PAPEETE, le 3 octobre 2016 - De Wallis à Cook en passant par Bougainville, les sources contemporaines des premiers contacts entre navigateurs européens et autochtones polynésiens ne manquent pas. Mais qu’en est-il de la vision des Polynésiens face à ces vagues de rencontres successives et ininterrompues avec les occidentaux ? Retour inédit sur près de 350 ans de contacts, d’échanges et d’assimilations entre cultures apparemment opposées, pourtant si proches, réunies sous la plume experte de l’auteure et éminente universitaire néo-zélandaise Anne Salmond.
Si les Tuamotu et les Marquises ont été repérées dès le XVIe siècle, respectivement par le portugais Magellan et l’espagnol Mendaña, il faudra attendre 1767 pour que l’anglais Samuel Wallis découvre l’île de Tahiti et en livre un premier témoignage, rapidement suivi par d’autres, dont Bougainville à qui l’on doit la comparaison avec la Nouvelle-Cythère. Seulement, la perception occidentale, les valeurs et croyances de ces navigateurs, missionnaires ou commerçants, restent limitées à celle de l’exotisme et de la désinhibition des moeurs, oubliant radicalement de replacer leur "intrusion" dans un contexte indépendant du leur : celui de la civilisation dans laquelle ils venaient de pénétrer. Alors que les Polynésiens vivaient en étroite harmonie avec leurs dieux, entretenant un rapport quasi-ésotérique aux éléments et forces de la Nature, dans un équilibre savamment arbitré entre la grâce artistique et la violence guerrière, les premiers contacts avec les européens témoignent d’une réalité bien distincte, retranscrite dans une littérature dense mais incomplète car unilatérale.
L’envers du mythe de la Nouvelle-Cythère
Les Polynésiens sont rapidement décrits et présentés comme de « bons sauvages », charismatiques et accueillants, nobles dans l’attitude bien que pouvant atteindre le paroxysme de la brutalité lors d’affrontements sanglants entre clans. Si la sexualité "sans tabou" des Polynésiens et Polynésiennes (d’où le mythe -erroné- de la vahine langoureuse) fascine les arrivants, leur méconnaissance des protocoles locaux et traditionnels contribue ainsi à véhiculer une image univoque d’une société polynésienne pourtant complexe. Tandis que du point de vue polynésien, l’arrivée des occidentaux est liée à un acte quasi-mystique, pour ne pas dire divin, d’où le grand respect dont ils ont fait preuve à l’égard de ces "divinités" arrivées sur une "grande pirogue sans balancier". Ces deux visions se rencontrent au fil des siècles, apportant chacune à l’autre, s’alimentant, rejetant tout ou partie de l’autre, intégrant ce qu’il en reste, mais menant indéniablement à un melting-pot permanent des cultures. Mieux, l’auteure va plus loin en établissant des similitudes dans l’évolution respective des différentes cultures autochtones et occidentales depuis leur rencontre, définissant un parcours commun aux entrelacs variés jusqu’à nos jours.
Une étude cross-culturelle au-delà du triangle polynésien
Enfin démystifiés, les premiers contacts avec les Européens depuis le XVIIe siècle n’ont jamais été étudiés et analysés comme le propose la présente étude. Le nombre d’intervenants internationaux ayant contribué à la réalisation de cet ouvrage est exceptionnel, tant il aura fallu à Anne Salmond sillonner le Pacifique et au-delà, de Hawaii à Cambridge, en passant par Sydney et Raiatea, afin de s’assurer de l’authenticité de ses sources. L’apport de spécialistes polynésiens a ainsi permis d’achever la relecture définitive du manuscrit, notamment grâce aux expertises apportées par Bruno Saura et le Fare Vana’a - Académie tahitienne. L’ouvrage, unique en son genre, réunit une somme jusqu’alors inégalée d’informations empiriques et de témoignages divers, alimenté d’une large iconographie, dont le sérieux n’a jamais été terni. Ainsi, en l’espace de quelques décennies et pendant plusieurs siècles, la place de Tahiti au coeur des Mers du Sud n’a fait que se renforcer, passant du point de chute hasardeux de quelques navigateurs à la plateforme religieuse, politique, militaire et commerciale qu’elle est devenue depuis.
Si les Tuamotu et les Marquises ont été repérées dès le XVIe siècle, respectivement par le portugais Magellan et l’espagnol Mendaña, il faudra attendre 1767 pour que l’anglais Samuel Wallis découvre l’île de Tahiti et en livre un premier témoignage, rapidement suivi par d’autres, dont Bougainville à qui l’on doit la comparaison avec la Nouvelle-Cythère. Seulement, la perception occidentale, les valeurs et croyances de ces navigateurs, missionnaires ou commerçants, restent limitées à celle de l’exotisme et de la désinhibition des moeurs, oubliant radicalement de replacer leur "intrusion" dans un contexte indépendant du leur : celui de la civilisation dans laquelle ils venaient de pénétrer. Alors que les Polynésiens vivaient en étroite harmonie avec leurs dieux, entretenant un rapport quasi-ésotérique aux éléments et forces de la Nature, dans un équilibre savamment arbitré entre la grâce artistique et la violence guerrière, les premiers contacts avec les européens témoignent d’une réalité bien distincte, retranscrite dans une littérature dense mais incomplète car unilatérale.
L’envers du mythe de la Nouvelle-Cythère
Les Polynésiens sont rapidement décrits et présentés comme de « bons sauvages », charismatiques et accueillants, nobles dans l’attitude bien que pouvant atteindre le paroxysme de la brutalité lors d’affrontements sanglants entre clans. Si la sexualité "sans tabou" des Polynésiens et Polynésiennes (d’où le mythe -erroné- de la vahine langoureuse) fascine les arrivants, leur méconnaissance des protocoles locaux et traditionnels contribue ainsi à véhiculer une image univoque d’une société polynésienne pourtant complexe. Tandis que du point de vue polynésien, l’arrivée des occidentaux est liée à un acte quasi-mystique, pour ne pas dire divin, d’où le grand respect dont ils ont fait preuve à l’égard de ces "divinités" arrivées sur une "grande pirogue sans balancier". Ces deux visions se rencontrent au fil des siècles, apportant chacune à l’autre, s’alimentant, rejetant tout ou partie de l’autre, intégrant ce qu’il en reste, mais menant indéniablement à un melting-pot permanent des cultures. Mieux, l’auteure va plus loin en établissant des similitudes dans l’évolution respective des différentes cultures autochtones et occidentales depuis leur rencontre, définissant un parcours commun aux entrelacs variés jusqu’à nos jours.
Une étude cross-culturelle au-delà du triangle polynésien
Enfin démystifiés, les premiers contacts avec les Européens depuis le XVIIe siècle n’ont jamais été étudiés et analysés comme le propose la présente étude. Le nombre d’intervenants internationaux ayant contribué à la réalisation de cet ouvrage est exceptionnel, tant il aura fallu à Anne Salmond sillonner le Pacifique et au-delà, de Hawaii à Cambridge, en passant par Sydney et Raiatea, afin de s’assurer de l’authenticité de ses sources. L’apport de spécialistes polynésiens a ainsi permis d’achever la relecture définitive du manuscrit, notamment grâce aux expertises apportées par Bruno Saura et le Fare Vana’a - Académie tahitienne. L’ouvrage, unique en son genre, réunit une somme jusqu’alors inégalée d’informations empiriques et de témoignages divers, alimenté d’une large iconographie, dont le sérieux n’a jamais été terni. Ainsi, en l’espace de quelques décennies et pendant plusieurs siècles, la place de Tahiti au coeur des Mers du Sud n’a fait que se renforcer, passant du point de chute hasardeux de quelques navigateurs à la plateforme religieuse, politique, militaire et commerciale qu’elle est devenue depuis.
"Dame" Anne Salmond : plume érudite du Pacifique
Personnalité de l’année 2013 en Nouvelle-Zélande, Anne Salmond cumule les distinctions et les prix littéraires internationaux, gages de la rigueur dont elle fait preuve à chaque nouvel ouvrage. "Distinguised Professor" en études māories et en anthropoogie à l’université d’Auckland, sa carrière d’anthropologue lui a ainsi valu d’être anoblie et de recevoir, en 1995, le titre de « Dame Commander of the British Empire for Services to New Zealand History », symbole de la place majeure qu’occupe son oeuvre dans la valorisation de l’Histoire des cultures à l’échelle du triangle polynésien.
Personnalité de l’année 2013 en Nouvelle-Zélande, Anne Salmond cumule les distinctions et les prix littéraires internationaux, gages de la rigueur dont elle fait preuve à chaque nouvel ouvrage. "Distinguised Professor" en études māories et en anthropoogie à l’université d’Auckland, sa carrière d’anthropologue lui a ainsi valu d’être anoblie et de recevoir, en 1995, le titre de « Dame Commander of the British Empire for Services to New Zealand History », symbole de la place majeure qu’occupe son oeuvre dans la valorisation de l’Histoire des cultures à l’échelle du triangle polynésien.