PAPEEETE, le 6 octobre 2015- Quand le prix de l'eau peut varier du simple au double entre deux communes voisines, on peut se demander s'il est toujours justifié. Des éléments de réponse avec le directeur de la plus grosse compagnie privée de l'eau en Polynésie.
Stéphane Martin Dit Neuville, directeur général de la Polynésienne des Eaux, a accepté de nous parler du cœur de son activité : l'eau potable. Et en particulier de ce qui justifie le prix de l'eau. Un exercice de transparence, mais jusqu'à un certain point puisque le dirigeant de la filiale polynésienne de Suez Environnement ne nous révèlera pas ses bénéfices ou les dividendes versés à sa maison-mère… Éludant la question avec ce commentaire : "alors un actionnaire, bien évidemment il veut rémunérer le capital qu'il a mis dans l'entreprise. À Tahiti on ne peut pas séparer nos délégations de service public de nos autres activités, qui représentent 50% du chiffre d'affaires. Mais à Bora Bora où on ne fait que le service de l'eau pour la commune, quand on cumule depuis le départ de cette société depuis 1991, son résultat net est de 2,5%. Ce n'est pas beaucoup, ce n'est pas un contrat rentable pour nos actionnaires, mais notre métier c'est l'eau, donc il n'est pas question de les abandonner. Et Bora Bora, c'est aussi l'image de la société…."
Stéphane Martin Dit Neuville, directeur général de la Polynésienne des Eaux, a accepté de nous parler du cœur de son activité : l'eau potable. Et en particulier de ce qui justifie le prix de l'eau. Un exercice de transparence, mais jusqu'à un certain point puisque le dirigeant de la filiale polynésienne de Suez Environnement ne nous révèlera pas ses bénéfices ou les dividendes versés à sa maison-mère… Éludant la question avec ce commentaire : "alors un actionnaire, bien évidemment il veut rémunérer le capital qu'il a mis dans l'entreprise. À Tahiti on ne peut pas séparer nos délégations de service public de nos autres activités, qui représentent 50% du chiffre d'affaires. Mais à Bora Bora où on ne fait que le service de l'eau pour la commune, quand on cumule depuis le départ de cette société depuis 1991, son résultat net est de 2,5%. Ce n'est pas beaucoup, ce n'est pas un contrat rentable pour nos actionnaires, mais notre métier c'est l'eau, donc il n'est pas question de les abandonner. Et Bora Bora, c'est aussi l'image de la société…."
Pouvez-vous nous présenter votre entreprise ?
"La Polynésienne des Eaux est une société qui a été créée par la Lyonnaise des Eaux en 1992 a l'occasion de l'attribution de la délégation de service public sous concession de la commune de Papeete, elle s'appelait alors la SPEA. Une seule commune au départ, mais la société a grossi depuis 23 ans parce qu'il y avait des besoins, et aujourd'hui nous sommes 170 salariés qui se répartissent sur Tahiti (Papeete et Pirae), Moorea et Bora Bora. Mais nous avons également quelques délégations de service public dans l'assainissement ou la dépollution de l'eau à Punaauia, Papeete, Moorea et Bora Bora. Et notre activité inclus aussi des prestations de service pour les communes, les SEM ou les syndicats. Donc on fait beaucoup de maintenance, de la facturation, de l'exploitation, etc."
Du coup vous gérer l'eau potable à Papeete et Pirae, justement là où l'eau est considérée chère. A quoi est-ce que c'est dû ?
Certains affirment que c'est Suez qui fait d'énormes marges sur le dos des Polynésiens…
"Alors ça c'est polémique, mais ce n'est pas vrai. Déjà parce qu'il y a des communes où le prix est plus élevé. Le prix de l'eau n'est pas fonction du type de délégation ou du type de service public (généralement une régie municipale). Le prix évolue en fonction des contextes locaux : la facilité d'obtenir de l'eau facilement traitable, les investissements qui ont été nécessaires pour pouvoir atteindre l'eau potable dans ces communes, et c'est aussi bien sûr tout le service de maintenance et d'exploitation du réseau de distribution.
La différence par exemple entre Papeete et d'autres communes, c'est que quand la délégation de service public de Papeete a été contractualisée, l'entreprise SPEA à l'époque a investi fortement, au total plus de 2,1 milliards de francs pour mettre aux normes le réseau et le service de Papeete. Ces investissements, on doit les amortir, et aujourd'hui on les rembourse encore, et ils représentent 30% du prix de l'eau. C'est le même problème à Bora Bora où depuis les années 91 on a cette délégation de service public, et où les investissements ont été très importants puisqu'il a fallu créer le réseau, les moyens de production, les systèmes de maintenance, de chloration… Pour un investissement de pratiquement 2 milliards qui ne sont pas encore remboursés aujourd'hui et représentent 38% du prix de l'eau."
"La Polynésienne des Eaux est une société qui a été créée par la Lyonnaise des Eaux en 1992 a l'occasion de l'attribution de la délégation de service public sous concession de la commune de Papeete, elle s'appelait alors la SPEA. Une seule commune au départ, mais la société a grossi depuis 23 ans parce qu'il y avait des besoins, et aujourd'hui nous sommes 170 salariés qui se répartissent sur Tahiti (Papeete et Pirae), Moorea et Bora Bora. Mais nous avons également quelques délégations de service public dans l'assainissement ou la dépollution de l'eau à Punaauia, Papeete, Moorea et Bora Bora. Et notre activité inclus aussi des prestations de service pour les communes, les SEM ou les syndicats. Donc on fait beaucoup de maintenance, de la facturation, de l'exploitation, etc."
Du coup vous gérer l'eau potable à Papeete et Pirae, justement là où l'eau est considérée chère. A quoi est-ce que c'est dû ?
Certains affirment que c'est Suez qui fait d'énormes marges sur le dos des Polynésiens…
"Alors ça c'est polémique, mais ce n'est pas vrai. Déjà parce qu'il y a des communes où le prix est plus élevé. Le prix de l'eau n'est pas fonction du type de délégation ou du type de service public (généralement une régie municipale). Le prix évolue en fonction des contextes locaux : la facilité d'obtenir de l'eau facilement traitable, les investissements qui ont été nécessaires pour pouvoir atteindre l'eau potable dans ces communes, et c'est aussi bien sûr tout le service de maintenance et d'exploitation du réseau de distribution.
La différence par exemple entre Papeete et d'autres communes, c'est que quand la délégation de service public de Papeete a été contractualisée, l'entreprise SPEA à l'époque a investi fortement, au total plus de 2,1 milliards de francs pour mettre aux normes le réseau et le service de Papeete. Ces investissements, on doit les amortir, et aujourd'hui on les rembourse encore, et ils représentent 30% du prix de l'eau. C'est le même problème à Bora Bora où depuis les années 91 on a cette délégation de service public, et où les investissements ont été très importants puisqu'il a fallu créer le réseau, les moyens de production, les systèmes de maintenance, de chloration… Pour un investissement de pratiquement 2 milliards qui ne sont pas encore remboursés aujourd'hui et représentent 38% du prix de l'eau."
Quels autres éléments entrent dans le prix de l'eau ?
"Alors je veux préciser les choses, l'eau est gratuite. Tout Polynésien peut avoir de l'eau gratuitement, soit aux sources, soit dans les rivières. Le coût de l'eau en fin de compte c'est le coût du service de la distribution, du point de captage jusqu'au robinet. Le captage consomme beaucoup d'électricité pour les pompes, à Bora Bora les osmoseurs coûtent cher en électricité. En tout, entre 5 et 20% du prix vient de l'électricité. Ensuite vient le traitement éventuel, parce qu'à l'état naturel l'eau de nos sources et de nos rivières n'est pas toujours potable, donc généralement le traitement c'est de la chloration. Ca revient entre 10 et 20% du prix avec les infrastructures, bien que le chlore en lui-même ne représente que 1% du coût. Bien évidemment, il y a toutes les canalisations qui partent des lieux de production jusqu'aux robinets, donc ce sont des centaines de kilomètres de canalisation à construire et maintenir (10% pour l'entretien). Il y a le service clientèle, la facturation, la communication sur les bonnes pratiques (moins de 10% du coût). Bien souvent il y a des réservoirs, des pompes de relevage… Il y a aussi les services supports (informatique, logiciels, télégestion, stockage des pièces de rechange, études, mesure des flux… 15% du coût). C'est tout cet ensemble qui coûte. Bien évidemment il peut y avoir des casses et il y a en permanence, 24h/24, des gens sur le qui-vive prêts à intervenir et remettre en route les systèmes qui dysfonctionnent et ça on ne le voit pas forcément mais c'est un élément important du coût."
Et comment choisissez-vous de mettre de prix de l'eau à 60Fcfp le mètre cube à Papeete par exemple ?
"Alors nous sommes un exploitant. On estime le coût du traitement de l'eau, du réseau, du contact avec la clientèle, du maintien du service… Ça fait un budget, une enveloppe dont on discute avec la commune. Selon les services que demande la commune, ça peut varier plus ou moins. Si elle demande des investissements ou pas, un service clientèle poussé ou pas… Tout ça se discute. Une fois ce budget décidé, on parle de la tarification, qui permettra d'équilibrer le budget avec les redevances. En Polynésie avec le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), toutes les communes de plus de 10 000 habitants doivent équilibrer leur service de l'eau. La subvention est théoriquement interdite. Et les redevances relèvent de la commune.
Quand on parle de 60 francs sur Papeete, de 35 francs à Faa'a, de 40 francs à Pirae, c'est un choix de la commune. En métropole ils divisent le nombre de mètres cubes par le budget, et ils ont le prix de l'eau. Ici non, il y a une tarification dite 'sociale' où les petites tranches, les petits consommateurs, ont des prix plus bas que les gros consommateurs. Il y a la volonté de ne pas faire trop payer les particuliers. Il y a des tranches 0 à 30 m3 variant de 30 à 80 francs, et sur les plus gros consommateurs à Papeete on monte à 160 francs du m3. Mais c'est un choix politique, que je trouve vertueux parce que ça incite à ne pas gaspiller l'eau."
Malgré tout à Faa'a les habitants payent deux fois moins cher qu'à Papeete…
"Alors dans chaque commune, la tarification est le choix du conseil municipal. Faa'a a choisi de subventionner son service de l'eau, ce que ne fait pas Papeete où le coût facturé aux abonnés est le vrai coût. À Faa'a, ils versent une subvention du budget général de la commune au budget annexe de l'eau."
"Alors je veux préciser les choses, l'eau est gratuite. Tout Polynésien peut avoir de l'eau gratuitement, soit aux sources, soit dans les rivières. Le coût de l'eau en fin de compte c'est le coût du service de la distribution, du point de captage jusqu'au robinet. Le captage consomme beaucoup d'électricité pour les pompes, à Bora Bora les osmoseurs coûtent cher en électricité. En tout, entre 5 et 20% du prix vient de l'électricité. Ensuite vient le traitement éventuel, parce qu'à l'état naturel l'eau de nos sources et de nos rivières n'est pas toujours potable, donc généralement le traitement c'est de la chloration. Ca revient entre 10 et 20% du prix avec les infrastructures, bien que le chlore en lui-même ne représente que 1% du coût. Bien évidemment, il y a toutes les canalisations qui partent des lieux de production jusqu'aux robinets, donc ce sont des centaines de kilomètres de canalisation à construire et maintenir (10% pour l'entretien). Il y a le service clientèle, la facturation, la communication sur les bonnes pratiques (moins de 10% du coût). Bien souvent il y a des réservoirs, des pompes de relevage… Il y a aussi les services supports (informatique, logiciels, télégestion, stockage des pièces de rechange, études, mesure des flux… 15% du coût). C'est tout cet ensemble qui coûte. Bien évidemment il peut y avoir des casses et il y a en permanence, 24h/24, des gens sur le qui-vive prêts à intervenir et remettre en route les systèmes qui dysfonctionnent et ça on ne le voit pas forcément mais c'est un élément important du coût."
Et comment choisissez-vous de mettre de prix de l'eau à 60Fcfp le mètre cube à Papeete par exemple ?
"Alors nous sommes un exploitant. On estime le coût du traitement de l'eau, du réseau, du contact avec la clientèle, du maintien du service… Ça fait un budget, une enveloppe dont on discute avec la commune. Selon les services que demande la commune, ça peut varier plus ou moins. Si elle demande des investissements ou pas, un service clientèle poussé ou pas… Tout ça se discute. Une fois ce budget décidé, on parle de la tarification, qui permettra d'équilibrer le budget avec les redevances. En Polynésie avec le Code Général des Collectivités Territoriales (CGCT), toutes les communes de plus de 10 000 habitants doivent équilibrer leur service de l'eau. La subvention est théoriquement interdite. Et les redevances relèvent de la commune.
Quand on parle de 60 francs sur Papeete, de 35 francs à Faa'a, de 40 francs à Pirae, c'est un choix de la commune. En métropole ils divisent le nombre de mètres cubes par le budget, et ils ont le prix de l'eau. Ici non, il y a une tarification dite 'sociale' où les petites tranches, les petits consommateurs, ont des prix plus bas que les gros consommateurs. Il y a la volonté de ne pas faire trop payer les particuliers. Il y a des tranches 0 à 30 m3 variant de 30 à 80 francs, et sur les plus gros consommateurs à Papeete on monte à 160 francs du m3. Mais c'est un choix politique, que je trouve vertueux parce que ça incite à ne pas gaspiller l'eau."
Malgré tout à Faa'a les habitants payent deux fois moins cher qu'à Papeete…
"Alors dans chaque commune, la tarification est le choix du conseil municipal. Faa'a a choisi de subventionner son service de l'eau, ce que ne fait pas Papeete où le coût facturé aux abonnés est le vrai coût. À Faa'a, ils versent une subvention du budget général de la commune au budget annexe de l'eau."