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Mieux comprendre le métier de contrôleur aérien : " Assurer la sécurité des avions et la fluidité du trafic"


PAPEETE, le 23/11/15 - L'aéroport est au centre de la vie des Polynésiens. Pour aller dans les îles, pour se rendre en métropole, aux Etats-Unis et ailleurs. Sans les aiguilleurs du ciel, appelés aussi contrôleurs aériens, les avions ne pourraient pas atterrir ou décoller en toute sécurité. Ces régisseurs du ciel n'ont pas le droit à l'erreur. Originaire du fenua, Vianney Bibes travaille à la tour de contrôle de Faa'a depuis 2010. Il explique son métier.

Quel est le rôle du contrôleur aérien ?

Le rôle principal du contrôleur aérien est d'assurer la sécurité des vols en respectant des normes de séparation définies et en encourageant la fluidité du trafic.

Nous sommes dans la tour de contrôle, les contrôleurs sont face à des images radars. Que font-ils ?

Les contrôleurs en vigie (dans la tour de contrôle) assurent la gestion de la piste et ses abords. Un autre groupe de contrôleurs travaille dans une salle sans vue sur l'extérieure située au-dessous. Cette salle est dédiée au trafic dit « en route » c'est-à-dire à l’attention des avions qui volent à leur altitude de croisière.
Les points verts de la piste visualisée sur l’écran du contrôleur représentent les avions détectés par le radar; les carrés sont la partie d’une piste calculée des avions au-delà de cette portée.

Désormais nous sommes dans la salle la plus haute de la tour de contrôle avec une vue à 360 degrés. Expliquez-nous.

Le contrôleur assure la gestion de la circulation de l'aérodrome principalement en visuel. La piste en service est définie en fonction du vent. Le sens du circuit en découle, les avions doivent décoller et se poser face au vent. L'aérologie locale de Tahiti est assez particulière : des vents opposés peuvent se trouvent des deux côtés de la piste. C'est une situation que connaissent bien les pilotes habitués de l'aérodrome.

L'espace aérien de la Polynésie est immense, comment le gérez-vous ?

Notre espace aérien est plus grand que celui géré par l'Europe, il fait 12,5 millions de kilomètres carrés. Cet espace très vaste et archipélagique oblige souvent à utiliser des moyens de gestion du trafic aérien qui n’ont plus lieu en métropole, comme l’exploitation de communications en Haute fréquence (HF) et la pratique du contrôle aux procédures, c'est-à-dire sans radar.

Comment cela se passe-t-il quand il n'y a pas de radar ?

Nous disposons d’un seul radar, depuis 2009. Implanté sur le Mont Marau, sa portée de 250 milles nautiques permet de localiser les avions dans les zones couvrant Îles Du Vent et les Îles Sous-le-Vent.
Hors couverture radar, par exemple dans le cas d’un vol venant des Marquises, le pilote transmet au contrôleur par liaison radio les heures estimées de passage. De fait, les normes garantissant la séparation des vols entre eux sont beaucoup plus importantes.

Est-ce qu'il y a des aérodromes dans toutes les îles ?

La Polynésie française compte 47 aérodromes. Les principaux comme Tahiti, Moorea, Huahine, Raiatea et Bora Bora bénéficient de services de la circulation aérienne assurés par un contrôleur aérien. Les autres aérodromes, dits non contrôlés, disposent d'un agent AFIS (Aerodrome flight information service) en charge d’indiquer au pilote le vent, la pression atmosphérique. Enfin, dans le cas où il n’y a pas d’agent, à Apataki par exemple, les services de la circulation aérienne sont rendus à distance par les contrôleurs de Tahiti Faa’a, le plus important étant d’assurer une continuité du service d’alerte jusqu'à ce que le pilote soit posé. Les espaces aériens autour de la Polynésie sont la Nouvelle-Zélande à l'Ouest, le Chili à l'Est et les Américains au Nord.

Quel est le type de trafic aérien en Polynésie ?

Il existe essentiellement deux types de trafic, complétés par des activités privées ou commerciales, d’aéroclub ou de voltige. Tout d'abord, on gère le trafic domestique entre les îles avec comme acteurs principaux Air Tahiti, les militaires, Air Archipels, Air Tetiaroa et Pol Air. Quant au trafic international, il est composé du trafic au départ ou à l’arrivée de Tahiti auquel s’ajoutent les trafics internationaux de survol traversant notre espace aérien. Par exemple, un avion quantas ayant décollé d'Australie à destination des USA sera sous la responsabilité du centre de contrôle régional de Tahiti pendant plus de 3 heures.

Comment retransmettez-vous les informations météo ?

La station météo se situe en bas de la tour de contrôle. Les informations disponibles sont la visibilité, le vent, la température, la pression atmosphérique, la mesure de la hauteur des nuages. Elles sont retransmises aux usagers sous la forme d’un message automatique mis à jour par le chef de tour au moins toutes les heures, ou en temps réel sur la fréquence de contrôle par le contrôleur aérien.

Le port vous appelle également pour faire passer des bateaux ?

Effectivement, nous coordonnons avec le port la traversée des bateaux dont la hauteur sur flottaison dépasse les 6 mètres, ces derniers percent les aires de protection d’obstacles définies sur les axes de décollage et d’atterrissage.

Propos recueillis par Noémie Debot-Ducloyer

L'anglais, langue internationale de l'aéronautique

L'anglais est très important dans ce métier et représente une bonne partie de la formation. C'est la langue internationale de l'aéronautique. Un contrôleur ne parle jamais tahitien à un pilote tahitien. Par contre, il peut parler français avec Air France ou Air Tahiti nui. Autre exemple, la tour de contrôle appelle régulièrement le contrôle américain pour coordonner des survols. Ce sont des conversations très cadrées. La gestion de situation inhabituelle ou d'urgence, oblige la connaissance d’un anglais maîtrisé et adapté.

Les particularités du centre de contrôle de Tahiti

Le centre de contrôle aérien regroupe trois organismes différents : un centre régional pour les îles et les avions grandes distances. Un organisme d'approche qui va s'occuper des avions les plus proches de Tahiti en montée, au départ, et en descente, à l'arrivée. Enfin, un organisme de contrôle de l'aérodrome qui s'occupe de la gestion de la piste au sol. Il est très rare d'avoir les trois organismes groupés comme cela sauf à Cayenne en Guyane.

Comment devenir contrôleur aérien ?

Tous les contrôleurs aériens français doivent passer par l'Ecole nationale de l'aviation civile de Toulouse (ENAC). Pour se présenter au concours, il faut justifier de deux années d'enseignement scientifique supérieur. Pour le concours 2015, 97 % des admis sortaient de classe préparatoire, les autres étant déjà diplômés d’une école d’Ingénieur. Les qualités demandées sont une capacité d'analyse et de réactivité.
Ensuite, les étudiants se forment pendant trois ans en alternance entre l’école et le centre d’affectation. A l'issue de leur cursus, ils obtiennent le diplôme d'ingénieur du contrôle de l'aviation et ont le statut de fonctionnaire. Puis, ils sont formés dans le centre où ils sont affectés. A Tahiti, le temps nécessaire pour qu’un nouveau contrôleur obtienne l’ensemble des qualifications de contrôle du centre est de 12 à 15 mois.

En savoir plus : www.enac.fr/

Rédigé par Noémie Debot-Ducloyer le Lundi 23 Novembre 2015 à 15:21 | Lu 15962 fois