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​Loi Morin : l’amendement Tetuanui fait polémique à Tarahoi


PAPEETE, 6 juin 2019 - Eliane Tevahitua et Jean-Christophe Bouissou ont croisé le fer, jeudi matin lors de la séance des questions orales, à propos de l'amendement inscrit dans la loi Morin le 28 décembre dernier et porté par la commission Erom que présidait la sénatrice Lana Tetuanui.

Comme prévu, le coup est parti depuis les rangs du groupe Tavini Huiraatira à Tarahoi, jeudi matin. Eliane Tevahitua avait prévu d’interpeller le président Fritch, lors de la séance des questions orales, au sujet de l’amendement Tetuanui. Le chef du gouvernement étant absent, c’est Jean-Christophe Bouissou qui s’est chargé de répondre. La question de la représentante souverainiste souhaitait mettre le doigt sur la modification de la loi Morin intervenue le 28 décembre dernier par un amendement glissé dans la loi de finances 2019.

Dorénavant, la présomption de causalité est acquise aux malades atteints de l’une des maladies reconnues comme radio-induites, pour peu que ces victimes aient séjourné en Polynésie entre le 2 juillet 1966 et le 31 décembre 1998, "à moins qu’il ne soit établi que la dose annuelle de rayonnements ionisants dus aux essais nucléaires français reçue par l’intéressé a été inférieure" à 1 milliSievert (mSv). Cette nouvelle disposition légale a été proposée et défendue par la commission de cadrage Erom, présidée par la sénatrice Lana Tetuanui, avant d'être inscrite dans la loi pour entériner une méthodologie de travail que le Civen utilisait déjà depuis mai 2018.

"Croyez-vous sincèrement, qu’un pays comme le nôtre qui a reçu l’équivalent de 800 fois la bombe d’Hiroshima, puisse présenter des niveaux dosimétriques similaires à ceux d’un pays préservé de toute expérimentation nucléaire tel que la France ?", a lancé Eliane Tevahitua en guise de question pour dénoncer un amendement "scélérat" qui "empêche désormais l’indemnisation des victimes (…), de leurs ayants-droit, de leur descendance alors que les effets délétères transgénérationnels des rayonnements ionisants sont scientifiquement établis de longue date". 

Porte-parole du président Fritch, Jean-Christophe Bouissou n'a pas répondu mais contre-attaqué en rappelant à la représentante souverainiste si elle ne se sentait pas elle-même "coupable de mensonge par omission", en passant sous silence la participation du député souverainiste Moetai Brotherson à la commission Erom : "Chacun pourra constater qu’il n’a notifié aucune réserve sur les recommandations faites collégialement par cette commission."

Et d'ajouter : "Il est patent que vous n’avez que faire de la vérité (...). C’est la polémique oiseuse et le fiel de la calomnie qui vous intéressent. Ce faisant, vous ne faites absolument pas avancer la cause de ceux que vous prétendez défendre : les victimes des essais nucléaires." Interrogé à l’issue de la séance Jean-Christophe Bouissou s’est dit "choqué" par la "diatribe" d’Eliane Tevahitua, tandis que l’élue souverainiste estimait de son côté que le porte-parole n’avait pas répondu à ses demandes.

Pour nourrir cette polémique, l’association 193 a également diffusé, jeudi matin, un communiqué de presse pour observer que le tribunal administratif avait rejeté, le 4 juin dernier, 10 des 12 requêtes portées dans des présumées victimes du nucléaire dont les demandes ont été retoquées par le CIVEN courant 2018, sous couvert de l’application du seuil de 1 mSv, qu'elle compare un nouveau "risque négligeable". 193 s'y étonne du "silence assourdissant" des autres associations de défense des anciens travailleurs et des malades du nucléaire, sans citer ni Moruroa e Tatau, ni Tamarii Moruroa, mais en demandant : "Pourquoi ne réagissent-elles pas face à l'amendement de Lana Tetuanui qui remet en question ce qu'elles ont combattu auparavant à propos du risque négligeable ?"

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 6 Juin 2019 à 12:52 | Lu 2857 fois