? Doit-elle tenir compte du salaire réel des marins pêcheurs ? Les mêmes questions se posent pour les cotisations Retraites.
Les cotisations salariales doivent-elles inclure une part réservée à la formation professionnelle, comme c’est le cas pour tous les salariés ? Un item consubstantiel à la volonté politique affichée de développement du secteur de la pêche. Pourtant, le projet de statut ne prévoit rien pour l’instant à ce titre. Il faut savoir qu’aujourd’hui, pour se former, les marins pêcheurs doivent perdre leur emploi pour pouvoir bénéficier des aides à la formation prévues par le service de l’emploi (Sefi)…
Et puisque le régime commun du droit du travail, conçu pour les employés terrestres, n’est pas adapté aux spécificités de la pêche, il a donc été nécessaire de mettre en place un régime spécifique adapté aux conditions d’emploi des marins pêcheurs : il définit un volume de 240 jours de mer par an, qui ne peut excéder 275 jours. Le temps de travail à terre, avant les campagnes de pêches ou pour l’entretien des navires, doit-il être compté là-dedans ? Même question pour le temps de formation.
“En finir avec la précarité”
Autant de “détails” qui doivent faire l’objet d’un accord avant juin entre syndicats des marins, propriétaires de navires de pêche hauturière, autorités du Pays et Caisse de prévoyance sociale. Le dossier est en tête de pile sur le bureau du ministre du secteur primaire, Taivini Teai : “L’urgence, c’est de répondre à la préoccupation des familles des marins pour que lorsqu’ils ont un accident du travail, lorsque malheureusement survient un décès, quelque chose soit en place pour protéger les familles”, explique-t-il. “L’urgence, c’est de garantir une meilleure sécurité sociale aux marins pêcheurs et à leur famille ; d’en finir avec la précarité. Dans le secteur primaire, la pêche hauturière est un domaine clé. Il faut bien avoir en tête que c’est la seule filière excédentaire : on est en autosuffisance alimentaire au niveau de la pêche hauturière. Du thon, on en exporte, même. Mettre en place ce statut, c’est rendre hommage à ceux qui œuvrent dans cette filière. D’autant que le Pays a l’ambition de tripler son quota de pêche. On ne peut pas avoir une telle ambition sans mettre en place un statut qui soit attractif pour cette filière.”
En 2021, on comptait ainsi au Fenua 474 personnes enregistrées sous le statut de marins pêcheurs. Reste que pour l’instant, ce projet de statut du marin-pêcheur n’intéresse que les effectifs embarqués sur les navires de pêche hauturière. En sont curieusement exclus, les équipiers embarqués à bord des poti marara ou des bonitiers. En 2021, la flottille côtière était pourtant composée de 333 poti marara, dont plus de 80% basés dans l’archipel de la Société, et de 30 bonitiers. Pour ces marins, la précarité demeurera encore.