Marine Le Pen accède au second tour dès sa deuxième campagne présidentielle quinze ans après la qualification surprise de son père Jean-Marie Le Pen qu'elle a mis à la retraite, afin de faire triompher le Front national.
PAPEETE, le 3 mai 2017. La candidate du Front national, arrivée en seconde position en Polynésie française au premier tour (32.54% des voix) a répondu aux questions de Tahiti Infos. Marine Le Pen évoque l'accord passé avec le Tahoera'a Huira'atira. Pour le leader du FN, il faut adapter "les moyens pour que la Polynésie se développe compte tenu d'une géographie qui n'est pas facile".
Au premier tour de l'élection présidentielle, en Polynésie, vous êtes arrivée deuxième, juste derrière François Fillon. C'est une première dans l'histoire de la Ve République. Qu'est-ce qui a changé ?
« C'est une vraie révolution. Je pense que nos compatriotes d'Outre-mer ont pris conscience que la personne que je suis et le projet que je porte sont fondamentalement différents de ce qu'on leur avait raconté. C'est aussi le pragmatisme : ils se rendent compte que lorsque nous dénonçons l'immigration clandestine et massive, nous le faisions parce que ce sont des phénomènes qui nuisent considérablement à la sérénité et à la prospérité de nos territoires. Je suis venue les voir, ils m'ont entendue, ils m'ont écoutée. Ils ont perçu chez moi de l'affection. Ils ne seront plus mis de côté. »
Vous avez passé un accord avec M. Flosse, qui a appelé à vous soutenir en Polynésie. Que contient cet accord ?
« Je l'ai déjà dit et lui de son côté a présenté les accords qui étaient les nôtres : nos accords visent encore une fois à adapter – sans que les pouvoirs régaliens de l'Etat ne soient en aucun cas grignotés – les moyens pour que la Polynésie se développe compte tenu d'une géographie qui n'est pas facile, il faut quand même l'admettre ! »
Vous projetez de mettre en place un ministère d'Etat de la Mer et de l'Outre-mer. Vous pensez à quelqu'un ?
« Oui, c'est mon projet. Et oui, je pense à quelqu'un. Mais je ne vais pas commencer à jouer le jeu où l'on se partage les places avant d'avoir gagné. Ce qui est sûr, c'est que j'accorde une très grande importance à ce ministère de la Mer et de l'Outre-mer. J'estime qu'il s'agit d'un élément de développement considérable de la prospérité de notre pays et de l'Outre-mer qui sera au centre de cette politique. »
Pour échanger avec les pays de la zone Pacifique, il faut passer des accords avec les voisins et négocier. Est-ce prévu ?
« On négociera. Je suis une assez bonne négociatrice. Ce que je veux, encore une fois, c'est que l'Outre-mer soit la porte d'entrée de la France dans les régions du monde où elle est positionnée. On ne peut pas négocier, envisager une prospérité quand on laisse la population dans une précarité telle qu'elle existe aujourd'hui, avec des différences de traitement social qui sont manifestes, qui sont objectivement injustes. Je pense aux mères isolées, qui ne s'en sortent pas. Il faut créer les conditions d'un développement économique.
Arrêterez-vous la défiscalisation ? Vous voulez faire un nouveau projet économique ?
« Cette méthode est déjà arrêtée en grande partie. Ce que je pense, c'est que cela n'est pas suffisant. Aujourd'hui, comme rien n'est fait en termes de développement économique, on a le sentiment que ces subventions et ce flux social sont là pour se faire pardonner de ne rien faire d'autre. Je veux faire autre chose. Ce sont des territoires économiques contraints : on doit prendre en compte leurs spécificités et leurs difficultés, qui sont plus lourdes que les départements de métropole. »
Est-ce qu'il faut davantage d'autonomie pour ces territoires, comme le demandait récemment la Guyane, ou au contraire les inclure davantage dans la République ?
« Je pense surtout que l'Etat régalien doit reprendre pied dans ces territoires. Il y a des situations particulières, comme la Polynésie où il faut adapter plus facilement la situation. Mais je ne pense pas que ce soit le cas pour la Guyane. A chaque fois qu'il y a un problème dans l'Outre-mer, on nous vend une modification institutionnelle. Et en fait, tous les gens qui font ça sont des briseurs de rêve parce que ces modifications n'apportent pas la prospérité. D'abord on apporte la sécurité et la prospérité et après on voit ! Je reprends la Polynésie parce que j'ai cet exemple en tête : il y a la question des visas chinois, ils ont des problèmes parce que ça dure très longtemps ! Il est évident qu'il faut qu'il y ait une antenne de l'Etat qui directement se charge d'accorder les visas qui permettent de commercer avec les Chinois dans des délais qui soient raisonnables. C'est une évidence ! »
Comment éviter que ces revendications sociales fortes fassent tache d'huile dans l'Outre-mer ?
« Bien sûr, il y a du retard partout. Mais je suis réticente à déverser des milliards si on ne règle pas le problème de l'immigration et de l'insécurité. Pourquoi ? Parce que c'est verser de l'eau sur du sable. J'ai été très franche quand je suis allé sur place, à Mayotte notamment. Je leur ai dit : pas une entreprise ne viendra s'installer chez vous avec le niveau d'insécurité qui est le vôtre. Avec les vols, les meurtres, les problèmes fonciers qui sont la conséquence de ces favelas qui s'étendent partout. Donc, on règle d'abord le problème de l'insécurité et après on met les moyens de développement ! »
Au premier tour de l'élection présidentielle, en Polynésie, vous êtes arrivée deuxième, juste derrière François Fillon. C'est une première dans l'histoire de la Ve République. Qu'est-ce qui a changé ?
« C'est une vraie révolution. Je pense que nos compatriotes d'Outre-mer ont pris conscience que la personne que je suis et le projet que je porte sont fondamentalement différents de ce qu'on leur avait raconté. C'est aussi le pragmatisme : ils se rendent compte que lorsque nous dénonçons l'immigration clandestine et massive, nous le faisions parce que ce sont des phénomènes qui nuisent considérablement à la sérénité et à la prospérité de nos territoires. Je suis venue les voir, ils m'ont entendue, ils m'ont écoutée. Ils ont perçu chez moi de l'affection. Ils ne seront plus mis de côté. »
Vous avez passé un accord avec M. Flosse, qui a appelé à vous soutenir en Polynésie. Que contient cet accord ?
« Je l'ai déjà dit et lui de son côté a présenté les accords qui étaient les nôtres : nos accords visent encore une fois à adapter – sans que les pouvoirs régaliens de l'Etat ne soient en aucun cas grignotés – les moyens pour que la Polynésie se développe compte tenu d'une géographie qui n'est pas facile, il faut quand même l'admettre ! »
Vous projetez de mettre en place un ministère d'Etat de la Mer et de l'Outre-mer. Vous pensez à quelqu'un ?
« Oui, c'est mon projet. Et oui, je pense à quelqu'un. Mais je ne vais pas commencer à jouer le jeu où l'on se partage les places avant d'avoir gagné. Ce qui est sûr, c'est que j'accorde une très grande importance à ce ministère de la Mer et de l'Outre-mer. J'estime qu'il s'agit d'un élément de développement considérable de la prospérité de notre pays et de l'Outre-mer qui sera au centre de cette politique. »
Pour échanger avec les pays de la zone Pacifique, il faut passer des accords avec les voisins et négocier. Est-ce prévu ?
« On négociera. Je suis une assez bonne négociatrice. Ce que je veux, encore une fois, c'est que l'Outre-mer soit la porte d'entrée de la France dans les régions du monde où elle est positionnée. On ne peut pas négocier, envisager une prospérité quand on laisse la population dans une précarité telle qu'elle existe aujourd'hui, avec des différences de traitement social qui sont manifestes, qui sont objectivement injustes. Je pense aux mères isolées, qui ne s'en sortent pas. Il faut créer les conditions d'un développement économique.
Arrêterez-vous la défiscalisation ? Vous voulez faire un nouveau projet économique ?
« Cette méthode est déjà arrêtée en grande partie. Ce que je pense, c'est que cela n'est pas suffisant. Aujourd'hui, comme rien n'est fait en termes de développement économique, on a le sentiment que ces subventions et ce flux social sont là pour se faire pardonner de ne rien faire d'autre. Je veux faire autre chose. Ce sont des territoires économiques contraints : on doit prendre en compte leurs spécificités et leurs difficultés, qui sont plus lourdes que les départements de métropole. »
Est-ce qu'il faut davantage d'autonomie pour ces territoires, comme le demandait récemment la Guyane, ou au contraire les inclure davantage dans la République ?
« Je pense surtout que l'Etat régalien doit reprendre pied dans ces territoires. Il y a des situations particulières, comme la Polynésie où il faut adapter plus facilement la situation. Mais je ne pense pas que ce soit le cas pour la Guyane. A chaque fois qu'il y a un problème dans l'Outre-mer, on nous vend une modification institutionnelle. Et en fait, tous les gens qui font ça sont des briseurs de rêve parce que ces modifications n'apportent pas la prospérité. D'abord on apporte la sécurité et la prospérité et après on voit ! Je reprends la Polynésie parce que j'ai cet exemple en tête : il y a la question des visas chinois, ils ont des problèmes parce que ça dure très longtemps ! Il est évident qu'il faut qu'il y ait une antenne de l'Etat qui directement se charge d'accorder les visas qui permettent de commercer avec les Chinois dans des délais qui soient raisonnables. C'est une évidence ! »
Comment éviter que ces revendications sociales fortes fassent tache d'huile dans l'Outre-mer ?
« Bien sûr, il y a du retard partout. Mais je suis réticente à déverser des milliards si on ne règle pas le problème de l'immigration et de l'insécurité. Pourquoi ? Parce que c'est verser de l'eau sur du sable. J'ai été très franche quand je suis allé sur place, à Mayotte notamment. Je leur ai dit : pas une entreprise ne viendra s'installer chez vous avec le niveau d'insécurité qui est le vôtre. Avec les vols, les meurtres, les problèmes fonciers qui sont la conséquence de ces favelas qui s'étendent partout. Donc, on règle d'abord le problème de l'insécurité et après on met les moyens de développement ! »
PORTRAIT : Marine Le Pen, l'ambitieuse héritière de l'extrême droite
Héritière ambitieuse au tempérament orageux, Marine Le Pen accède au second tour dès sa deuxième campagne présidentielle quinze ans après la qualification surprise de son père Jean-Marie Le Pen qu'elle a mis à la retraite, afin de faire triompher le Front national.
Depuis son accession à la tête du parti en janvier 2011, Marine Le Pen, 48 ans, a fait sienne la formation paternelle, sans toucher aux fondamentaux idéologiques du Front national.
Comme la cadette, Yann, en charge des grandes manifestations frontistes, son destin s'est longtemps inscrit dans le giron du "diable de la République". "Quoi qu'il arrive, tu es mon père", lui avait-elle dit après une violente brouille en 2005.
Avocate de formation, née dans la foulée de mai 1968, Marine Le Pen se lance sous couleurs frontistes aux législatives de 1993.
"Enfant de la télé", bretteuse plus qu'oratrice, elle crève l'écran le soir du second tour de la présidentielle 2002 en expliquant la victoire de Jacques Chirac sur "Le Pen" par la transformation de la France en "camp de rééducation psychologique".
A partir de là, cette grande femme blonde et gouailleuse entreprend avec le soutien de son père une ascension continue jusqu'à la présidence du parti, début 2011. Les vieux barons, qui la voyaient en "night-clubbeuse" dénuée de culture politique, sont progressivement écartés.
Deux fois divorcée, mère de trois enfants, aujourd'hui en couple avec l'une des figures du parti, Louis Aliot, Marine Le Pen insiste sur l'économie, parent pauvre du discours frontiste, avec une forte dose de protectionnisme et la sortie de l'euro pour séduire les "perdants" de la mondialisation.
Ces thèmes sont gagnants dans le bassin minier sinistré d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), devenu son fief, comme au niveau national: à toutes les élections intermédiaires et notamment lors de la présidentielle 2012, le parti progresse.
Pour entrevoir un succès électoral d'ampleur, elle essaie de rompre son isolement: en 2017, elle rencontre trois chefs d’État, dont le russe Vladimir Poutine.
- 'Marine' plutôt que 'Le Pen' -
Elle tente aussi d'adoucir son image, en tempérant l'agressivité qui lui est parfois reprochée à coup d'anecdotes personnelles, d'affiches "La France apaisée" ou de photos avec ses chats: pour 2017, c'est "Marine" que le Front national essaie de faire élire, et non la fille de Jean-Marie Le Pen --une filiation dont le rappel l'agace.
Mais "la dédiabolisation", le nom que Marine Le Pen donne à son grand œuvre de normalisation, vise surtout à débarrasser ce parti de son image antisémite et raciste. Après avoir toléré pendant de nombreuses années des propos valant de multiples condamnations à Jean-Marie Le Pen, elle se résout à le faire exclure en août 2015. Depuis, peu ou plus de contact.
Marine Le Pen le prophétisait dans son autobiographie "A Contre Flots" en 2006 : "la politique nécessite un certain nombre de sacrifices. La vie familiale en fait partie".
Elle ne s'épargne pourtant pas les propos radicaux ou polémiques: contre "l'islamisation de la France", elle établit un parallèle entre les prières de rue et l'Occupation allemande ; elle compare l'immigration aux invasions barbares du IVe siècle, et juge que la France "n'est pas responsable de la rafle du Vel d'Hiv" de 1942.
La patronne du FN est restée sur les "trois i", les "fondamentaux" historiques frontistes : dénonciation de l'immigration, des impôts, de l'insécurité. Elle prône la préférence nationale, rebaptisée "priorité nationale", et s'oppose aux aides sociales pour les étrangers.
La députée européenne depuis 2004 brouille aussi les lignes: si elle veut supprimer le mariage homosexuel, elle ne défile pas avec les "anti". Elle se proclame "meilleur bouclier" des Français juifs, cite Jaurès ou De Gaulle, et arbore République et laïcité en étendard.
Dans le Front national, ce "parti gaulois", Marine Le Pen "prend toutes les décisions", assurent les frontistes. A ses côtés dans la lumière, une équipe qui l'adule et notamment son fidèle bras droit, Florian Philippot. Dans l'ombre, des amis sulfureux, comme le "prestataire" Frédéric Chatillon.
AFP
Depuis son accession à la tête du parti en janvier 2011, Marine Le Pen, 48 ans, a fait sienne la formation paternelle, sans toucher aux fondamentaux idéologiques du Front national.
Comme la cadette, Yann, en charge des grandes manifestations frontistes, son destin s'est longtemps inscrit dans le giron du "diable de la République". "Quoi qu'il arrive, tu es mon père", lui avait-elle dit après une violente brouille en 2005.
Avocate de formation, née dans la foulée de mai 1968, Marine Le Pen se lance sous couleurs frontistes aux législatives de 1993.
"Enfant de la télé", bretteuse plus qu'oratrice, elle crève l'écran le soir du second tour de la présidentielle 2002 en expliquant la victoire de Jacques Chirac sur "Le Pen" par la transformation de la France en "camp de rééducation psychologique".
A partir de là, cette grande femme blonde et gouailleuse entreprend avec le soutien de son père une ascension continue jusqu'à la présidence du parti, début 2011. Les vieux barons, qui la voyaient en "night-clubbeuse" dénuée de culture politique, sont progressivement écartés.
Deux fois divorcée, mère de trois enfants, aujourd'hui en couple avec l'une des figures du parti, Louis Aliot, Marine Le Pen insiste sur l'économie, parent pauvre du discours frontiste, avec une forte dose de protectionnisme et la sortie de l'euro pour séduire les "perdants" de la mondialisation.
Ces thèmes sont gagnants dans le bassin minier sinistré d'Hénin-Beaumont (Pas-de-Calais), devenu son fief, comme au niveau national: à toutes les élections intermédiaires et notamment lors de la présidentielle 2012, le parti progresse.
Pour entrevoir un succès électoral d'ampleur, elle essaie de rompre son isolement: en 2017, elle rencontre trois chefs d’État, dont le russe Vladimir Poutine.
- 'Marine' plutôt que 'Le Pen' -
Elle tente aussi d'adoucir son image, en tempérant l'agressivité qui lui est parfois reprochée à coup d'anecdotes personnelles, d'affiches "La France apaisée" ou de photos avec ses chats: pour 2017, c'est "Marine" que le Front national essaie de faire élire, et non la fille de Jean-Marie Le Pen --une filiation dont le rappel l'agace.
Mais "la dédiabolisation", le nom que Marine Le Pen donne à son grand œuvre de normalisation, vise surtout à débarrasser ce parti de son image antisémite et raciste. Après avoir toléré pendant de nombreuses années des propos valant de multiples condamnations à Jean-Marie Le Pen, elle se résout à le faire exclure en août 2015. Depuis, peu ou plus de contact.
Marine Le Pen le prophétisait dans son autobiographie "A Contre Flots" en 2006 : "la politique nécessite un certain nombre de sacrifices. La vie familiale en fait partie".
Elle ne s'épargne pourtant pas les propos radicaux ou polémiques: contre "l'islamisation de la France", elle établit un parallèle entre les prières de rue et l'Occupation allemande ; elle compare l'immigration aux invasions barbares du IVe siècle, et juge que la France "n'est pas responsable de la rafle du Vel d'Hiv" de 1942.
La patronne du FN est restée sur les "trois i", les "fondamentaux" historiques frontistes : dénonciation de l'immigration, des impôts, de l'insécurité. Elle prône la préférence nationale, rebaptisée "priorité nationale", et s'oppose aux aides sociales pour les étrangers.
La députée européenne depuis 2004 brouille aussi les lignes: si elle veut supprimer le mariage homosexuel, elle ne défile pas avec les "anti". Elle se proclame "meilleur bouclier" des Français juifs, cite Jaurès ou De Gaulle, et arbore République et laïcité en étendard.
Dans le Front national, ce "parti gaulois", Marine Le Pen "prend toutes les décisions", assurent les frontistes. A ses côtés dans la lumière, une équipe qui l'adule et notamment son fidèle bras droit, Florian Philippot. Dans l'ombre, des amis sulfureux, comme le "prestataire" Frédéric Chatillon.
AFP