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L'hydravion pourrait bientôt prendre son envol en Polynésie


Pascal Gabriel et Arthur Cottrel.
Pascal Gabriel et Arthur Cottrel.
PAPEETE, le 25 septembre 2017 - La société à actions simplifiées Tahiti Seaplanes a pour objectif de développer ce moyen de transport sur le territoire. Les porteurs du projet n'attendent plus que le feu vert de l’administration pour se lancer.

Le transport interinsulaire est-il à l'aube d'une révolution? Depuis deux ans, deux Polynésiens d'adoption ont le projet de remettre l’hydravion au goût du jour. L'un est pilote de ligne, l'autre ingénieur en aéronautique. Arthur Cottrel et Pascal Gabriel souhaitent lancer dès que possible leur entreprise : la SAS Tahiti Seaplanes. "Quand j'étais plus jeune, je suis venu plusieurs fois en Polynésie. De mon point de vue de touriste, de pilote de ligne et surtout d'amoureux du pays, je me suis dit que l'on pouvait faire plein de choses sympas du point de vue aéronautique, tout en rendant service au Pays", explique Arthur Cottrel, 38 ans.

Au cours de ses voyages, le Polynésien d'adoption est frappé par le manque d'accessibilité entre certains districts et Papeete. Très vite, l'idée fait son chemin. Pour lui, le seul moyen d'allier un tourisme durable à un transport doux et facilement accessible reste l'hydravion. "Ce type d'appareil est un moyen excellent pour montrer l'île de Tahiti sous un angle différent et en même temps, assurer le transfert d'un point à un autre pour les habitants", continue le porteur du projet, enthousiaste. Les hôteliers contactés semblent avoir approuvé cette idée. "Ils sont très demandeurs. Pour eux, c'est un moyen de développer leur activité", ajoute Pascal Gabriel.

Dans un premier temps, les associés souhaitent mettre en place les liaisons entre Tahiti et Moorea et Papeete et la presqu'île. Tahiti Seaplanes proposera des vols scéniques et des vols sur la journée pour les touristes mais aussi des trajets pour les locaux. "Nous proposerons d'abord une prestation touristique, mais nous souhaitons aussi aider à l'aménagement du territoire et apporter un plus à la population", affirme Arthur Cottrel.

" NOUS SOMMES UNE SOLUTION SUPPLÉMENTAIRE "

Le modèle que Tahiti Seaplanes compte exploiter ressemble à celui-ci.
Le modèle que Tahiti Seaplanes compte exploiter ressemble à celui-ci.
Les associés assurent que le type d'appareil qu'ils comptent exploiter ne nécessite pas de gros aménagements. L'hydravion pourra décoller de Faa'a où seul un ponton flottant doit être installé. "Le principe de fonctionnement de l'hydravion, est que d'une part les hydrosurfaces ne sont ni réservées, ni balisées, et que d'autre part nous cédons toujours la priorité aux autres utilisateurs du lagon. La seule matérialisation de l'hydrosurface est sa mention sur la carte marine. Donc, si un vaa'a, ou un pêcheur, occupe l'hydrosurface alors que nous approchons, nous patientons, voire nous déroutons vers l'aéroport. Les pêcheurs n'ont absolument rien à modifier à leurs habitudes. Par ailleurs, il ne faut pas oublier que nous ne serons tout simplement pas capables de produire plus de quelques vols chaque jour, donc on n'utilisera pas les hydrosurfaces plus de trois minutes par jour. Personne n'a à s'inquiéter de voir un ballet aérien sur les lagons ", tient à rassurer le créateur de la SAS Tahiti Seaplanes, Arthur Cottrel.

Si, en premier lieu, le projet se destine aux touristes, les porteurs veulent dépasser cette dimension. Ils souhaitent apporter une plus-value à la Polynésie. L’hydravion pourrait aussi devenir un moyen de transport entre les différentes îles et ainsi, devenir une alternative, toute proportion gardée, aux vols actuels. "Nous offrons la possibilité, contre strictement aucun argent public, de doter la Polynésie d’un outil de rupture, tant pour le tourisme que pour l’organisation des transports. Nous offrons le désenclavement, l’intermodalité, et des lignes transversales. Nous permettons de remplir des objectifs de gouvernement en matière de tourisme, de transports, et de coûts. Nous ne remplaçons personne, nous sommes une solution supplémentaire; au contraire, nous voulons être des apporteurs d'activité pour les prestataires actuels", continue le pilote de ligne.

Dans un futur proche, les associés souhaitent développer leur activité sur les Tuamotu. Des liaisons entre les différents atolls et Tahiti se feraient de manière régulière. Les créateurs de Tahiti Seaplanes affirment vouloir donner une dimension sociale et sociétale à leur entreprise.

S'ils le peuvent, ils souhaiteraient se porter candidat à l'appel d'offres pour assurer les évacuations sanitaires dans les îles. Photos à l'appui, Arthur Cottrel estime que l'hydravion serait un moyen sûr et peu coûteux d'assurer le service. "Les Polynésiens sont malheureusement habitués aux projets trop beaux pour être vrais. Nous commençons petit et prudemment. Mais il ne faut pas se leurrer sur le bénéfice colossal que peut retirer les polynésiens, en permettant dans quelques années à beaucoup de ne plus avoir à choisir entre leur travail et la terre de leur famille. Très rapidement, nous serons en mesure de desservir l'intérieur des Tuamotu avec des fréquences rapprochées. Aujourd'hui, lorsque vous avez un décès dans la famille à la ville, vous n'êtes pas certain de pouvoir rejoindre Tahiti avant la cérémonie. Aujourd'hui, il n'y a aucun espoir de développer une activité touristique dans un atoll où l'ATR passe une fois par semaine. Aujourd'hui, vous voulez rentrer chez vous à Rapa mais vous êtes bloqués à Tahiti. Aujourd'hui, pour une rage de dent à Maiao, la CPS doit payer le Dauphin avec l'argent public. Demain, ça, c'est fini."

La SAS se veut aussi créatrice d'emploi. Un premier avion est prévu pour lancer l'exploitation. Cinq personnes devront en assurer le pilotage et la maintenance. Tahiti Seaplanes devrait mettre en place des formations sur le territoire pour avoir un vivier de professionnels sur le territoire.

Le projet a été présenté à plusieurs ministères. Pour l'heure, seules les autorisations administratives restent à obtenir. Arthur Cottrel et Pascal Gabriel l'assurent: ils sont fin prêts. De concert, ils préviennent : "La particularité de notre projet est que nous ne demandons aucune subvention, seulement un « oui ». Avec ça, pour chaque hydravion, nous créons cinq emplois et 150 millions de retombées annuelles, dont 25 fiscales directes. Mais nous avons besoin qu’on nous laisse travailler. La balle est dans le camp des pouvoirs publics et des élus concernés. Si le Pays veut l'hydravion, alors il faut qu'il fasse en sorte qu'on puisse travailler et offrir ce service à la Polynésie. »

Quelques chiffres

- 30 000 : en francs pacifique, le prix de 30 minutes de vol, par personne, pour un vol scénique autour de Tahiti.
- 19 000 : en francs pacifique, le prix d'un trajet entre Tahiti et Moorea pour cinq personne.
- 150 : en millions de francs pacifique, les retombées totales de l'exploitation estimées par les porteurs de projet.
- 15 : en minutes, le temps de transport en hydravion pour relier Tahiti à Moorea.

Quel impact sur l’environnement ?

Sans surprise, les associés de Tahiti Seaplanes assurent que l’hydravion qu’ils souhaitent lancer sur le territoire n’aura aucun impact sur l’environnement. Ils avancent plusieurs arguments pour étayer leur affirmation : "L'hydravion est un outil "durable": non seulement il ne pollue absolument pas les lagons (au contraire de tous les bateaux), mais en plus il évite de construire des aéroports et de raser des cocoteraies, détruire des récifs, couler du béton dans le lagon, et même exproprier les habitants..."

" Je soutiens ce genre d'initiatives"

Parole à Luc Faatau, ministre des Transports interinsulaires

" Ce sont des professionnels de l'aéronautique, un pilote et un mécanicien. Ce sont des gens qui ont de l'expérience et qui connaissent bien leur secteur. Les porteurs de ce projet aimeraient voir leur projet se concrétiser rapidement. Il y a des obstacles techniques qui se posent pour l'instant, notamment au niveau de la surface qui leur est nécessaire pour se poser, c'est ce qu'on appelle, l'hydro surface. C'est un problème au niveau des services du Pays qui gèrent le domaine lagonaire. Il y a la DPAM qui est concernée, l'aviation civile et le port autonome, parce que c'est un espace qui est affecté au port autonome. Un autre problème se pose, selon les techniciens, c'est la proximité avec l'aéroport de Tahiti. Il y a des normes de sécurité à respecter. On craint que la proximité de leur base, enfin de celle qui projette de mettre en place, mette en difficultés la desserte aérienne normale. Vous avez la piste et parallèlement, ils veulent créer la zone d'amerrissage. Ils veulent le faire à Faa'a, comme ça, ils peuvent laisser leur flotte pas trop loin. Ça pose un problème parce qu'il faut que les passagers traversent une zone règlementée. Il y a tous ces problèmes d'ordre technique qui se posent, et sur lesquels nous devons encore réfléchir. Nous devons nous revoir, je soutiens les projets de ce genre. Ça amène une offre supplémentaire au marché touristique, ça créé des emplois et une activité nouvelle. Je soutiens ce genre d'initiatives. Maintenant, nous avons quand même des obligations techniques et légales à respecter, et nous devons faire en sorte que tout cela fonctionne ensemble."


A Rapa, cap sur l'hydravion?

Dans notre édition précédente sur la situation des habitants de Rapa bloqués sur Tahiti. Le maire Narii Tuaneinei a fait part de son ras-le-bol concernant les problèmes de transport que ses administrés rencontrent.

Il a notamment évoqué la possibilité de développer, s'il le faut, des hydravions sur leur île. Une idée qui pourrait les aider à améliorer leurs conditions de vie. "Tout est faisable quand il y a de la bonne volonté. Mais je pense qu'il y a des conditions techniques à respecter. Il faut quand même que l'amerrissage se fasse sur un endroit qui n'est pas trop agité", souligne Luc Faatau. Mais, "Rapa n'a pas de lagon. Donc, trouver une mer calme en haute mer, c'est délicat. Après, c'est à voir. Je ne connais pas personnellement Rapa. Mais sur les photos que j'ai pu voir, il y sûrement des possibilités. Encore faut-il que des opérateurs acceptent de le faire. Et pour que cela puisse intéresser des opérateurs privés, il faut une certaine rentabilité. Si c'est pour transporter dix passagers par mois, ça pourrait poser problème."

Un projet qui mérite d'être mûrement réfléchi, surtout que "ce genre de desserte peut favoriser l'île sur le plan touristique. Maintenant, la balle est dans le camp des habitants de la communauté de Rapa, qui sont, pour l'instant à ma connaissance, assez fermés à l'arrivée des personnes non originaires de l'île. Il faut qu'ils règlent d'abord ce problème. Et s'ils affirment haut et fort qu'ils sont ouverts à faire venir des gens dans leur île, il n'y a pas de problèmes", prévient Luc Faatau.

Autre proposition du maire de Rapa, se servir des bateaux de pêche qui viendront au Sud de l'archipel des Australes. Selon Narii Tuaneinei, ces bateaux de pêche pourraient transporter 2 passagers chacun, "et ils seront 15", nous avait-il confié.

Pour le ministre, "ces bateaux ne sont pas faits pour le transport de passagers. Maintenant, c'est au capitaine du bateau à prendre ses responsabilités. Si ça peut résoudre les problèmes de Rapa, pourquoi pas ? Il faut y réfléchir. À partir du moment où on se penchera dessus, un texte légal sera rédigé."

Luc Faatau invite d'ailleurs les habitants de Rapa qui sont bloqués sur Tahiti, ainsi que leur maire à venir à sa rencontre. "Pour voir comment pourrait-on échelonner le départ et quel est leur délai ? Affréter un bateau juste pour ça, c'est quand même délicat, surtout qu'il y a d'autres demandes pour le bateau (Tahiti Nui 1 NDLR). Et normalement c'est à l'opérateur privé de proposer des solutions, et je vais m'entretenir aussi avec lui pour que ces personnes ne soient pas bloquées ici. Ça fait partie de son cahier des charges et de ses missions."

Rédigé par Amelie David le Lundi 25 Septembre 2017 à 04:00 | Lu 5362 fois