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Punaauia ouvre une épicerie solidaire


Les bénévoles de la Croix Rouge, le maire de Punaauia Ronald Tumahai et le patron d'un des commerces qui a permis de constituer les stocks de produits alimentaires de l'épicerie Fare Hotu no Punaauia.
Les bénévoles de la Croix Rouge, le maire de Punaauia Ronald Tumahai et le patron d'un des commerces qui a permis de constituer les stocks de produits alimentaires de l'épicerie Fare Hotu no Punaauia.
PUNAAUIA, le 18 mai 2016 - La Croix Rouge et la mairie de Punaauia ont ouvert une épicerie solidaire pour les familles en difficulté de la commune. Les produits, donnés par les particuliers et les commerces de la commune, sont proposés à 10% du prix en magasin.

Acheter une boite de petit-pois-carotte pour 30 Fcfp ou un punu pua'atoro à 50 Fcfp, c'est normalement impossible à Tahiti… pourtant, certaines familles peuvent difficilement dépenser plus dans leur nourriture, à moins de sacrifier le paiement de leur loyer ou de leur facture EDT. C'est confronté à cette urgence sociale que la Croix Rouge a créé ses épiceries solidaires. Avec l'ouverture de celle de Punaauia, il y en a désormais sept en Polynésie. Mais elles sont confrontées à des problèmes de financement… D'où l'invention d'une nouvelle formule, en partenariat avec les communes. La première épicerie nouveau modèle a été ouverte ce mercredi 18 mai à Punaauia, après la signature d'une convention entre l'association et la commune.

Dans ce modèle, l'épicerie sera réservée aux habitants de la commune, sélectionnés par les services sociaux de la mairie. Six familles profiteront de l'épicerie chaque semaine, selon les priorités.

Pour l'instant, l'épicerie solidaire Fare Hotu no Punaauia est installée dans un container, sur le parking de la mairie de Punaauia. Mais elle déménagera bientôt pour un terrain que la mairie est en train de négocier avec les propriétaires. "Outumaoro, c'est pour nous un quartier prioritaire pour y installer cette épicerie solidaire. Mais en attendant, ça fait déjà plusieurs années que la Croix Rouge intervient au niveau de Punaauia avec son bus (l'épicerie mobile, NDLR). Des familles de Punaauia vont même à l'épicerie solidaire de Faa'a, et on nous a dit que ces deux ou trois dernières années, à peu près 2500 personnes de Punaauia y sont allées. Donc il fallait vraiment faire quelque chose, et pour parer au plus pressé nous avons aménagé un container sur le parking" nous explique Ronald Tumahai, maire de Punaauia.

"IL Y A DES FAMILLES DONT LES PARENTS ONT PERDU LEUR TRAVAIL… ILS N'ONT PLUS RIEN"

L'épicerie Fare Hotu no Punaauia a nécessité un investissement de 400 000 Fcfp de la part de la commune, elle sera gérée par les bénévoles de la Croix Rouge et est alimentée par les dons des particuliers à la sortie des supermarchés et par huit entreprises (cinq commerces et trois grossistes) de la commune qui offrent les denrées qui ont dépassé la date limite de vente, mais ne sont pas périmées.

"Dans la commune, il y a des familles qui sont quand même en situation de détresse, dont les parents, aussi bien le mari que la femme, ont perdu leur travail. Donc ils n'ont plus rien. Ils essayent de parer au plus pressé, et quel est le plus pressé, c'est la nourriture ! Déjà qu'ils n'arrivent plus à payer leurs loyers lorsqu'ils habitent des lotissements sociaux, et en plus il faut payer la nourriture !" conclut le maire.



Karl Lis, président de la délégation de la Croix Rouge en Polynésie

En quoi ce concept est-il différent des six autres épiceries solidaires du Fenua ?
"En fait c'est une variante du concept existant. Avant, nous avions des épiceries solidaires généralistes, où l'on accueillait les personnes nécessiteuses de plusieurs communes à la fois. Mais on s'est rendu compte que c'était compliqué d'obtenir des financements pour arriver à faire fonctionner tout ça, et on s'est dit 'pourquoi ne pas faire des choses plus faciles à mettre en place au niveau de chaque commune, plus petites, gérables à l'échelle communale, de manière à faire participer directement les commerces de la commune ?' On pensait qu'on pourrait faire des collectes plus facilement, et effectivement, pour l'instant on s'aperçoit que ça a l'air de fonctionner. Donc on espère pouvoir pérenniser ça dans plusieurs communes dans les années qui viennent, sans pour autant avoir pour objectif d'en mettre partout."

On voit que contrairement aux autres épiceries solidaires, celle-ci sera réservée aux familles de Punaauia, sélectionnées par la mairie, n'est-ce pas un peu limitatif ?
"On veut servir tout le monde, mais encore faut-il en avoir les moyens. Nous n'avons pas des ressources illimitées, donc nous essayons de répartir au mieux les ressources que nous pouvons obtenir…"

Quelles seront les prochaines communes à avoir leur épicerie solidaire communale ?
"La prochaine sera normalement Faa'a, puis Arue et Uturoa. Ce sont les épiceries qui existent déjà qui vont se transformer en épiceries communales. Si on réussit, il ne restera plus qu'une seule épicerie solidaire avec l'ancienne gestion, ce sera celle de Pirae où il y a le siège de la Croix Rouge, en plus de notre épicerie mobile qui permettra d'aller dans les autres communes."

Puisque ces produits vous ont été offerts, pourquoi sont-ils revendus, même si c'est 20 Fcfp le sac de riz ou 80 Fcfp le chocolat en poudre ?
"Quelque part, ce n'est pas vraiment de la vente parce qu'au tarif où ils sont proposés, ce n'est pas du négoce. L'objectif, c'est que ce ne soit pas de l'assistanat. De plus en plus, que ce soit en métropole ou dans le monde, on s'aperçoit que l'assistanat ne marche pas, donc l'idée est plutôt de faire en sorte d'aider les familles nécessiteuses dans la situation précaire dans laquelle elles sont, en espérant que ce soit temporaire. Je dis souvent que l'objectif ultime de la Croix Rouge, c'est de disparaitre parce que les pouvoirs publics et la société n'auront plus besoin de nous !"


Adélaide, cliente de l'épicerie solidaire

"Pour moi c'est la première fois, je viens de découvrir et ça a l'air d'être une bonne chose. Quand je me suis inscrite à la mairie, c'est Isabelle qui m'a proposé, et ça m'aide beaucoup le temps que je retrouve un emploi. Normalement je travaille comme femme de ménage, mais là du coup je ne travaille plus, c'est par occasion.

J'élève mes deux filles, je suis toute seule pour subvenir aux besoins de ma famille. Même si j'ai aussi l'aide de mes parents, mais en tant que parent, je suis toute seule. Là ça être utile dans la vie quotidienne, ça me laisse le temps de prendre soin de mes enfants et de chercher du travail."



Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mercredi 18 Mai 2016 à 17:31 | Lu 4305 fois