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PPN : "Nous sommes en train de réformer toute la liste" confirme Rohfritsch


Teva Rohfritsch, ministre de la Relance économique.
Teva Rohfritsch, ministre de la Relance économique.
PAPEETE, 30 mars 2016 - La liste des produits de première nécessité (PPN) va faire l'objet d'une réforme d'ampleur, confirme Teva Rohfritsch, ministre de la Relance économique. Selon nos informations les familles de produits que compte cette liste, modifiée 62 fois depuis 1992, devraient être réduites de moitié, passant de 30 à 15 avec le retrait de plus de 50 % des produits actuellement classés PPN. Exit tout ce qui n’est pas alimentaire, pour ne conserver, dans les familles alimentaires, que les produits de base et encore, "pas nuisibles pour la santé". Le système d'encadrement des prix pourrait également inclure la notion de marges en valeur relative, notamment pour les archipels. La prise en charge du fret en direction des archipels sera maintenue mais sur la base d’un système également réformé.
Qu’il s’agisse de moins-values fiscales ou de subventions, le système PPN représente actuellement pour la collectivité une dépense de près 2,2 milliards Fcfp par an. Les économies réalisées pourraient abonder un fonds d’aide d’urgence en faveur des plus défavorisés.

Quel est le devenir du Fonds de stabilisation du prix des produits de première nécessité (FSPPN) après l’arrêt mercredi de la subvention du riz ?

Teva Rohfritsch : Ce fonds de stabilisation subventionne également la farine (de froment panifiable, ndlr). Nous devons, après avoir statué sur le riz, nous pencher sur le sujet de la farine. Il y a également de nouveaux entrants qui souhaitent se positionner sur ce marché. Mais pour l’instant, ils ne se sont pas déclarés officiellement. J’attends que l’on ait une confirmation du niveau des prix, pour voir si la subvention (600 millions Fcfp par an, ndlr) se justifie toujours ou pas. Dès lors qu’elle ne sera plus justifiée, nous envisagerons de supprimer le FSPPN.

L’autorité de la concurrence se penche actuellement sur l’économie des PPN et des subventions à l’importation. Pensez-vous que le phénomène d’entente que l’on soupçonne s’être produit avec le riz PPN est également à l’œuvre pour la farine ?

Teva Rohfritsch : L’Autorité de la concurrence est indépendante et se saisit en effet d’un certain nombre de sujets. Nous travaillons quant à nous depuis plusieurs mois sur ces sujets-là avec la direction des affaires économiques. Je l’avais annoncé lors de ma prise de fonctions : nous sommes là pour réformer, changer le système économique.
Ce qui vient modifier la situation du riz, c’est qu’il y a une entreprise qui se positionne et qui nous annonce des prix sans subvention. C’est aussi simple que cela. Nous constatons que la subvention ne se justifie plus et nous passons à un système beaucoup plus ouvert.
Néanmoins, nous avons souhaité laissé le riz en PPN afin de s'assurer que cette décision ne provoque pas une inflation. Le riz reste un produit de première nécessité avec une marge fixée en valeur absolue. Nous allons voir le comportement des acteurs dans les mois qui viennent et, si les règles de la concurrence se réalisent sainement, demain on peut envisager que ce produit sorte de la liste.
Pour l’instant, le maintien du riz en PPN permet aussi la prise en charge du fret pour les îles afin de permettre aux habitants des archipels d’acheter ce produit au même prix qu’à Tahiti
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Ne pensez-vous pas que le FSPPN est la source de comportements pervers dans l’économie des PPN ?

Teva Rohfritsch : Le FSPPN ne traite que du riz et de la farine. Nous sommes en train de réformer toute la liste. Il faut se souvenir que le fait de classer en PPN vient exonérer de taxes. L’économie des taxes fait baisser le prix. En contrepartie, cela s’accompagne aussi d’une fixation en valeur absolue de la marge que se partagent l’importateur et le détaillant. Mais il y a des effets pervers (…) ce n’est pas souhaitable. Dans la réforme que l’on envisage avec le Président, on souhaite aussi déconnecter la notion de prise en charge du fret du statut de PPN. De sorte que l’on puisse avoir des produits de grande consommation ou libres que l’on estime devoir proposer au même prix dans les îles qu’à Tahiti. (…) Nous souhaitons mettre à plat tout cela – c’est une directive du Conseil des ministres – et dans les semaines qui viennent nous proposerons une nouvelle liste.

Avec cette réforme dans système des PPN, ne redoutez-vous pas un impact sur le coût de la vie ?

Teva Rohfritsch : L’idée est bien entendu de ne pas peser d’avantage sur le coût de la vie. C’est pour cela que l’on y va par étape. Nous constatons néanmoins qu’il y a eu une surenchère dans la liste des produits PPN, au grès des gouvernements. Et cela s’est parfois fait au détriment du consommateur : certains produits PPN disparaissaient des étals parce que plus importés dans la mesure où les marges se trouvaient figées, tandis que des produits de substitution se retrouvaient vendus plus chers… Il y a eu des effets pervers.
Avec le Président, nous avons validé un certain nombre d’orientations lors du Conseil des ministres hier (mercredi, ndlr). Je vais revenir devant le Conseil avec une liste des PPN revisitée. C’est un sujet que nous évoquerons aussi avec l’Assemblée, parce que, si ça se décide par arrêté en Conseil des ministres, c’est un sujet éminemment sensible. Je crois qu’il faut que l’on revienne à la définition de ce qu’est un produit de première nécessité, c’est-à-dire celui qui va aider un certain nombre de nos famille modestes à joindre les deux bouts pour se nourrir. Des produits ont été glissés dans cette liste de sorte que ce dispositif d’encadrement ne vient plus exclusivement en aide aux plus modestes.
Nous préférons dégager de la marge budgétaire. Concrètement, les économies réalisées avec le riz sur le FSPPN, on souhaite les réinjecter dans un fonds d’actions sociales pour venir aider directement ces familles qui ont besoin d’une aide sociale d’urgence
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Tiendrez-vous également compte des remarques du ministère de la Santé dans la révision de la liste des PPN ?

Teva Rohfritsch : Oui, je pense qu’il faut avoir le courage politique de le faire. Il y a plusieurs années que l’on en parle. On m’a demandé de réunir l’Economie, la Solidarité et la Santé pour ensemble définir cette nouvelle liste. Nous allons définir la liste des produits de première nécessité, ceux qui ne sont pas nuisibles à la santé. On souhaite aussi dissocier de cette liste les produits qui sont destinés à aider les professionnels. On préfère imaginer des aides directes. La liste sera bien entendu revue en fonction d’un critère de santé. Et les économies réalisées seront réinjectées dans un fonds d’action sociale pour venir directement en aide aux ménages modestes.
(…) Il faut que l’on redéfinisse cette liste pour que les produits nécessaires à la famille soient accessibles à des prix réduits et que, pour le reste, on laisse place au jeu de la libre concurrence. Et cela n’exclut pas que les prix puissent baisser. Souvenez-vous qu’il y a toujours eu ces suspicions de marges-arrières : compte tenu des marges fixées ici en valeur absolue, on peut penser que certains opérateurs aient ouvert des sociétés à l’extérieur pour s’acheter à eux-mêmes ces produits. Ce sont des soupçons sur lesquels il appartiendra à l’Autorité de la concurrence de se pencher. De notre côté, sous l’angle de la réglementation, on souhaite que ces produits soient mieux ciblés et profitent à ceux à qui ils sont destinés.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Jeudi 31 Mars 2016 à 14:47 | Lu 3471 fois