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​L'avenir vire à l'orange pour les canards de Temae


Moorea, le 21 août 2021 - Si les habitants de Moorea, en particulier de Temae, sont dans la plus grande confusion concernant les futurs projets à venir sur le motu, Philippe Raust, vice-président de l’association Manu, s'inquiète de l'avenir des canards sauvages qui ont élu domicile au lac de Temae.
 
Pourriez-vous nous parler de l’espèce de canards du lac de Temae ?
“On trouve ces canards sauvages, que l’on appelle mo'orā 'ōviri, dans l’ensemble du Pacifique. En Polynésie française, on en trouve sur Tahiti, sur Moorea et aux Australes. Mais à chaque endroit où on en trouve, il n'y en a jamais beaucoup et à Moorea on en compte que quelques dizaines de couples. Le plus grand nombre de canards que j’ai vu ensemble, c’est à Mitirapa il y a quelques années. Il y en avait une centaine. Sur Moorea, on en trouve surtout dans les zones humides, là où il y a des marécages, de l’eau de mer, des lagunes…  Classiquement, le lac de Temae est un lac qui est apprécié par les canards d’autant plus que tout autour du lac, il y a des roseaux et des grandes herbes où Ils font leur nid au sol. Ça leur permet de ne pas être attaqués par des prédateurs.”
 
Ces canards sont-ils menacés ou risquent-ils de l’être ?
“Ces oiseaux étaient là à un moment et à certains endroits ils étaient chassés. Le principal problème de ces canards est la disparition des milieux humides, c'est-à-dire le remblai de toutes les zones un peu marécageuses qu'il peut y avoir autour de Moorea par exemple. On sait que le trait de côte autour de l’île de Moorea est complètement modifié par l’homme. Beaucoup de zones sont remblayées et celles qui ne le sont pas encore sont en attente de l’être pas des gens qui voudraient construire leur maison.”
 
Est-ce que la création du golf a eu un impact ?
“C’est difficile à dire parce qu’on n’avait pas vraiment de recensement avant et après la création du golf. Je dirais que la création du golf n’a pas dû avoir un très gros impact sur ces canards dans la mesure où l’essentiel du lac a été préservé, avec les zones humides qu’il y a à coté. Des petites mares ont aussi été créées à droite et à gauche.”

​"Le risque est que leur nombre diminue en raison des projets immobiliers"


Peut-on s’inquiéter des projets tels que l’hôtel du Golf ou d’autres projets d’aménagement sur le motu ?
“Tout ce qu’on peut dire c'est qu’à chaque fois qu’on va être amené à remblayer une zone humide, un marais ou un marécage, il va y avoir un impact sur ces canards. Il va y avoir un impact sur l’ensemble de la faune et la flore qui constituent ces marécages et pas uniquement sur les canards. On sait que ce sont des zones riches en biodiversité. Le risque est que leur nombre diminue en raison des projets immobiliers. Ne serait-ce que pendant les travaux : où est-ce qu’ils vont prendre de la terre ? Quelles zones vont être éventuellement remblayées ? L’association Manu ne manquera pas de se prononcer quand on verra un projet avec une étude d’impact. Mais il n'y a pas que les canards. Toute la zone du golf est intéressante pour des oiseaux migrateurs comme les torea… Ce qu’on souhaite, c’est que les gens qui veulent aménager quelque chose fassent appel à tous les intervenants sur la zone que ça soit les habitants, les propriétaires, les cultivateurs, ceux qui viennent pour profiter de la plage, et ceux qui sont intéressés par la sauvegarde de l’environnement et de la biodiversité. Aujourd'hui il faut que les promoteurs présentent d'abord leur projet à la population et aux personnes intéressées, plutôt que de faire et d'expliquer ensuite. Il faut travailler en bonne intelligence.”
 
Avez-vous des chiffres pour quantifier le nombre de canards en Polynésie française ?
“On n’a malheureusement pas fait beaucoup d’études sur ce canard dans la mesure où jusqu’à maintenant, il n’était pas vraiment considéré comme une espèce en danger. On en trouve ailleurs dans beaucoup d’îles du Pacifique comme en Nouvelle-Zélande. Il y a quelques dizaines de canards à Moorea, peut être quelques dizaines à Huahine et aux îles Sous-le-Vent. Idem pour chacune des îles aux Australes et encore une centaine sur Tahiti. La population sur toute la Polynésie française n'excède pas le millier
Je ne peux pas dire s’ils sont en voie de disparition ou pas. L’action de l’homme est ambivalente. Il peut détruire, mais en même temps, certains aménagements permettent aux canards de s’installer autrement. Après, il y a les problèmes des dérangements, des chats errants qui vont manger les canetons, etc.”
 
Cette espèce de canard a-t-elle une particularité ?
“C’est une espèce à part. En français, on l’appelle le canard à sourcils parce qu’il a une sorte de marque noire au dessus de l’œil qui fait comme un sourcil. Il n’a pas de particularité bien nette. Quand tu vois un canard colvert, c’est clair que ce n’est pas la même espèce. Il y a aussi des canards migrateurs d’Amérique comme le canard pilet et le canard souchet qui se retrouvent ici chez nous, mais c’est assez rare. On en voit un, deux, trois… C’est d’ailleurs au Tuamotu qu’on voit ces canards américains migrateurs.”

Rédigé par Toatane Rurua le Samedi 21 Août 2021 à 16:34 | Lu 3157 fois