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Julien Cottereau, mime-clown-bruiteur : “On est dans l'imaginaire total”


Crédit photo : Thibault Segalard.
Crédit photo : Thibault Segalard.
 Tahiti, le 22 août 2024 – La Compagnie du Caméléon a dévoilé ce jeudi à la presse son programme pour les trois prochains spectacles, dont Imagine-toi de Julien Cottereau. Molière 2007 de la révélation théâtrale masculine, le mime-clown-bruiteur revient pour la deuxième fois au Fenua, du 24 août au 1er septembre, pour jouer son spectacle, aussi drôle que bouleversant. Interview.
 
Vous revenez sur les planches du Fenua avec le spectacle Imagine-toi, que vous aviez d'ailleurs déjà joué ici en 2007. Cette pièce, vous l'avez jouée plus de 1 500 fois au total et partout dans le monde. Est-ce que vous l'avez fait évoluer au fil des années ?
“C'est une histoire qui a été écrite d'un bloc, avec une structure narrative qui ne bouge pas. Mais j'adapte toujours certaines petites choses suivant les cultures, et c'est surtout grâce à la rencontre de ces cultures que le spectacle gagne encore, c'est grâce à ce que les gens me donnent. Ce que je fais, c'est jouer avec les gens pour inspirer l'imaginaire et l'enfance. Dès que j'entends les gens, je les regarde et je commence à composer avec eux, c'est quelque chose de dangereux, de risqué, mais excitant. Et c'est un spectacle sans parole, je peux jouer partout et je ne me suis pas privé de jouer en Asie, en Afrique, en Amérique latine... La Polynésie est un endroit particulièrement spirituel d'ailleurs. Déjà en 2007, au Petit théâtre, c'était exceptionnel, alors là, ça va être un nouveau challenge de passer au Grand théâtre. J'espère que ça va toucher le public.
 
En fait, je viens du Cirque du Soleil, mais j'ai aussi fait une école nationale de théâtre à Paris. Ce qui signifie que ce spectacle, ce ne sont pas des sketches emboîtés les uns dans les autres. C'est une histoire entière que j'ai voulu construire, c'est là toute la singularité de ce spectacle. J'ai marié plein de choses : les techniques de cirque, de rue, le mime, le bruitage, le clown, le théâtre...”
 
Y a-t-il un mot qui pourrait définir l'artiste que vous êtes ?
“Il est compliqué de me définir. Mais quand on parle de moi, on évoque la poésie dans le spectacle. Après, encore faut-il pouvoir définir ce terme. Pour moi, c'est quelque chose de délicat, qui inspire les choses de l'âme, les choses politiques. Mais ça peut être aussi l'amour, le cancre, et puis la folie.”
 
Vous avez joué cette pièce plus de 1 500 fois, réussissez-vous à garder la même passion ?
“Toujours oui, car j'ai grandi avec cet art. Je ne l'ai pas voulu au départ, il m'est tombé dessus. Je n'ai pas voulu être clown-mime-bruiteur, mais c'est en remplaçant justement un clown-mime-bruiteur avec le Cirque du Soleil au Japon en 1994 que je le suis devenu. Je ne voulais pas le faire toute ma vie, mais les gens étaient tellement contents de ce que je faisais qu'ils m'ont poussé gentiment à continuer. Avec toutes ces représentations, je peux voir les choses avec distance maintenant. Et je me sers de ça. J'ai gagné en maturité, en émotion et en compréhension de la vie. Ça m'a permis de continuer à développer plus en profondeur mon personnage, même s'il reste dans le léger, dans le cancre.
 
En fait, c'est un spectacle culte, j'ai voulu l'écrire comme ça, j'ai voulu écrire un spectacle qui pourrait me servir de passeport toute ma vie. Car les clowns peuvent écrire des spectacles pour la vie.”
 
Ce spectacle s'adresse-t-il à tout le monde ?
“Oui, car il y a un métissage entre l'enfant et les grands-parents. Ce spectacle, c'est comme une devinette, car même si j'essaie d'être très clair sur ce que je veux montrer, les enfants vont voir des choses, les parents vont voir autrement, et idem pour les grands-parents. On est dans l'imaginaire total, je n'ai rien avec moi sur scène. Donc, ça vaut le coup de redéfinir la réalité et de se métamorphoser en autre chose, grâce à un personnage extrêmement bienveillant.
 
Et puis, ça embrasse toutes les cultures, pas besoin d'être bac+5 pour être en liaison avec ce que je fais. C'est pour tout âge... Africain, chinois, polynésien, il y a un ADN qui est l'humain. Car même si la première mission du clown est de faire rire, ma première mission à moi est de faire rire en amenant de l'émotion.”
 
Vous disiez que ce spectacle n'était pas un enchevêtrement de sketches mais bien une histoire à part entière. Comment écrit-on justement un spectacle de clown-mime-bruiteur comme celui-ci ?
“Déjà, en passant énormément de temps au Cirque du Soleil en jouant avec la même technique. Puis, on se dit qu'on aimerait plus de linéarité, avec de la narration. Un spectacle qui ne s'emboîte pas avec des sketches.”
 
Est-ce que votre spectacle a surpris des gens, qui ne s'attendaient pas à voir une performance comme la vôtre ?
“Oui, souvent. D'ailleurs, lors de mon dernier passage à Tahiti, en 2007 donc, il y a eu une classe scolaire qui était venue me voir. Et à un moment donné, dans mon spectacle, je danse en discothèque. Et à ce moment-là, tous les jeunes se sont mis à danser debout sur les sièges. Je me disais ‘non ce n'est pas possible, ils vont tous casser’. On aurait dit la scène de Matrix 3 juste avant la guerre. Et après, quand mon personnage est revenu au calme, tout le monde s'est rassis... C'est un moment que je n'oublierai jamais, c'est vraiment un excellent souvenir, un moment de liesse.”
 
Vous évoquiez le fait que ce spectacle était ouvert à tout le monde et toutes les cultures, est-ce que vous avez déjà eu des retours différents suivant les endroits du monde où vous l'avez joué ?
“Très souvent, oui, ça dépend des endroits. Mais c'est souvent dans les sociétés plus traditionnalistes et là où les gens ont moins de culture du spectacle. Car dans beaucoup d'endroits, on peut me comparer à d'autres artistes et dire qu'on préfère untel ou untel. Mais les gens qui n'ont jamais vu d'autres artistes similaires, ils le prennent en plein cœur tout de suite. En Moldavie, par exemple, les gens, quand ils sortent le samedi, veulent être vus au théâtre, et ils arrivent bien habillés, coiffés, parfumés... C'est différent. Et ça module aussi mon rapport au jeu et à la narration. J'adore vraiment jouer dans les endroits où les gens n'ont pas vu de spectacle, car ils comprennent tout de suite. OK, là ce n'est pas par les mots, c'est par le corps, d'abord.”

Rédigé par Thibault Segalard le Jeudi 22 Août 2024 à 16:15 | Lu 1139 fois