Tahiti Infos

Manu durcit son offensive contre la petite fourmi de feu


PAPEETE, le 29 juin 2017 - Mercredi soir, face aux partenaires et bénévoles Caroline Blainvillain de la Société d’ornithologie de Polynésie Manu a fait la lumière sur la nouvelle action de l’association : une offensive contre la petite fourmi de feu sur la falaise de Te Marua Ata.

Raitini Rey de Matarai est bien connu du monde audiovisuel. Il suit les grands événements du fenua qu’il photographie et filme avec des drones. Il met aujourd’hui ses compétences au service de la Société d’ornithologie de Polynésie (Sop). "Nous sommes fiers de mettre notre savoir-faire au profit d’une noble cause", a expliqué Raitinie Rey mardi soir aux bénévoles et partenaires de la Sop réunis pour un cocktail de remerciement à l’Intercontinental. "La petite fourmi de feu menace le monarque de Tahiti. En plus, elle est responsable de dommages dans le domaine de l’agriculture, des habitants souffrent."

Bientôt, les spécialistes de Matarai iront traiter les falaises de Te Marua Ata infestées par la petite fourmi de feu avec un drone, le plus grand du territoire. Il mesure plus d’un mètre de haut et d’envergure. "Des tests ont déjà été réalisés, nous sommes en train de finaliser le protocole d’action", précise Caroline Blainvillain, chargée des oiseaux terrestres à la Sop.

Matarai et la Sop font face à des difficultés technologiques et géologiques. Des difficultés qu’ils réussissent petit à petit à gérer et contourner. "Nous venons tout juste d’établir la vitesse d’épandage, le débit, la trajectoire des drones. On va bientôt lancer une campagne d’information à l’attention des résidents pour leur expliquer le projet."

Le protocole d’action a été établi en collaboration avec huit experts internationaux. "Le plan opérationnel sur lequel nous travaillons sera notre bible dans le cadre du traitement de la colonie de Te Marua Ata."

La petite fourmi de feu est dans la ligne de mire de la Sop car elle est un danger pour le monarque de Tahiti, un de plus pour cette espèce d’oiseau endémique dont la population reste limitée. Trois colonies de cet insecte destructeur enserrent les vallées dans lesquelles survivent les derniers monarques : pk 18,2, pk 17 et Te Marua Ata. Ou plutôt elles enserraient car la colonie de Pk18,2 semble avoir été vainque. "On ne crie pas victoire, il faut attendre deux ans pour confirmer la disparition définitive", insiste Caroline Blainvillain.

Pour venir à bout de l’insecte, Caroline Blainvillain a suivi une formation l’autorisant à utiliser du fipronil (une substance active de produit phytosanitaire) à petite dose. Injecté dans un gel au beurre de cacahuète, le fipronil est déposé à date fixe pendant une période choisie dans une zone donnée. "On suit des protocoles hawaïens qui ont fait leurs preuves".

Les premières attaques au fipronil ont eu lieu en septembre 2014. Étendue initialement sur six hectares, la colonie du pk 18,2 est sous contrôle. Celle du pk 17 était étendue sur 11,2 hectares dans sa partie nord, elle est étendue sur 11 hectares dans les quartiers sud. Au nord, seules 5 des 53 habitations déjà traitées sont encore contaminées, les zones forestières qui résistent encore sont celles qui restent en contact avec des zones non traitées ou bien elles ont été découvertes entre-temps. Le sud vient tout juste d’être cartographié, l’attaque va commencer.

À Te marua Ata, la zone la plus sensible pour les monarques, la colonie de petite fourmi de feu est en plus régression. Le drone se prépare pour de nouvelles offensives. L’objet volant identifié interviendra en plus sur les zones de falaises du pk 17.

Les monarques, dont la population compte désormais 14 couples reproducteurs, peut compter sur ses sauveurs pour continuer à couler des jours heureux. Des sauveurs toujours plus nombreux. "Au début, en voyant toutes ces difficultés à surmonter, j’ai hésité à m’engager", se rappelle Raitini Rey, "mais la motivation sans faille de la Sop m’a convaincu".

En cours de route, l’équipe de Matarai a pu bénéficier de soutiens supplémentaires. "Je pense à l’aviation civile qui délivre les autorisations de vol en Polynésie. La zone des falaises de Te Marua Ata est normalement interdite au drone car elle est réservée au parapente, nous avons eu une dérogation pour l’opération." Les agents de l’aviation ont plié pour les bonnes causes : l’attaque contre la petite fourmi de feu et la sauvegarde des monarques.

Indirectement, c’est tout un écosystème que l’opération va protéger. "Car", répète Caroline Blainvillain, "le monarque de Tahiti est ce qu’on appelle une espèce parapluie, en la sauvant on sauve des espèces de plantes, des insectes, des escargots…"

Rédigé par Delphine Barrais le Jeudi 29 Juin 2017 à 19:12 | Lu 5145 fois