Tahiti, le 4 avril 2024 - On ne sait toujours pas combien représente réellement le manque à gagner pour le budget du Pays suite à l'annulation de la loi fiscale par le Conseil d'État. Il n'en demeure pas moins que sur les trois premiers mois de l'année, le Pays a perçu des recettes qu'il n'aurait pas dû collecter et qu'il va devoir rembourser. À l'inverse, il doit récupérer de l'argent par ailleurs, et c'est là que ça se complique. Un véritable casse-tête auquel Tahiti Infos tente d'apporter des réponses.
Buralistes, entreprises de matériaux de construction, concessionnaires automobile ou encore hôteliers... ils sont nombreux à être concernés par l'annulation de la loi fiscale du gouvernement et à s'inquiéter de ses conséquences. Sauf qu'il est particulièrement difficile d'y voir clair. D'abord parce que le gouvernement n'est toujours pas en mesure de délivrer les chiffres précis relatifs au manque à gagner fiscal que cela représente. Il faudra attendre la séance de l'assemblée jeudi prochain pour en avoir le cœur net.
Pour l'instant, le seul document chiffré dont on dispose est le mémoire en défense que l'avocate du Pays a transmis au Conseil d'État pour son audience du 13 mars dernier. Elle y explique que “les recettes supplémentaires générées par l'application du texte sont d'1,7 milliard de francs”. Une somme calculée en année pleine qui, rapportée sur les trois premiers mois de l'année, correspond davantage au montant annoncé par Tony Géros, à savoir entre 400 et 500 millions de francs.
Buralistes, entreprises de matériaux de construction, concessionnaires automobile ou encore hôteliers... ils sont nombreux à être concernés par l'annulation de la loi fiscale du gouvernement et à s'inquiéter de ses conséquences. Sauf qu'il est particulièrement difficile d'y voir clair. D'abord parce que le gouvernement n'est toujours pas en mesure de délivrer les chiffres précis relatifs au manque à gagner fiscal que cela représente. Il faudra attendre la séance de l'assemblée jeudi prochain pour en avoir le cœur net.
Pour l'instant, le seul document chiffré dont on dispose est le mémoire en défense que l'avocate du Pays a transmis au Conseil d'État pour son audience du 13 mars dernier. Elle y explique que “les recettes supplémentaires générées par l'application du texte sont d'1,7 milliard de francs”. Une somme calculée en année pleine qui, rapportée sur les trois premiers mois de l'année, correspond davantage au montant annoncé par Tony Géros, à savoir entre 400 et 500 millions de francs.
Pas de problème pour rembourser : ce sera “automatique”
Mais peu importe le montant finalement. Ce qui nous intéresse ici c'est le mécanisme que le gouvernement doit trouver pour mettre en pratique cette décision du Conseil d'État. Car une chose est sûre, c'est que depuis l'annulation de la loi fiscale du Pays, cet argent est “à restituer”. Mais là-dessus, il n'y a pas de problème selon nos informations : “Tous les remboursements seront automatiques”, nous a-t-on expliqué du côté des services du Pays. S'il a un temps été évoqué l'idée de mettre en place un guichet unique pour centraliser toutes les demandes, cela ne sera finalement pas nécessaire.
Le logiciel de dédouanement “Fenix” permet en effet au débiteur, autrement dit au Pays, de connaître le nom de son créancier, ainsi que la nature et le montant de la taxe qu'il doit lui rembourser. Jusqu'ici, tout va bien. Et les grands gagnants sont les buralistes.
En effet, avec l'augmentation du prix du tabac due à une taxation plus forte prévue par le texte annulé, ils vont pouvoir se faire rembourser par le Pays. En revanche, et malgré toute la bonne volonté du monde, ils ne pourront pas rembourser les particuliers qui auront acheté leur paquet de cigarettes plus cher pendant cette période. C'est une évidence. Tout bénef pour eux donc. Pour l'ajustement de la fiscalité sur les meublés de tourisme et les villas de luxe, pas de souci non plus puisque l'application de cet article est prévue au 1er janvier 2025 (lire encadré).
Le logiciel de dédouanement “Fenix” permet en effet au débiteur, autrement dit au Pays, de connaître le nom de son créancier, ainsi que la nature et le montant de la taxe qu'il doit lui rembourser. Jusqu'ici, tout va bien. Et les grands gagnants sont les buralistes.
En effet, avec l'augmentation du prix du tabac due à une taxation plus forte prévue par le texte annulé, ils vont pouvoir se faire rembourser par le Pays. En revanche, et malgré toute la bonne volonté du monde, ils ne pourront pas rembourser les particuliers qui auront acheté leur paquet de cigarettes plus cher pendant cette période. C'est une évidence. Tout bénef pour eux donc. Pour l'ajustement de la fiscalité sur les meublés de tourisme et les villas de luxe, pas de souci non plus puisque l'application de cet article est prévue au 1er janvier 2025 (lire encadré).
Trois secteurs à l'amende... qui doivent rembourser le Pays
Là où ça se complique, c'est sur la somme que le Pays doit redresser : “418 millions de francs” d'exonérations (toujours selon le mémoire en défense de l'avocate du Pays, bien que les chiffres aient évolué depuis). Des sommes abandonnées notamment au titre de l'allègement de la fiscalité applicable aux primo-acquisitions d'immeubles bâtis et de terrains à bâtir (- 88 millions), ou encore de la reconduction des exonérations de certains matériaux de construction (- 300 millions). C'est là que le bât blesse et que les services du Pays s'arrachent les cheveux. Car concernant les primo-acquéreurs par exemple, le texte annulé prévoyait d'élargir le champ du taux réduit de 25 millions à 40 millions de francs. Les bénéficiaires de cette mesure vont donc devoir rembourser le Pays et c'est la DAF [Direction des affaires foncières, NDLR] qui devra leur en faire notification. Oups.
Pareil pour les entreprises d'importation de matériaux de construction dont la reconduction des exonérations a été annulée par la décision du Conseil d'État. Autrement dit, ils vont devoir rendre au Pays le montant des taxes auxquelles ils sont de fait assujettis depuis janvier. Selon nos informations, cette fois, c'est la Douane qui devra adresser une note à ces entreprises pour les prévenir de ce qu'elles doivent payer.
Pareil pour les entreprises d'importation de matériaux de construction dont la reconduction des exonérations a été annulée par la décision du Conseil d'État. Autrement dit, ils vont devoir rendre au Pays le montant des taxes auxquelles ils sont de fait assujettis depuis janvier. Selon nos informations, cette fois, c'est la Douane qui devra adresser une note à ces entreprises pour les prévenir de ce qu'elles doivent payer.
Le Pays réfléchit à amender son texte
La palme du casse-tête administratif revient aux dispositions prévues pour les concessionnaires automobiles. Même dans les services du Pays et au ministère de l'Économie on a eu du mal à retrouver ses petits. En effet, si dans un premier temps on a pu croire que c'est le Pays qui devait de l'argent aux concessionnaires, en fait, c'est l'inverse. Ce sont eux qui vont devoir rembourser le Pays (lire encadré).
Pour résumer, d'un côté il y a le volet “remboursement” qui ne pose pas de problème. De l'autre, le volet “redressement” et c'est là que ça coince. Moetai Brotherson a annoncé que ce texte pourrait être amendé en séance plénière jeudi prochain. Selon nos informations, le gouvernement réfléchirait en effet à la possibilité de minimiser le plus possible l'impact de l'annulation de sa loi fiscale pour les concessionnaires, mais aussi les primo-acquéreurs et les entreprises important des matériaux de construction qui se retrouvent aujourd'hui les plus lésés. Rendez-vous à Tarahoi ce jeudi 11 avril pour avoir davantage de réponses.
Pour résumer, d'un côté il y a le volet “remboursement” qui ne pose pas de problème. De l'autre, le volet “redressement” et c'est là que ça coince. Moetai Brotherson a annoncé que ce texte pourrait être amendé en séance plénière jeudi prochain. Selon nos informations, le gouvernement réfléchirait en effet à la possibilité de minimiser le plus possible l'impact de l'annulation de sa loi fiscale pour les concessionnaires, mais aussi les primo-acquéreurs et les entreprises important des matériaux de construction qui se retrouvent aujourd'hui les plus lésés. Rendez-vous à Tarahoi ce jeudi 11 avril pour avoir davantage de réponses.
La nouvelle LP fiscale ne peut pas être rétroactive
La nouvelle loi fiscale du gouvernement doit repasser par la sanction de l'assemblée jeudi prochain, le 11 avril. Si elle est, selon toute vraisemblance, votée par les élus de la majorité, elle ne sera applicable qu'à compter de sa date de promulgation au Journal Officiel de la Polynésie française (JOPF), soit d'ici la fin du mois d'avril. Seul l'article LP 15 relatif à l'ajustement de la fiscalité sur les meublés de tourisme et les villas de luxe sera applicable à partir du 1er janvier 2025. Cette LP (loi du Pays) fiscale ne pourra donc pas avoir d'effet rétroactif. Lequel viendrait effacer les effets de l'annulation du texte précédent sur les trois premiers mois de l'année.
C'est d'ailleurs ce qu'avait tenté d'obtenir le Pays en demandant au Conseil d'État que cette annulation soit différée pour qu'elle n'intervienne qu'au “1er juillet 2024” au regard des “conséquences extrêmement lourdes” pour le Pays sur le plan budgétaire et financier. Mais la haute juridiction administrative n'en a pas eu la même lecture et a refusé de faire droit à cette requête en jugeant qu'il “ne ressort pas des éléments versés au dossier que l'annulation rétroactive des mesures fiscales figurant dans la loi du Pays du 15 décembre 2023 ou la perte de recettes évaluée par les défendeurs à 1% du budget de la collectivité seraient de nature à emporter des conséquences manifestement excessives tant pour la collectivité que pour les opérateurs économiques concernés”.
Par ailleurs, selon une jurisprudence du Conseil constitutionnel du 18 décembre 1998 relative à la loi de financement de la sécurité sociale pour 1999, “le principe de non-rétroactivité des lois n'a de valeur constitutionnelle qu'en matière pénale”. Pour y déroger et adopter des dispositions fiscales rétroactives, le législateur “ne peut le faire qu'en considération d'un motif d'intérêt général suffisant et sous réserve de ne pas priver de garanties légales des exigences constitutionnelles”. Or, si le Conseil d'État a refusé de faire droit aux conclusions du Pays, c'est justement parce qu'il a estimé qu'il n'y avait pas de motif général suffisant pour moduler dans le temps les effets de cette annulation. Fermez le ban.
Les concessionnaires à l'amende :
Narii Faugerat suspend la vente de ses véhicules hybrides
Narii Faugerat suspend la vente de ses véhicules hybrides
L'imbroglio le plus notable dû à l'annulation de cette loi fiscale concerne donc le secteur automobile. Les concessionnaires ne savent plus où ils habitent. Pourquoi ? En raison d'un arrêté pris en conseil des ministres le 20 décembre denier – soit 5 jours après l'adoption de la loi fiscale annulée ensuite. Que dit cet arrêté qui modifie le code des douanes ? Pour faire simple, il supprime le régime d'exonération dont bénéficiaient les véhicules hybrides et électriques. Résultat des courses, ces véhicules verts se retrouvent à nouveau taxés, et les concessionnaires vont donc devoir rembourser le Pays.
“Je ne suis pas au courant”, nous a répondu Narii Faugerat, joint ce vendredi par Tahiti Infos. “J'ai essayé de joindre le ministre de l'Économie, Tevaiti Pomare, quand j'ai appris le rétablissement de certaines taxes, mais il ne m'a jamais rappelé. Je ne suis pas le seul d'ailleurs. D'autres collègues ont essayé aussi”, a regretté le concessionnaire automobile qui n'était guère plus avancé après les propos tenus jeudi soir par le président du Pays sur le plateau de Polynésie la 1ère. “Moetai Brotherson a dit [jeudi] soir à la télé que ça ne changera rien. Je ne sais pas ce que ça veut dire. C'est une réponse qui n'en est pas une. Évidemment qu'il va y avoir des répercussions. C'est du grand n'importe quoi.”
“Du grand n'importe quoi”
Quelques minutes plus tard, Narii Faugerat nous rappelait pour nous annoncer qu'il avait pris la décision de “suspendre dès aujourd'hui” la vente de véhicules hybrides dans sa concession en attendant de “savoir à quelle sauce” il allait être mangé : “On en avait trois ou quatre en préparation mais on ne va pas les livrer puisqu'on ne sait pas s'il faut appliquer la taxe ou pas, à combien on facture...”
D'autant que comme dans beaucoup d'autres secteurs, les entreprises anticipent et les voitures sont commandées au moins six mois avant. Or, il s'agit-là d'une taxe douanière appliquée lorsque les véhicules sortent de douane. Donc depuis le 20 décembre dernier, date de l'arrêté du conseil des ministres. Sauf que cette taxation n'avait pas nécessairement été prévue dans le montant de la facture finale. Un casse-tête.