PAPEETE, 25 mai 2015 - Une marche contre le géant américain de la biotechnologie agricole, Monsanto, a permis samedi à une cinquantaine de manifestants de découvrir les profondeurs de la vallée de Tipaerui, à l’initiative du collectif citoyen Gaya Origin.
"Stop Monsanto", bombé en orange vif sur une large banderole blanche, au pied de la majestueuse cascade de Tipaerui... Hors contexte, cela aurait pu avoir quelque chose de singulièrement déplacé. Samedi pourtant, c’est le mode choisi par le collectif Gaya Origin et sa cinquantaine de marcheurs manifestants, pour donner de l'ampleur au message de ceux qui, en Polynésie aussi, souhaitent exprimer les craintes que leur inspire l’emprise sur leur quotidien, méconnue mais redoutable, de Monsanto le géant américain des biotechnologies agricoles et des semences.
De 6 à 70 ans, ils ont rejoint les activistes de Gaya Origin, des Grands-mères Vigilantes, de Colibri, de 2DA et de diverses associations pour la protection de l’environnement, autant pour défendre une vie saine que pour découvrir ensemble une vallée finalement assez peu connue de Papeete. La zone industrielle de Tipaerui cache bien des mystères...
Après une heure et demi d‘une randonnée facile, en zigzagant dans les sous-bois le long du petit torrent rocailleux, on parvient au pied d’une fabuleuse cascade de 120 mètres.
"J’ai été informé par Facebook qu’une marche était organisée contre les produits de Monsanto", explique Eric, chemin faisant. "Je suis là pour lier l’utile à l’agréable : une randonnée qui me permet de rejoindre des personnes avec qui je partage les mêmes valeurs".
Le quinquagénaire fustige Monsanto qui, selon lui, œuvre "sous prétexte de nourrir la planète en développant des OGM ; mais n’a d’autre ambition que de vendre ses produits, comme le Roundup, qui sont en définitive extrêmement nocifs pour la planète et pour l’homme. Beaucoup de gens ne sont pas au courant. J’en ai un peu parlé dans mon entourage cette semaine, en annonçant que je ferai cette marche, et beaucoup ignorent l’existence même de Monsanto, et des OGM. Je pense qu’il y a un rôle d’éducation et d’information qui s’impose".
En cause, le Roundup. Un herbicide total, le plus vendu au monde, produit par Monsanto. Pourtant sa nocivité "probable" pour l’homme a récemment été établie, tandis que la firme l'a vendu pendant des années pour "bio". Son principe actif, le glyphosate, a été classé "cancérogène probable chez l'homme", le 20 mars dernier, par le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l'Organisation mondiale de la santé.
28 247 litres importés à Tahiti en 2010
L'herbicide présente cependant un redoutable avantage économique. Les ventes de glyphosate ont explosé depuis une vingtaine d'années avec l'introduction de cultures génétiquement modifiées (OGM) spécialement conçues pour lui résister : des semences génétiquement modifiées développées par Monsanto. L’association "glyphosate-OGM" permet aux agriculteurs de tuer toutes les mauvaises herbes en arrosant leur culture en un passage. Et cela permet d'importants gains de productivité.
En 2010, la Polynésie française a autorisé l’importation de 28 247 litres de cet agent chimique dont on constate, aux Antilles depuis les années 2000, les effets néfastes sur l'environnent et sanitaires, après des décennies d'un emploi massif dans les cultures bannières.
A l’initiative de Chantal Spitz et des Grand-Mères Vigilantes, une première manifestation de contestation avait déjà été organisée à Tahiti en 2013, pour dénoncer l’absence de réglementation locale visant les herbicides et les OGM. La manifestation avait alors été baptisée Vélos contre Monsanto.
Depuis début mai, une pétition tourne pour alerter sur les risques sanitaires et demander aux autorités locales, par principe de précaution, l’interdiction de l’importation de Roundup et de cinq autres herbicides reconnus "cancérogènes probables". Le document a obtenu 50 signatures samedi en plus des 200 recueillies sur internet. L’objectif est de réunir 1000 signataires et d'interpeller les pouvoirs publics.
"On s’est demandé si on devait faire cette marche ou pas", explique Emilie, membre du collectif citoyen Gaya Origin. A l’appel d’associations au plan national, plusieurs manifestations contre Monsanto étaient organisées le 23 mai, notamment à Toulouse ou Lyon. "On a mis sur pied la nôtre en deux semaines", explique la jeune militante. "Même si ce n’est qu’une petite pierre, il fallait qu’on le fasse : beaucoup de gens s’indignent dans leur coin et ont finalement le sentiment d’être seuls face à ce problème. (…) Il y a des problèmes, mais il y a aussi des solutions : le but, c’est de les populariser", explique-t-elle aussi sans cacher son intérêt pour le mouvement initié par Pierre Rabhi, le père français de l’agro-écologie, forgeron du concept de la sobriété heureuse. "On se rend compte qu’on est deux à penser ça, puis quatre, puis six... avant de comprendre que l’on est nombreux".
"C’est un bon début ; mais je pense qu’il ne faut pas en rester là", commente Malia, tout en marchant. Elle développe : "Il faut convaincre le gouvernement d’interdire ces produits sur le marché polynésien. Ensuite, en voyant plus loin, nous avons besoin en Polynésie d’une réglementation stricte concernant les OGM, notamment en matière d’étiquetage : nous ne sommes pas assez informés de la présence d’OGM dans les produits de consommation courante. Cette marche est une première étape. Il faut continuer".
Une fois les 1000 signatures réunies, la pétition présentée samedi sera portée à la connaissance du gouvernement Fritch.
La suite dépendra de la force de conviction de ces activistes et de la façon dont est perçue leur cause. Et il faudra alors compter avec la résistance des commerçants et des agriculteurs, qui n'ont pas pour l'heure de solution alternative.
Mais en attendant, samedi, pour bon nombre de manifestants, la vallée de Tipaerui a révélé les charmes d'une nature encore préservée à deux pas de la zone industrielle, en plein Papeete.
"Stop Monsanto", bombé en orange vif sur une large banderole blanche, au pied de la majestueuse cascade de Tipaerui... Hors contexte, cela aurait pu avoir quelque chose de singulièrement déplacé. Samedi pourtant, c’est le mode choisi par le collectif Gaya Origin et sa cinquantaine de marcheurs manifestants, pour donner de l'ampleur au message de ceux qui, en Polynésie aussi, souhaitent exprimer les craintes que leur inspire l’emprise sur leur quotidien, méconnue mais redoutable, de Monsanto le géant américain des biotechnologies agricoles et des semences.
De 6 à 70 ans, ils ont rejoint les activistes de Gaya Origin, des Grands-mères Vigilantes, de Colibri, de 2DA et de diverses associations pour la protection de l’environnement, autant pour défendre une vie saine que pour découvrir ensemble une vallée finalement assez peu connue de Papeete. La zone industrielle de Tipaerui cache bien des mystères...
Après une heure et demi d‘une randonnée facile, en zigzagant dans les sous-bois le long du petit torrent rocailleux, on parvient au pied d’une fabuleuse cascade de 120 mètres.
"J’ai été informé par Facebook qu’une marche était organisée contre les produits de Monsanto", explique Eric, chemin faisant. "Je suis là pour lier l’utile à l’agréable : une randonnée qui me permet de rejoindre des personnes avec qui je partage les mêmes valeurs".
Le quinquagénaire fustige Monsanto qui, selon lui, œuvre "sous prétexte de nourrir la planète en développant des OGM ; mais n’a d’autre ambition que de vendre ses produits, comme le Roundup, qui sont en définitive extrêmement nocifs pour la planète et pour l’homme. Beaucoup de gens ne sont pas au courant. J’en ai un peu parlé dans mon entourage cette semaine, en annonçant que je ferai cette marche, et beaucoup ignorent l’existence même de Monsanto, et des OGM. Je pense qu’il y a un rôle d’éducation et d’information qui s’impose".
En cause, le Roundup. Un herbicide total, le plus vendu au monde, produit par Monsanto. Pourtant sa nocivité "probable" pour l’homme a récemment été établie, tandis que la firme l'a vendu pendant des années pour "bio". Son principe actif, le glyphosate, a été classé "cancérogène probable chez l'homme", le 20 mars dernier, par le Centre international de recherche sur le cancer, une agence de l'Organisation mondiale de la santé.
28 247 litres importés à Tahiti en 2010
L'herbicide présente cependant un redoutable avantage économique. Les ventes de glyphosate ont explosé depuis une vingtaine d'années avec l'introduction de cultures génétiquement modifiées (OGM) spécialement conçues pour lui résister : des semences génétiquement modifiées développées par Monsanto. L’association "glyphosate-OGM" permet aux agriculteurs de tuer toutes les mauvaises herbes en arrosant leur culture en un passage. Et cela permet d'importants gains de productivité.
En 2010, la Polynésie française a autorisé l’importation de 28 247 litres de cet agent chimique dont on constate, aux Antilles depuis les années 2000, les effets néfastes sur l'environnent et sanitaires, après des décennies d'un emploi massif dans les cultures bannières.
A l’initiative de Chantal Spitz et des Grand-Mères Vigilantes, une première manifestation de contestation avait déjà été organisée à Tahiti en 2013, pour dénoncer l’absence de réglementation locale visant les herbicides et les OGM. La manifestation avait alors été baptisée Vélos contre Monsanto.
Depuis début mai, une pétition tourne pour alerter sur les risques sanitaires et demander aux autorités locales, par principe de précaution, l’interdiction de l’importation de Roundup et de cinq autres herbicides reconnus "cancérogènes probables". Le document a obtenu 50 signatures samedi en plus des 200 recueillies sur internet. L’objectif est de réunir 1000 signataires et d'interpeller les pouvoirs publics.
"On s’est demandé si on devait faire cette marche ou pas", explique Emilie, membre du collectif citoyen Gaya Origin. A l’appel d’associations au plan national, plusieurs manifestations contre Monsanto étaient organisées le 23 mai, notamment à Toulouse ou Lyon. "On a mis sur pied la nôtre en deux semaines", explique la jeune militante. "Même si ce n’est qu’une petite pierre, il fallait qu’on le fasse : beaucoup de gens s’indignent dans leur coin et ont finalement le sentiment d’être seuls face à ce problème. (…) Il y a des problèmes, mais il y a aussi des solutions : le but, c’est de les populariser", explique-t-elle aussi sans cacher son intérêt pour le mouvement initié par Pierre Rabhi, le père français de l’agro-écologie, forgeron du concept de la sobriété heureuse. "On se rend compte qu’on est deux à penser ça, puis quatre, puis six... avant de comprendre que l’on est nombreux".
"C’est un bon début ; mais je pense qu’il ne faut pas en rester là", commente Malia, tout en marchant. Elle développe : "Il faut convaincre le gouvernement d’interdire ces produits sur le marché polynésien. Ensuite, en voyant plus loin, nous avons besoin en Polynésie d’une réglementation stricte concernant les OGM, notamment en matière d’étiquetage : nous ne sommes pas assez informés de la présence d’OGM dans les produits de consommation courante. Cette marche est une première étape. Il faut continuer".
Une fois les 1000 signatures réunies, la pétition présentée samedi sera portée à la connaissance du gouvernement Fritch.
La suite dépendra de la force de conviction de ces activistes et de la façon dont est perçue leur cause. Et il faudra alors compter avec la résistance des commerçants et des agriculteurs, qui n'ont pas pour l'heure de solution alternative.
Mais en attendant, samedi, pour bon nombre de manifestants, la vallée de Tipaerui a révélé les charmes d'une nature encore préservée à deux pas de la zone industrielle, en plein Papeete.