Directement touchée par l'effondrement des prix du nickel, poumon économique de l'archipel, la Nouvelle-Calédonie retient son souffle: ses trois usines métallurgiques, aux mains d'opérateurs français et internationaux, sont en sursis.
Sur le Caillou, qui abrite un quart des ressources mondiales de ce minerai, indispensable à la fabrication d'acier inoxydable, l'industrie minière pèse environ 10% du PIB et 4.500 emplois directs et indirects.
Le repli de la croissance chinoise et l'énormité des stocks ont fait dégringoler les cours de 40% en un an, pour s'établir autour de 8.500 dollars la tonne.
Confrontée à des coûts de production élevés, la Société Le Nickel (SLN) est au bord du gouffre. Le premier employeur privé de Calédonie a enregistré 260 millions d'euros de pertes en 2015, après trois précédents exercices déjà dans le rouge.
Le groupe français Eramet a octroyé à sa filiale calédonienne des avances de 150 millions d'euros depuis décembre, garantissant une survie de la société jusqu'en juin.
A l'approche d'un référendum d'autodétermination, qui doit se tenir au plus tard en 2018, l'Etat redoute la conjugaison d'une échéance politique sensible et d'un contexte social dégradé, qui pourrait mettre en péril la paix fragile de l'archipel.
Attendu en avril à Nouméa, le Premier ministre Manuel Valls devrait annoncer un coup de pouce de l'Etat à la SLN. Au travers de BPI France, la puissance publique détient 26% d'Eramet.
"Nous attendons que M. Valls confirme le rôle central de l'Etat dans l'actionnariat d'Eramet, comme nous l'avions demandé en novembre avec Pierre Frogier (sénateur LR), dans une lettre au président de la République", a récemment déclaré le député Philippe Gomes (UDI) aux Nouvelles-Calédoniennes.
- Dans l'attente de mesures d'aide -
Selon des sources locales, l'aide à la SLN pourrait se traduire par une augmentation de capital et un appui à la construction d'une nouvelle centrale thermique, au travers d'une garantie d'emprunt et de défiscalisations.
En octobre, la SLN a suspendu son projet de centrale électrique pourtant indispensable à la diminution de ses coûts et au remplacement de son actuelle unité au fuel vieillissante et très polluante.
Du côté des deux autres usines, en phase de montée en production, le tableau financier semble également alarmant.
Opérateur d'une unité dans le Sud, Vale Nouvelle-Calédonie vient d'annoncer 400 millions de dollars (358 milliards d'euros) de perte d'exploitation pour 2015, et son intention de réduire ses coûts de 25% en 2016, soit une diète de 90 millions d'euros.
La filiale du géant brésilien a revu à la baisse, à 38.000 tonnes, son objectif de production pour 2016. Son directeur général, Darius Khoshnevis, a exclu pour l'instant tout licenciement, mais n'a pas caché que si cette situation "sérieuse" devait durer, "toutes les options seront examinées", y compris la mise en sommeil du projet.
Quant au Suisse Glencore, qui détient 49% de l'usine Koniambo avec la SMSP (51%), société minière des indépendantistes de la province Nord, il a prévenu que son maintien en Nouvelle-Calédonie était lié à la bonne marche du four n°1, reconstruit après un accident industriel.
"Si le four ne fonctionne pas, nous nous en irons", avait prévenu en décembre, le PDG de Glencore, Yvan Glasenberg. Selon des chiffres non officiels, le géant du négoce et des matières premières aurait perdu cette année à Koniambo quelque 268 millions d'euros.
Mardi, le gouvernement local a présenté un plan de soutien, qui concerne principalement les "petits mineurs", exportateurs de minerais bruts.
Un fonds d'aide de 16 millions d'euros va être débloqué, et l'exécutif va les autoriser à vendre des latérites (minerai pauvre) en Chine pour compenser les défaillances du client traditionnel australien, QNI (Queensland Nickel), embourbé dans les difficultés.
Avec AFP