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Poly3D : l'école du jeu vidéo made in Tahiti met la barre haute


La première promo de Poly3D passe en deuxième année. Déjà 20 nouveaux élèves les suivent. Le cursus dure trois ans en tout.
La première promo de Poly3D passe en deuxième année. Déjà 20 nouveaux élèves les suivent. Le cursus dure trois ans en tout.
PAPEETE, le 19 juin 2016 - Le Studio Poly3D était un pari osé pour la CCISM. Une école privée consacrée au jeu vidéo, avec une pédagogie originale et des étudiants atypiques… Mais aujourd'hui, après 10 mois de fonctionnement et la fin d'une première année scolaire, les résultats sont plus que satisfaisants. Un pari réussi qui ouvre de nouvelles perspectives aux étudiants et aux instances polynésiennes.

C'est devant leurs parents et les coachs qui les accompagnent depuis de longs mois que les élèves de Poly3D ont présenté ce vendredi le fruit de leur première année d'études à Poly3D. C'était aussi un test pour l'école, qui expérimente depuis un an un format d'apprentissage "par le défi" très innovant, qui n'est pratiqué que dans quelques formations informatique telles que "l'école 42" créée par le fondateur de Free, Xavier Niel. Poly3D se concentre sur le jeu vidéo et appartient au pôle formation de la CCISM. Pour assister à la présentation de ces premiers travaux, le président de la CCISM et le ministre de l'économie numérique avaient fait le déplacement pour juger d'eux-même les compétences acquises par des 22 élèves de cette toute première promotion.

Et ces officiels n'ont pas été déçus. L'évolution est évidente même pour les plus profanes. Les bandes dessinées et jeux de cartes maladroits du début d'année cèdent rapidement la place aux jeux en 3D à la complexité de plus en plus avancée. Les plus grosses productions des étudiants ont été apportées par des entreprises privées, que ce soit la production de publicités ou celle de deux "serious games" pour le ministère de l’Éducation et Air Tahiti Nui. Les familles et officiels étaient très impressionnés, d'autant que les étudiants présentaient leurs travaux de manière confiante et dynamique, à l'inverse du cliché du "geek" asocial. C'est en toute confiance qu'ils peuvent partir en stage et aborder les deux ans de formation qu'il leur restent.

L'école, qui compte adapter son modèle (voir l'interview de Christophe Gomez, directeur de Poly3D), continue d'invertir dans son développement puisqu'elle va doubler de taille d'ici la rentrée pour accueillir la promotion suivante. Elle va aussi commencer à proposer des formations informatiques en cours du soir pour les professionnels.

Martin Ahiefitu, padawan
"Pour moi cette première année été assez dure, mais en même temps, comme on était tous réunis ici par la même passion, il y avait une bonne ambiance de travail. Même si le travail était de plus en plus difficile, avec la bonne humeur on arrivait jusqu'au bout, c'est cool. Avant de venir à Poly3D, je faisais une licence de Physique-chimie à Toulouse. Quand j'ai entendu dire qu'une nouvelle filière dans le numérique s'ouvrait à Tahiti, j'ai décidé de revenir pour voir jusqu'où ça pourrait aller, et franchement je ne suis pas déçu !

Avant de commencer Poly3D, j'avais essayé, dans mon coin, de travailler sur la modélisation, pour m'amuser. Et j'adore aussi le dessin. Mais là, cette année, j'ai appris à m'améliorer, m'exprimer et à parler en public, ce n'était pas le cas avant.

L'école m'a beaucoup aidé. Cette pédagogie pas le défi... Il n'y a pas de cours et pas de profs. Notre seul moyen pour nous former c'est de l'autoformation. C'est la plus grande différence, et en pratique, c'est efficace, parce qu'on a pas le temps de se laisser retarder ! C'est la pratique avant tout."


Christophe Gomez, directeur de Poly3D
"La prochaine promotion aura 20 padawans, contre 22 pour ceux qui passent en deuxième année. Elle est aussi très différente, pour deux raisons : d'abord la qualité de leurs productions. Pour le grand défi, la production était vraiment exceptionnelle, on a vu un grand avancement sur tout ce qui est level design, ils maîtrisent déjà la 3D. Ils ont acquis ces compétences en amont du défi, il y a certainement eu des échanges entre les anciens et les futurs candidats grâce à la plate-forme web ouverte de l'école, mais en tous cas on voit qu'il y a une envie et des compétences encore beaucoup plus forts que l'année dernière. Le fait que l'école ait maintenant fait ses preuves a aussi joué ; l'autre différence, c'est que la nouvelle promotion contient plus de filles, donc ça pourrait faire entrer une sensibilité différente dans les jeux, et aussi un âge un peu plus jeune. Ce sont surtout des bacheliers et certains qui viennent de la première année de l'université.

Après cette première année, nous avons aussi complètement réadapté le modèle. Les défis seront moins nombreux mais plus denses, et ce sera séquencé par plus d'évaluations, pour recadrer les niveaux de chacun. Ce que l'on a constaté, c'est que chacun allait travailler pour son équipe dans ses domaines de compétences. Ce sera le but final, mais pas forcément dès la première année, il y a besoin d'abord d'asseoir les bases avant de les spécialiser plus tard. Sinon il n'y aura toujours pas de cours, mais plus de capsules de formation de type MooC et d'autres outils pédagogiques plus spécifiques.

Il y aura une nouveauté l'année prochaine, avec des classes pour les professionnels. Nous les ouvrirons en soirée, à partir de 17h, sur les logiciels, les moteurs de jeux, ect., sur le même modèle que Poly3D. J'ai aussi profité de la présentation pour faire un appel à tous les professionnels, associations ou institutions qui seraient intéressés par une gamification de leurs activité, aussi bien dans l'éducation, l'entreprise, entrepreneuriat ou autre !"


Le ministre en train d'établir un high score à Toere Hero (authentique)
Le ministre en train d'établir un high score à Toere Hero (authentique)
Teva Rohfritsch, ministre de l’Économie numérique
"C'est la troisième fois que je visite l'école poly3D. Dès le départ je faisais confiance au contenu pédagogique, mais là, les objectifs ont été dépassés selon moi. En un an de formation seulement, mais avec un travail intense puisque, comme on l'a dit, ils n'avaient pas d'heures, c'était une pédagogie par défis… Quand on passait dans la rue le dimanche on voyait que c'était parfois allumé, c'est parce que les jeunes étudiants n'ont pas ménagé leurs efforts pour arriver au bout de ces défis. On voit bien que cette formule leur a permis d'apprendre tout un tas de techniques, et on voit que c'est une vrai performance. Je ne sais pas quels sont leurs moyennes dans d'autres formations en métropole, mais je trouve ça assez fabuleux d'arriver à produire après un an ce qu'ils ont présenté aujourd'hui.

C'est vrai que la pédagogie est nouvelle. Il faut que l'on arrive à développer ces nouveaux métiers (du numérique) ici en Polynésie, et il faut donc très certainement innover aussi sur les formations. C'est pour ça que j'ai tenu à soutenir dès le départ cette initiative de la Chambre de commerce, parce que la liberté d'intervention de la Chambre nous permet, peut-être, d'aller davantage vers cette créativité, y compris pédagogique. Je discuterai ensuite avec notre ministre de l’Éducation, qui est aussi commanditaire, pour voir, sous l'angle de l'éducation en général, si nous pourrions préparer nos jeunes à faire ensuite ce genre de formations. Parce que c'est ce dont nous parlons avec les professionnels du numérique, ce qui sera déterminant à l'avenir seront les formations que nous pourrons déployer pour créer du contenu qui remplira le câble actuel et celui que nous envisageons de poser."

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Dimanche 19 Juin 2016 à 02:23 | Lu 3729 fois