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Mieux comprendre : le plan numérique du Pays


Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation était sur l'île de Huahine en 2016 pour visiter son école numérique
Najat Vallaud-Belkacem, ministre de l’Éducation était sur l'île de Huahine en 2016 pour visiter son école numérique
PAPEETE, le 28 mars 2017 - Comment faire basculer la Polynésie française dans le XXIe siècle ? Le gouvernement a un plan, nommé "schéma directeur d’aménagement numérique de la Polynésie française". Il inclut douze propositions, allant de l'administration numérique aux câbles internationaux.

La stratégie numérique de la Polynésie française est finalement assez simple : relier tous les citoyens au haut débit, favoriser la création d'entreprises innovantes et utiliser la puissance du numérique pour améliorer tous les services publics. En fait, la Polynésie parie gros sur le numérique pour son développement. Il y a une certaine logique : le grand pouvoir du numérique est d'effacer les distances, et la grande faiblesse de la Polynésie est de gérer un territoire extrêmement étendu.

Les moyens d'y arriver sont détaillés dans le schéma directeur d’aménagement numérique (SDAN), qui vient d'être étudié par le Conseil économique, social et culturel (CESC) et va maintenant être examiné par l'assemblée de la Polynésie française (APF). Ce document est le "plan de route" numérique du gouvernement, et il inclut tous les projets d'investissements et les directions arrêtées dans chaque domaine.

13 MILLIARDS D'INVESTISSEMENTS D'ICI 2020

Ce SDAN tombe au bon moment car il va aider à trouver des financements aux gros investissements numérique du Pays. Il était indispensable pour faire entrer des financements de l’État ou de la Caisse des dépôts et consignations.

En rouge et bleu, les câbles existants. En vert Natitua, en en violet Manatua
En rouge et bleu, les câbles existants. En vert Natitua, en en violet Manatua
Le câble domestique a été confirmé, il s’appellera Natitua, coûtera 7 milliards de francs et sera livré en septembre 2018. Il reliera dix îles directement : Nuku Hiva et Hiva Oa aux îles Marquises ; Rangiroa, Manihi, Takaroa, Arutua, Fakarava, Kaukura, Makemo et Hao aux Tuamotu.

Dix îles supplémentaires seront raccordées à cette "colonne vertébrale numérique" par faisceaux hertziens : Ua Pou, Fatu Hiva et Ua Huka aux Marquises ; Tahuata, Tikehau, Ahe, Takapoto, Kaukura, Faaite et Amanu aux Tuamotu. Rien pour les Australes ou les Gambiers donc. Pour les autres îles, le lancement de plusieurs satellites de nouvelle génération en 2018 permettra malgré tout une nette amélioration des débits.

Tahiti et Moorea seront largement fibré d'ici fin 2018, et le reste des îles de la Société d'ici 2020
Tahiti et Moorea seront largement fibré d'ici fin 2018, et le reste des îles de la Société d'ici 2020
Mais les îles de la Société devraient tout de même conserver leur avance numérique, puisqu'elles auront déjà largement migré vers un réseau entièrement en fibre optique jusque chez les abonnés finaux d'ici 2020.

Enfin, au niveau international, un nouveau câble reliera Tahiti au reste du monde grâce à une collaboration entre notre petit territoire et trois autres pays du Pacifique. Il s’appellera Manatua et coûtera 6 milliards de francs, avec un trajet Tahiti, Cook, Niue et Samoa.

TÉLÉMÉDECINE, ÉDUCATION NUMÉRIQUE ET E-ADMINISTRATION

Une quinzaine de services numériques sont en cours de développement par l'administration, qui permettront par exemple de relever le cadastre via internet ou de payer ses impôts en ligne. Les communes, qui ne sont qu'un tiers à avoir un site web, ont aussi du pain sur la planche.

En matière de santé, le développement des téléconsultations a déjà commencé, avec le très branché hôtel The Brando de Tetiaroa en bêta-testeur. L'analyse à distance des radios et IRM (imagerie par résonance magnétique) est également bien avancé, avec cette fois la Polynésie qui offre le service d'interprétation à un hôpital d'Angers, en métropole…

Dans l'éducation, avec dix ordinateurs pour 100 élèves, la Polynésie a déjà un bon retard. Un "plan tablettes" étendu à de plus en plus de collèges et écoles permettra d'y remédier en partie. L'arrivée du haut débit dans 20 îles va aussi permettre de lancer le télé-enseignement et d'utiliser tout le matériel prévu pour ça à la direction de l'Enseignement primaire (DEP) à Pirae. Le bas débit empêche tout développement dans ce domaine pour l'instant.

Pour le tourisme aussi le numérique est important. Les services touristiques en ligne de la Polynésie sont encore très parcellaires, et la connexion des touristes très insuffisante au regard des standards internationaux. Le SDAN propose, entre autres, de rapidement déployer un réseau wi-fi public sur les zones touristiques.

RÉGULATION DES TÉLÉCOMS

"Une des premières actions du SDAN sera l'ouverture d'une structure de dialogue entre l’État, le Pays et le privé, reprenant les compétences de la direction générale de l'Économie numérique (DGEN), qui sera les prémisses d'une Agence du numérique" nous explique un responsable du ministère du Numérique. Le Pays aura à sa disposition une administration puissante et compétente dans ces technologies que "les citoyens demandent et utilisent assidûment".

Une des missions qui pourra être confiée à cette Agence du numérique : la régulation des télécoms. Le SDAN prévoit que tous les projets d'investissements doivent être ouverts aux opérateurs concurrents. Ça semble mal parti pour l'instant. Mais le même responsable nous confie que si l'OPT réalise seul les milliards d'investissements à venir avec des financements du Pays et de l’État, au point de recréer de fait un monopole dans les archipels, il faudra "séparer les activités de l'OPT, d'un point de vue comptable, entre les activités de création d'infrastructures et celles de FAI. Pour réguler ce marché, des outils sont déjà en train d'être mis en place comme une loi sur les 'prestations de référence'." La concurrence sur la 4G jusqu'aux Tuamotu ? C'est le plan...



Les vrais chiffres de l'OPT
Le schéma directeur d’aménagement numérique de la Polynésie française (SDAN) recèle des données intéressantes issues directement des comptes de l'Office des postes et télécommunication (OPT) :
- Le "coût complet mensuel pour le service de capacité à l’international" est de 7 000 francs le Mbit/s au 1er janvier 2017 (c'est le coût pour l'OPT d'une liaison à 1 Mbit/s entre Tahiti et Los Angeles, sans compter le coût du trafic international lui-même. Un tel coût sera typiquement partagé entre 20 et 50 clients finaux). Par comparaison, il y a trois ans il était à 11 000 francs le Mbit/s par mois.
- Ce coût comprend :
• Amortissement, opération et entretien du câble Honotua : 4 800 francs
• Coût de connexion au cœur de réseau OPT à la station de Papenoo : 835 francs
• Tarif du transit Hawaii-Los Angeles : 500 francs
- Coût du Mbit/s entre les archipels éloignés et Tahiti : 464 000 francs par mois.
- La bande passante par habitant en Polynésie française est de l’ordre de 50 kbit/s, contre cinq fois plus en Australie/Nouvelle-Zélande, sept fois plus en France métropolitaine et 80 fois plus à Singapour.
- Tarif de gros intra-Tahiti pour les autres opérateurs : 835 francs le Mbit/s (il a été divisé par quatre au 1er janvier 2017).
- La Polynésie compte 56 000 lignes téléphoniques filaires raccordées à 117 centraux sur 65 îles.
- La concurrence de Skype et WhatsApp provoque l'effondrement des recettes du trafic voix international de l'OPT : à 2,5 milliards de francs en 2005, il est à moins de 200 millions de francs en 2015.

18 millions de francs de subventions pour les meilleures start-up

Annoncé il y a 15 jours en conseil des ministres, un nouveau "Concours pour l'innovation numérique" est lancé par le gouvernement, avec 18 millions de francs à répartir entre dix projets. C'est la deuxième édition, le concours héritant de la catégorie numérique du "Concours de création et de développement des entreprises" de 2016.

L'objectif du concours 2017 reste de "soutenir la création, le développement et la mise sur le marché de projets numériques innovants ou d'intégration originale au contexte de la Polynésie française, afin de développer de nouveaux produits ou services novateurs par leur contenu, leur procédé de réalisation, leur modèle économique ou leur expérience proposée". Les entreprises qui peuvent prétendre au concours sont nombreuses : "Les projets éligibles doivent être porteurs de perspectives d'activité et créateurs de richesses et peuvent concerner, notamment, la création et le développement de produits ou services (prévention, formation, information), des solutions visant à renforcer la compétitivité ou la mise en place d'outils collaboratifs favorisant le développement du numérique."

Le concours sera ouvert dans un mois, à compter du mardi 18 avril. Les dossiers, à récupérer sur DGEN.pf, devront être rendus le 23 juin.

Les dix lauréats du concours seront choisis par un jury incluant des représentants de l'Open, du ministère du Numérique, de la Sofidep, etc. Ils recevront les prix suivants :
• 1er prix : 3 500 000 Fcfp ;
• 2e prix : 2 500 000 Fcfp ;
• 3e prix : 1 500 000 Fcfp ;
• Du 4e au 9e prix : 600 000 Fcfp chacun ;
• Prix spécial du Gouvernement : 1 000 000 Fcfp

Rédigé par Jacques Franc de Ferrière le Mardi 28 Mars 2017 à 16:45 | Lu 5036 fois