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Malbouffe : le CESC recommande plus de prévention


Le CESC souhaiterait qu'une réglementation soit mise en place pour les vendeurs de nourriture près des établissements scolaires.
Le CESC souhaiterait qu'une réglementation soit mise en place pour les vendeurs de nourriture près des établissements scolaires.
PAPEETE, le 19 novembre 2015. Les membres du Conseil économique, social et culturel (CESC) ont mis l'accent ce jeudi sur la prévention dans le cadre de la réforme de la politique de la santé. Des conseillers ont dénoncé « la malbouffe ».

"Utiliser l'argent de l'Epap (Etablissement pour la prévention dissout en décembre 2010) pour autre chose, c'est l'acte le plus bête qu'ait pu faire un gouvernement." Jean-François Wiart, médecin représentant des professions libérales désigné par l'Union polynésienne des professions libérales, ne mâche pas ses mots (lire interview ci-dessous). Il dénonce notamment la "malbouffe, une horreur qui coûte une fortune à la Protection sociale généralisée (PSG) et entraîne le diabète, l'hypertension artérielle... ". "Si on ne va pas contre ça, on va à la catastrophe. Il faut que le gouvernement réagisse d'une manière forte", insiste le taote.
Les membres du Conseil économique, social et social ont examiné ce jeudi les orientations stratégiques 2015-2024 de la politique de santé et le schéma d'organisation sanitaire 2015-2020 du Pays. Les deux projets de délibération ont reçu un avis favorable de la quatrième institution du Pays.

Au cours des débats, les conseillers ont principalement insisté sur la prévention. "La prévention, ça marche mais à condition qu'on commence très tôt", insiste Winiki Sage, de la Fédération des associations de protection de l’environnement. "Le sport est important aussi. Il faudrait aussi mettre en place des jardins dans chaque commune pour recevoir les enfants pour leur montrer les différentes plantes. Quand on veut manger bio aujourd'hui ça coûte très cher. Le gouvernement doit promouvoir l'agriculture bio."

"La Maison du diabétique avait fait ses preuves"

Pour encourager une meilleure alimentation, le CESC estime que le conseil des ministres devrait élargir la liste des produits de première nécessité en y insérant "une plus grande variété de produits dont les qualités nutritives sont reconnues". "Il ne doit pas s'agir que de limiter les prix des produits sucrés ou gras appréciés par les Polynésiens, mais aussi de promouvoir et favoriser la consommation de produits sains tels que les fruits et les légumes frais".

Dans son avis, le CESC égratigne la politique du gouvernement en soulignant "l'incohérence entre les discours consistant à promouvoir une alimentation saine de qualité et diversifiée" et "des autorisations d'installation de roulottes ou autres magasins qui vendent toutes sortes de produits gras trop sucrés aux abords des établissements scolaires" et la disparition de la Maison du diabétique qui avait pourtant fait ses preuves".


La prévention en "fort déclin"


Favorable aux orientations pour les prochaines années du gouvernement, le CESC met en garde : "ces grandes orientations fixées ne doivent pas demeurer au stade de 'vœux pieux'. Il faut se donner les moyens de les mettre en œuvre avec efficacité, pragmatisme et innovation. Cette politique de santé, dont la gouvernance doit être optimisée, devra par ailleurs être véritablement mesurée et évaluée". Le CESC plaide donc pour "une politique de prévention unifiée comprenant l'ensemble des politiques qui ont pour objectif principal d'agir sur la santé de la population, incluant le ministère de la Santé mais également tout autre ministère intervenant directement dans ce champ (tel que le ministère de l'Education)". "La prévention est une priorité dont les effets se mesurent sur plusieurs générations", insiste le CESC. "Elle doit donc obligatoirement s'accompagner d'un financement garanti et reconduit annuellement de façon pérenne afin de mener à bien cette politique de prévention".

Ce point apparaît d'ailleurs dans les orientations stratégiques définies par le gouvernement, qui fait même son mea culpa en reconnaissant que « dans le domaine de la prévention, alors que la Polynésie française était un exemple régional dans le développement de ses programmes, ce pan d'activité est en fort déclin. La suppression du fonds de prévention en 2010 et la réduction des budgets alloués ont causé la suspension de certaines activités prévues par les programmes de dépistage des cancers gynécologiques, de lutte contre l'alcool et la toxicomanie, de prévention du diabète et de l'obésité, de vaccination, de surveillance et de contrôle des maladies infectieuses et de gestion des épidémies, de contrôle de l'hygiène et de la salubrité publique. »




Jean-François Wiart, médecin représentant des professions libérales désigné par l'Union polynésienne des professions libérales

"Le pot de mayonnaise, il faut le taxer !"


En tant que professionnel de santé, quels constats en matière de « malbouffe » faites-vous depuis plusieurs années ?
Je constate que la malbouffe s'accentue. Il faut décréter un plan d'urgence et faire quelque chose très rapidement. Personne n'a idée de ce qu'il se passe au niveau du diabète et de la manière dont ça va tuer la santé en Polynésie. On n'aura jamais les moyens… Vous savez combien ça coûte un insuffisant rénal ? Des millions par mois. Le midi, les gens mangent un steak-frites et le soir, c'est souvent café-pain-beurre avec souvent quatre cuillères à sucre dans le café. Certains ne savent pas que les frites ce n'est pas bon pour eux. Il faut leur expliquer.

Comment la prévention pourrait se faire ?
La Maison du diabétique a fermé (en juillet dernier, NDLR). C'est comme si en France, on fermait les services secrets pour lutter contre le djihad. C''est primordial. Il faut rabâcher aux gens tous les jours ce qu'est la malbouffe, qu'il faut manger des légumes. Dans les îles, quand les gens mangent du taro, ils se portent mieux.
La malbouffe va aussi de pair avec les faibles moyens financiers. C'est vrai qu'acheter des légumes ça coûte cher.

Dans le projet de délibération portant approbation des orientations stratégiques 2015-2024 de la politique de santé, on peut lire que « l'équilibre alimentaire doit être une notion totalement intégrée dans les intérêts commerciaux et industriels du secteur agroalimentaire. » Comment peut-on concilier selon vous les intérêts commerciaux et la prévention ?
Le pot de mayonnaise, il faut le taxer ! Le sucre aussi ! Il faut taxer le cola et faire avec cet argent de la prévention. C'était ça l'Epap aussi. Ils ont créé quelque chose qui était superbe et ils ont pris l'argent pour faire autre chose. Si on avait une notion de ce que représente le diabète en Polynésie, les gens seraient effarés.


Rédigé par Mélanie Thomas le Jeudi 19 Novembre 2015 à 15:07 | Lu 1888 fois