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Rohfritsch : "le challenge est de passer d’une économie de transferts à une économie de croissance"


PAPEETE, 7 octobre 2016 - Le Forum de l'économie et la deuxième conférence économique sont organisés sous l'égide du gouvernement de lundi à mercredi à l'hôtel Méridien de Punaauia. Une passerelle de communication privilégiée entre l'exécutif polynésien et les forces vives du pays, voulue pragmatique, dont nous parle son promoteur, le ministre de la Relance économique, Teva Rohfritsch.

Quel regard portez-vous sur l’économie polynésienne, aujourd’hui ?

Teva Rohfritsch : Ça va mieux. Ce n’est pas l’euphorie, mais lundi nous ferons le point avec l’IEOM et l’ISPF (Institut d’émission d’outre-mer et Institut de la statistique en Polynésie française, NDLR), sur la base des dernières données. On voit quand même que le redressement s’est opéré : depuis deux ans l’effort fait par le gouvernement en matière d’investissements publics commence à porter ses fruits. L’investissement privé commence à prendre le relais : les Comptes économiques rapides pour l’outre-mer (CEROM) l’attestent. Maintenant, on a bien conscience qu’il nous faut encore résorber un stock important de demandeurs d’emploi, même si pour la première fois depuis de nombreuses années on est revenu depuis 2015 à un solde positif en termes de création d’emplois, c’est-à-dire qu’il y a plus de postes créés que d’emplois détruits.

La reprise de l’emploi n’est toujours pas au rendez-vous. Comment appréhendez-vous sur cette problématique ?

Teva Rohfritsch : Je sais qu’il y a une certaine impatience ; mais on ne va pas régler en six mois 10 ans d’instabilité politique. Nous avons eu un stock tel de demandeurs d’emplois qui s’est constitué, lié à la crise économique d’abord mais aggravé par l’instabilité politique… Le moteur économique, beaucoup alimenté par la commande publique était devenu atone. Je vous rappelle qu’en 2012 on est descendu à 12 milliards de commande publique lorsqu’on en réalise 22 milliards cette année. Le Pays était au bord de la cessation de paiement en 2012 ! La crise économique dans le secteur privé s’est trouvée amplifiée par la baisse de la commande publique. C’est un peu une double peine lorsqu’en même temps on observait tous ces jeunes entrants sur le marché du travail. Nous sommes conscients que la tâche est encore lourde. Mais je veux pourtant regarder le côté plein du verre : on a inversé la tendance. Pour la première fois, la masse salariale déclarée à la Caisse de prévoyance sociale (CPS) recommence à croître : ça va mieux. La priorité pour le gouvernement – et on le verra dans les orientations budgétaire pour 2017, présentée lundi matin lors de la 2e conférence économique – c’est de faire que chaque franc investi puisse tourner dans l’économie ; faire d’avantage de bâtiments que de routes ; renforcer encore les financements pour le logement et notamment le logement social…

Edouard Fritch a parlé de "budget de combat" en 2017.

Teva Rohfritsch : Oui, de combat pour l’emploi. C’est notre priorité en 2017. En 2013, le précédent gouvernement avait procédé à une réforme fiscale parce qu’il fallait rétablir les finances publiques. 2014 a été, la concrétisation de cet appel fiscal ; 2015 et 2016 se sont concrétisées par le retour des investissements publics, sur les routes d’abord puis avec un effort sur le logement en 2016. L’année 2017 ce sera le combat pour l’emploi. Maintenant que l’on a pu dégager des marges de manœuvre, je peux vous dire que chaque ligne du budget d’investissement sera arbitrée en fonction de son impact sur l’emploi.

A considérer les ressources économiques du Pays, quelles sont les forces et les faiblesses selon vous ?

Teva Rohfritsch : Ce qui nous a permis de sauver les meubles, durant toutes ces années, ce sont les transferts financiers de l’Etat. Est-ce une force ? Ils ont joué un rôle contracyclique avec un effet de redistribution dans l’économie, au travers du salaire des fonctionnaires. Le budget de l’éducation – plus de 60 milliards par an – est énorme. Et il représente une participation de l’Etat dans un champ qui est lié aux compétences du Pays.
On ne le voit pas forcément ; mais c’est quand même ce socle de transferts publics qui a permis à l’économie de se maintenir à un niveau acceptable pendant toutes ces années. Aujourd’hui, l’effet redistributif par le budget du Pays a été réactualisé. Dorénavant tout le challenge est de passer d’une économie de transferts publics à une économie de croissance, qui repose sur le développement de ses secteurs.
D’ici-là, on fera avec les moyens que nous avons en attendant de trouver de nouveaux moteurs économiques. Cette recherche de nouvelles pistes de développement est au cœur du Forum économique que nous organisons mardi et mercredi
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Vous évoquez souvent le principe de "refondation" de notre économie.

Teva Rohfritsch : Oui. Le plan d’actions économiques se compose de mesures de relance à court terme, pour alimenter le moteur et faire en sorte que ces transferts publics redistribués par le budget de la Polynésie profitent un maximum au secteur privé. Mais la refondation, c’est faire en sorte que le Tourisme qui est l’un des secteurs essentiels de notre économie puisse vraiment décoller. Les chiffres de fréquentation s’améliorent (…) mais on n’est toujours pas sur un palier qui pourrait compenser ce qui fut l’économie liée au nucléaire. J’espère qu’au Forum, on pourra sortir des sentiers battus et débattre à propos de ce qu’il convient de changer en Polynésie.

De l’avis du ministre de l’Economie, qu’est-ce qui ne fonctionne pas dans le tourisme polynésien aujourd’hui ?

Teva Rohfritsch : Je n’aurai la prétention de donner des leçons aux professionnels. Il y a une table ronde qui se tient à ce sujet mercredi, je pense que ce sera l’opportunité d’en parler. J’ai des idées que je présenterai à cette occasion. On a veillé à ce que chaque corps de métier de ce secteur soit représenté autour de la table. L’idée n’est pas de faire une table ronde de plus ; mais d’avoir justement des questions comme celle-là qui puissent être abordées.

Mardi et mercredi, lors du Forum économique, en mettant un coup de projecteur sur des réussites personnelles livrées par leurs auteurs, qu’entendez-vous susciter dans l’audience ?

Teva Rohfritsch : D’abord la curiosité et l’envie de voir ce qui se fait ailleurs, plutôt que se regarder toujours nous-même. C’est un pari. On verra si cela fonctionne. J’ai proposé au gouvernement d’inviter des gens qui ont réussi, qui sont experts dans un domaine qui peut non intéresser, pour nous parler des difficultés qu’ils ont rencontré et de ce qu’ils ont défini comme des facteurs de succès, dans les domaines du tourisme, de l’économie numérique, de l’économie circulaire. (Voir encadré).
Et puis nous aborderons le thème sensible des politiques de l’emploi et de la réglementation du travail dans les différents pays du Pacifique, afin que nous ayons un regard plus éclairé sur ce qui se passe chez nous, et sur notre compétitivité. Le problème que l’on rencontre souvent ici, parmi les forces vives qui participent au débat économique et politique, c’est que certains ont encore du mal à réaliser que l’ère nucléaire est terminée et que notre économie sous perfusion ne peut pas se prolonger trop longtemps. Certes, les transferts financiers nous permettent de nous maintenir à un niveau acceptable ; mais tout ça ira à la baisse. Nous sommes condamnés à repenser notre économie. Et cela passera par des réformes. Peut-être aussi sur notre code du travail : pour avoir une économie tournée vers l’extérieur et compétitive nous devront certainement nous mesurer à des systèmes concurrents. Alors que nous sommes, jusqu’à présent, dans un couloir privilégié vis-à-vis de Paris et dans un système de perfusion que nous incite peu à regarder vers l’extérieur. Je pense en particulier au secteur du tourisme. Si nous voulons le développer, on doit se placer sur la scène internationale et en compétition.
J’attends de tous ces témoignages qu’ils provoquent une décharge électrique, pour que l’on prenne conscience de tout cela et que l’on arrête de se regarder le nombril. Chacun tirera les leçons qui s’imposent à lui. Je ne souhaite pas donner de leçons mais j’ai envie que nous, Polynésiens, on ouvre les yeux sur ce qui se passe autour. Ce n’est qu’à cette condition que l’on pourra changer notre économie, la refonder. Réorienter les transferts publics ne suffit plus aujourd’hui. Il faut que l’on sorte de ce système d’il y a 40 ans
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Lundi vous organisez la deuxième conférence de l’économie, après celle de mai dernier. Qu’attendez-vous de ces rencontres, dans ce contexte ?

Teva Rohfritsch : Ce rendez-vous est organisé à la demande des syndicats de patrons (…) pour faire un point sur la situation conjoncturelle, sur le plan d’actions développé par le gouvernement et le troisième axe, spécifique à de ce rendez-vous d’octobre, est de leur présenter en avant-première les orientations budgétaires 2017 (cette présentation sera faite par le vice-président, ministre des Finances) afin que les patrons ne découvrent pas dans la presse après que l’examen ait été fait par l’assemblée. L’idée est d’échanger avec eux avant que l’on puisse avoir ce débat institutionnel.
Dans l’après-midi, la conférence se poursuit par des débats sur des thèmes sélectionnés par les employeurs au préalable : comment simplifier le parcours administratif d’un porteur de projet ? Comment développer les productions locales ? Que changer dans le cadre social et fiscal de l’entrepreneuriat local ? Ce sont des problématiques choisies à leur initiative. Tout cela doit déboucher, de manière très pragmatique, non pas sur des considérations philosophiques mais sur des propositions d’actions, des textes à amender, des procédures à modifier, etc…


Des débats et des réunions, il y en a eu beaucoup, notamment sur le numérique. Tout ça donne l’impression que l’on a du mal à concrétiser les actions.

Teva Rohfritsch : En 8 ans, il me semble qu’il y a eu cinq ministres de l’économie numérique. Je pense que le premier sujet est là. Beaucoup sourient lorsqu’on dit que l’instabilité a beaucoup handicapé. Mais c’est vrai. Concrètement, j’ai pris l’économie numérique il y a 18 mois mais en 2010 nous avions établi un plan de développement du numérique. Mon successeur est arrivé et l’a mis au placard, alors que ce n’était pas le fruit de mon travail mais de celui des Etat généraux du numérique auxquels ont participé un millier de personnes. C’est cela qui donne cette sensation de réunionite permanente. L’interlocuteur change et veut refaire ce que le prédécesseur a déjà réalisé.

Qu’avez-vous modifié à la suite de la première conférence économique de mai dernier ?

Teva Rohfritsch : Le plan d’actions économiques a été ajusté. Mais les thématiques étaient un peu trop larges. C’est pour cela que nous avons demandé à préciser les thématiques pour cette seconde réunion de manière à éviter de partir sur de grandes idées. J’espère que l’on obtiendra des choses plus concrètes et pragmatiques.

Comment comptez-vous intégrer cela dans les choix budgétaires puisque les arbitrages sont faits aujourd’hui ?

Teva Rohfritsch : Tout n’est pas financier. Il des questions réglementaires. J’attends de voir ce qui va sortir. Les thèmes ayant été définis en amont, chaque organisation a travaillé en atelier depuis plusieurs semaines. Lundi, elles nous livreront le fruit de ces réflexions.

LE PROGRAMME

2ème Conférence économique (lundi 10 octobre)

7h30 - 8h – Accueil des participants
8h - 8h30 – Discours d'Édouard Fritch
8h30 - 9h – Point de conjoncture économique (IEOM / ISPF)
9h00 - 9h30 – Point d'avancement du plan d'actions économiques (MEI)
9h30 - 10h30 – Présentation des orientations budgétaires 2017 (vice-présidence)
10h30 - 15h – Ateliers et préparation des restitutions (Soutien et développement des productions locales ; Simplification du parcours administratif du porteur de projet ; repenser le cadre fiscal et social de l'entreprenariat individuel)
15h30 - 17h30 – Restitution des ateliers

1er Forum économique de Polynésie française (11-12 octobre)

Mardi 11 octobre 2016
7h30 - 8h30 – Accueil des participants
8h30 - 9h – Discours d’introduction du Président de la Polynésie française
9h - 9h30 – Intervention du Secrétaire Général du Haut-Commissaire en Polynésie française
10h - 11h30 – Conférence débat sur l’économie numérique, M. Philippe Turp

11h30 -13h30 – Pause déjeuner (déjeuner libre)

13h30 - 15h – Conférence débat sur l’économie circulaire appliquée au cas des déchets de la banane, Mme Shirley Billot
15h30 - 16h30 – Conférence débat sur l’emploi et la réglementation du travail dans le Pacifique, Dr. Stéphane Le Queux
17h - 18h30 – Conférence débat sur le tourisme chinois dans le Pacifique, Dr. Jane CHEN

Mercredi 12 octobre 2016
7h30 - 8h – Accueil des participants
8h - 8h30 – Intervention de M. François Jacq, PDG de l’IFREMER
8h30 - 9h – Intervention de M. Fabrice Richy, Directeur Outre-mer de l’AFD
9h30 - 10h30 – Conférence débat sur l'économie bleue, M. Bernard Planchais
11h - 12h – Table ronde sur le tourisme (professionnels du tourisme de Polynésie française)

12h - 13h30 – Pause déjeuner (déjeuner libre)

13h30 - 15h – Conférence débat sur l’économie numérique, M. France Maltais
15h - 16h – Restitutions
16h15 - 16h45 – Discours de clôture par le Ministre de l’économie

Rédigé par Propos recueillis par JPV le Dimanche 9 Octobre 2016 à 15:40 | Lu 3931 fois