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​Comment valoriser nos déchets organiques ?


À la scierie de Papara, un projet de fabrication de granulés à base de sciure de bois devrait permettre de valoriser une partie des 3 000 m3 annuels de déchets (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
À la scierie de Papara, un projet de fabrication de granulés à base de sciure de bois devrait permettre de valoriser une partie des 3 000 m3 annuels de déchets (Crédit : Anne-Charlotte Lehartel).
Tahiti, le 24 mars 2025 – Une centaine de professionnels et décideurs participent à un séminaire sur la valorisation des matières organiques, du 24 au 28 mars. Les visites ont débuté ce lundi à la scierie et à l’abattoir de Papara, suivies d’ateliers à la mairie de Mataiea. L’occasion de mettre en lumière des initiatives locales et leurs enjeux, mais aussi de s’inspirer à l’international, grâce à la présence de délégations de Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et du Canada.

La première édition du séminaire interrégional du Pacifique sur la valorisation des matières organiques s’est ouverte à la mairie de Mataiea, ce lundi, à l’initiative de la Chambre de l’agriculture et de la pêche lagonaire (CAPL), en partenariat avec l’association Valorga de Nouvelle-Calédonie, et avec le soutien du Fonds Pacifique et de l’Ademe. Pendant cinq jours, une centaine d’experts, acteurs et décideurs vont participer à des visites, des présentations et des tables rondes en faveur d’une gestion durable et innovante.
 

Coralie Deniot, cheffe de projet en charge de la valorisation des déchets organiques à la CAPL, entrevoit “de nouvelles filières potentielles”.
Coralie Deniot, cheffe de projet en charge de la valorisation des déchets organiques à la CAPL, entrevoit “de nouvelles filières potentielles”.

Diverses “ressources”


L’occasion de voir un certain nombre de déchets sous un autre angle. “Le secteur primaire produit beaucoup de gisements organiques, qui sont aussi des ressources. Il y a plusieurs exemples, comme la pêche hauturière qui produit environ 2 000 tonnes par an de sous-produits de poissons. Il y a un projet en cours de valorisation en engrais et pourquoi pas en alimentation animale, pour limiter les importations. L’idée, ce n’est pas de critiquer ou de pointer du doigt, mais d’accompagner et de trouver des solutions ensemble. Ce sont de nouvelles filières potentielles”, remarque Coralie Deniot, cheffe de projet en charge de la valorisation des déchets organiques à la CAPL. Dans le domaine, les exemples et les enjeux ne manquent pas. “Les fientes et les lisiers sont très riches et peuvent être utilisés en agriculture, en respectant la loi du Pays qui encadre les épandages par rapport aux odeurs et aux risques sanitaires. C’est bien meilleur pour le sol que les engrais chimiques ! En matière de compostage, beaucoup de communes ont des difficultés à gérer les déchets verts, surtout sur les îles hautes”, poursuit-elle.
 
Les participants sont entrés dans le vif du sujet avec deux visites au programme de cette première matinée. À la scierie de Papara, spécialisée dans le bois de construction, la découpe occasionne des pertes importantes que l’entreprise cherche à compenser. “On travaille 6 000 m3 de bois à l’année, en sachant que la moitié termine en déchets sous trois formes : des dosses, qui sont brûlées ; des copeaux, qu’on vend aux propriétaires d’animaux pour faire office de litière ; et de la sciure, avec laquelle on a pour projet de faire des pellets (granulés, NDLR) à valoriser sous forme d’énergie renouvelable. Le projet est prêt et financé, on n’attend plus que les autorisations administratives. Ça peut intéresser les sociétés qui brûlent aujourd’hui des énergies fossiles mais qui aimeraient se verdir à l’avenir”, explique le directeur de la scierie, Emmanuel Gabriel.
 

Plusieurs pistes sont envisagées à l’abattoir de Papara, où le cuiseur-broyeur reste la principale issue.
Plusieurs pistes sont envisagées à l’abattoir de Papara, où le cuiseur-broyeur reste la principale issue.

​Des pistes à exploiter


À l’abattoir de Papara, le défi est de taille avec des déchets parmi les plus compliqués à gérer en bout de chaîne de la production de viande de porc, de bœuf et de volaille. La plupart de ces déchets passent par un cuiseur-broyeur, mais des pistes de valorisation existent. “Les peaux et les os de bovin sont vendues aux artisans sur commande. On aimerait bien commercialiser des os à moelle : on a acheté une machine pour la découpe, il nous reste à monter le dossier par rapport à l’hygiène. On a aussi un éco-digesteur pour les viscères et les déchets de volailles, mais on doit encore tester l’engrais obtenu pour affiner les dosages pour les agriculteurs et il faut gérer les odeurs. Faire de la production d’alimentation animale, c’est une autre piste qui suppose de gros investissements, donc ça demande à être étudié. Moins on aura de déchets à la fin, moins ça nous coûtera. Le challenge, dans l’idéal, ce serait d’atteindre zéro déchet”, souligne la directrice du site, Françoise Lou Chao, qui attend “beaucoup de ce séminaire” pour échanger avec des professionnels d’autres pays.
 
Au terme de quatre journées d’échanges sur le terrain, une synthèse interviendra vendredi à l’Université de la Polynésie française (UPF), l’occasion d’entendre les délégations de Nouvelle-Calédonie, de Wallis-et-Futuna et du Canada, qui présenteront leurs initiatives locales. Les solutions abordées lors de ce séminaire feront l’objet de fiches techniques détaillées pour soutenir les projets en faveur de la valorisation des déchets organiques, l’objectif étant d’aboutir à “une meilleure sécurité alimentaire et sanitaire”.
 

Flavien Pierson, agriculteur et éleveur en Nouvelle-Calédonie et président de Valorga : “Connaître les contraintes de chacun”

“Valorga est une association créée il y a quatre ans qui a pour but de valoriser toutes sortes de matières organiques. Elle se compose de producteurs de déchets, de transformateurs et d’agriculteurs, soit 25 adhérents qui regroupent eux-mêmes des centaines de professionnels. Ça permet de connaître les contraintes de chacun pour mettre en place une filière qui fonctionne d’amont jusqu’en aval. On a monté des filières, en commençant par le compostage. Des adhérents valorisent des déchets de poissons, des abattoirs ont réussi à valoriser leurs déchets en farines pour l’alimentation animale ou aquacole, etc. Les gisements sont là, le défi c’est de réussir à les valoriser : c’est bon pour l’économie du pays et les entreprises elles-mêmes font des économies. Autant mettre de l’argent dans une nouvelle filière plutôt que de financer la destruction des déchets.” 

​Au programme

Mardi, la valorisation des déjections d’élevages et des déchets verts sera abordée chez Sangue et Technival, à Taravao, de même que le lombricompostage et la valorisation du fumier de porc. Mercredi, il sera notamment question de micro-méthanisation, du potentiel des larves de mouches, des éco-digesteurs et des déchets issus de la pêche. Jeudi, un focus sera fait sur la gestion des déchets organiques des collectivités, du centre de recyclage et de tri (CRT) de Fenua Ma à la station d’épuration de Papeete, en passant par le centre de compostage de Taputapuātea, à Raiatea.

Rédigé par Anne-Charlotte Lehartel le Lundi 24 Mars 2025 à 15:56 | Lu 1034 fois