Tahiti Infos

​Il y a 80 ans, les Tamari'i bombardés à Bir Hakeim


Tahiti, le 31 mai 2022 - Il y a 80 ans, le Bataillon du Pacifique entrait dans l’histoire avec les honneurs à Bir Hakeim. Sous la plume de Jean-Christophe Shigetomi, Tahiti Infos se propose de relater les dures heures de ces combattants héroïques. Aujourd’hui, comment du 1er au 3 juin, les combattants français ont vécu sous un tapis de bombes.
 
Après avoir échappé au piège de Rotonda Signali, le Bataillon du Pacifique est de retour le 1er juin à Bir Hakeim alors que le général Rommel s’apprête à lâcher le feu du ciel sur le camps retranché tenue par les Forces françaises libres. À partir du 1er juin, après avoir renforcé les divisions italiennes avec des troupes de l’Afrika Korps pour appuyer leurs attaques, Rommel fait bombarder par quatre fois le camp retranché de Bir Hakeim à raison de formations aériennes de douze à quinze Stukas.
 
“Dès le lendemain, de Rotonda Signali (…) on vit arriver (…) un vol noir en rangs bien alignés”, se souvient Benjamin Favreau. “Nous crevions de peur (…) ils piquèrent sur le fort (…). Je m’allongeai dans le segment de la tranchée qui m’était réservé. Le sol tremblait, comme si des trains venant du fort, déraillaient, (…) puis la terre se souleva, et fracassant tout. Le train roula sur nous. Les tranchées croulèrent et la fumée et le sable prirent à la gorge.

“On ne meurt qu'une fois”

Les aviations allemande et italienne vont pilonner continuellement la position de Bir Hakeim. Les Stukas allemands effectuent plus de 20 sorties de bombardement par jour sur Bir Hakeim. Le Tamari’i Volontaire Georges Durietz nous livre en langue tahitienne son témoignage : “'A, terā te aviation te haerera'a atu. Terā tō'u ri'ari'ara'a [Ah, voilà l'aviation qui est arrivée. C'est là que j'ai eu peur.] 'Ē. I 'ō te ri'ari'ara'a te haerera'a. 'Aita e ri'ari'a nā mua a'e. I 'ō, 'aita vau e ha'avare nei, ri'ari'a vau. [Oui. C'est là que la peur est venue. Avant, je n'avais pas eu peur. Mais là, je ne vais pas mentir, j'ai eu peur.] Terā taime, tei roto vau i tō'u 'āpo'o. [À ce moment, j'étais dans ma tranchée.] Haere iho nei hō'ē sergent farāni, ni'a noa atura iā'u. 'O vai nei ra tōna i'oa. Te hi'o ra'a mai iā'u i roto i teie tranchée, nā 'ō mai nei : " Durietz, on meurt qu'une fois." 'E ! C'est vrai, on meurt qu'une fois. E'ita 'oe e pohe, araua'e, tē haere fa'ahou mai te pohe, ‘aua'e. 'Oi, terā tau, te itoito te haerera'a mai iā'u. Terā parau : On meurt qu'une fois. [Un sergent français est venu, il m'a demandé comment je m'appelais. En me voyant dans ma tranchée, il m'a dit : Durietz, on meurt qu'une fois. Eh ! C'est vrai, on meurt qu'une fois. Tu ne meurs pas pour qu'un peu plus tard la mort revienne à nouveau, heureusement. 'Oi, à ce moment, le courage m'est revenu. Avec cette parole : On meurt qu'une fois.]

​Il y a 80 ans, les Tamari'i bombardés à Bir Hakeim
Proposition de reddition rejetée
 
Le 2 juin, deux officiers italiens se présentent pour demander la reddition du camp retranché. Le général Kœnig rejette leur ultimatum. Rommel jette dans la bataille la division motorisée Trieste, la 90e division légère allemande et trois régiments blindés de reconnaissance de la division Pavia. L'armée britannique au nord-est est incapable d’appuyer la défense de Bir Hakeim, à l'exception d'une attaque, vite enrayée, le 2 juin, contre la division Ariete. L'isolement de Kœnig est presque total. S’engage un violent duel d’artillerie.
Le 3 juin, Rommel envoie un message manuscrit aux troupes de Bir Hakeim : “Toute résistance prolongée signifie une effusion de sang inutile. Vous subirez le même sort que les deux brigades anglaises de Got-el-Oualeb détruites avant-hier. Nous cessons le combat si vous hissez des drapeaux blancs et si vous vous dirigez vers nous, sans armes.”  La réponse de la brigade des Forces françaises libres ne se fait pas attendre : une salve de canon en guise de rejet de la proposition. Précédés de tirs de canons de 105 et de bombardements, les 3, 4 et 5 juin, la division motorisée Trieste et la 90e division motorisée allemande montent à l’assaut des fortifications, des positions et des champs de mines établis par les troupes françaises. Roger Ludeau, se souvient de ces dures heures : “Le 3 juin 1942 à 14 heures, nous sommes attaqués avec une violence inouïe. La position disparait dans un océan de flammes et de fumée… Nos 75 sont écrasés les uns après les autres par les fantastiques bombardements aériens et les terrifiants pilonnages de l’artillerie lourde dont les 210 explosent avec un bruit de tonnerre, nous projetant d’un bord à l’autre de nos trous par leurs formidables déflagrations.” “La position du Bataillon du Pacifique est spécialement visée à cause de sa chicane”, ajoute Robert Hervé La défense de Bir Hakeim semble désespérée. “Les autres en face nous tiraient dessus”, témoigne Jean Roy Bambridge. “Je tirais aussi avec ma mitrailleuse Hotchkiss. Je ne m’arrêtais plus de tirer afin de vaincre ma peur jusqu’à deux-cent cinquante cartouches par bande.” Bir Hakeim devait cependant tenir.

Rédigé par Jean-Christophe Shigetomi le Mardi 31 Mai 2022 à 15:30 | Lu 934 fois