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Titaua Peu, auteure de la résilience


PAPEETE, 15 juillet 2017 - K.O. 2e round. Immersion étouffante au cœur du quartier de Tenaho à Tahiti, où le sort de Pina et des siens dévoile les travers les plus noirs et pointe du doigt les interdits que l’on préférerait garder secret. "Au nom des siens, au nom de sa Terre", Titaua Peu frappe à nouveau très fort avec Pina, ce livre "coup-de-poing", livre "coup de cœur : une véritable rédemption, universelle et bouleversante.

Titaua Peu suit des études en philosophie à Paris, ville inspirante qui fait naître très tôt l’envie et le besoin d’écrire, telle une échappatoire à l’éloignement de son île natale, de ses odeurs et de ses rythmes enivrants. Elle rentre à Tahiti en 2001 pour y retrouver une société moribonde, nécrosée par la mainmise du politique, l’opulence liée aux années CEP et... découvre la censure. Résiliée, elle garde la plume en main, d’abord journaliste aux Nouvelles de Tahiti puis avec un premier roman, Mutismes, publié en 2003 par les Éditions Haere Po. Treize ans plus tard, elle livre son second roman, considérablement plus dense et… bien plus noir : Pina.

Rien n’a changé…

Titaua Peu ©M.Coeroli.
Titaua Peu ©M.Coeroli.
Dans Mutismes finalement, Titaua Peu ne faisait qu’entrouvrir la porte pour dénoncer les silences. Avec Pina, elle la défonce, la fait claquer, rebondir, résonner crûment avec rage voire colère. Elle y dénonce les pires formes de violences : familiales, sociales, politiques... Néanmoins, elle décrit la même société figée dans le temps où rien n’a changé : les mutismes, les tabous, les conflits sociaux, familiaux et politiques sont toujours les mêmes, insolubles. Malgré une fausse impression de mieux, le paysage social et politique est identique, tragiquement et irréversiblement immuable. La pauvreté y transpire, suinte même, toujours autant. Elle s’en fait la porte-parole, une nouvelle fois à travers l’histoire d’une famille, déracinée, déchirée et meurtrie, à l’image de sa protagoniste : Pina, la cadette de neuf enfants.

Ce récit révèle au grand jour l’inéluctable héritage transmis par les ancêtres : celui d’un destin prédit, imposé, guidé par ces derniers, omniprésents et omnipotents. Le destin de Pina et des "invisibles". Peu à peu, à l’image de leur vallée et de leur pays, leurs destins entrecroisés se fissurent, finissant par s’effondrer et ils assistent, impuissants, à leur propre déchéance. Drames devant lesquels l’amour parvient à percer, à surprendre, à émouvoir.

Dénonçant le lot de conflits et de frustrations qui émanent des non-dits au sein de nombreuses familles polynésiennes, cette auteure à la plume éminemment littéraire donne à voir une société réaliste, loin des clichés illusoires. Aux antipodes du politiquement correct, ce roman crie la rage trempée dans la sueur, le sang, le sperme… et les larmes. Pas de réveil des consciences. Pas de jugement. La vie. Avec ce qu’elle a de laid. Avec ce qu’elle sait, aussi, de la beauté et d’une rédemption possible…

… Et pourtant, le combat en vaut la peine

En femme engagée, en femme enragée, le cri du cœur de Titaua Peu se déverse sur le papier. Avec une plume acérée, teintée de sueur, de sang et de larmes, les mots délient les maux et enfin... libèrent l’auteure comme ses protagonistes, dont on s’éprend immuablement au fil des pages. Si son ouvrage a su toucher nombre de lecteurs en Polynésie, de tous horizons, de toutes "classes sociales", l’ouvrage n’a pas manqué de séduire le lectorat métropolitain. Et l’auteure de se réjouir de pouvoir ainsi "entrer au cœur de bien des familles…".

Dans la mouvance d’une nouvelle génération d’écrivains, tels Chantal T. Spitz et Moetai Brotherson, Titaua Peu représente une des principales voix francophones de la littérature du Pacifique. Du salon du livre de Papeete à celui de Paris, jusqu’à Rochefort, elle porte fièrement Pina et tous ce que représente le parcours balafré de cette jeune femme. Ce besoin d’écrire qu’elle "expulse" sur le papier tient pourtant de l’urgence sociale, sociétale. C'est un témoignage authentique et à peine fictionnel d’une réalité pénible à admettre, certes, mais qui est toutefois palpable et bien tangible. Ici encore, avec son deuxième "manifeste", et malgré son refus d’assimilation et son côté inclassable, elle s’impose pourtant définitivement comme auteure incontournable du paysage intellectuel polynésien.

Pina, Titaua Peu, Éditions Au vent des îles, 2 500 Fcfp.

A découvrir : ICI
Consultez un extrait de l'ouvrage

1 an de chroniques littéraires, ça se fête !

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Rédigé par Au vent des îles le Samedi 15 Juillet 2017 à 03:00 | Lu 6272 fois