Vue aérienne datée du 6 juin 2000 de l'atoll de Fangataufa. (Photo : AFP)
PAPEETE, le 22 juin 2015. Deux biologistes ont effectué des prélèvements avant et après les essais atmosphériques à Fangataufa. Leur étude montre que, si la diversité des espèces présentes n'a pas été touchée par les explosions nucléaires, leur composition est pourtant bien différente, à l'exception de la zone supralittorale, un « espace extrême ».
En 1965, le scientifique Bernard Salvat, aujourd'hui professeur émérite de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) et fondateur du Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe) à Moorea, fait des prélèvements à Fangataufa. « On nous a demandé d'aller sur les sites de Moruroa et Fangataufa pour faire des études sur la faune et la flore avant et après les tirs », se souvient-il.
Quatre essais nucléaires atmosphériques ont eu lieu sur cet atoll entre 1966 et 1970. Deux de ces quatre explosions ont eu des effets importants : le tir Canopus de la première bombe H française, en 1968, équivalait à l'explosion de 2,6 millions de tonnes de trinitrotoluène (TNT) (soit environ 200 fois la puissance de la bombe de Hiroshima). Il a ainsi été l'essai nucléaire français le plus puissant jamais enregistré et le tir Dragon, en 1970, a frôlé la barre du million de tonnes de TNT.
Des prélèvements ont été faits régulièrement entre 1967 et 1997 sur les populations de mollusques. Pierre Legendre (université de Montréal) et Bernard Salvat ont publié leurs résultats en juin dernier dans la revue de l'Académie des sciences britanniques Proceedings of the Royal Society B.
« Au fur et à mesure que le temps passait, on a regardé comment se reconstituait la faune », explique Bernard Salvat. « Au moment des expérimentations aériennes, après les forts tirs, certaines espèces ont vu leur population plus ou moins détruite. C'est le cas notamment des mollusques qui vivent dans la zone des embruns, sur la zone supralittorale ».
Les chercheurs ont donc observé comment la vie évoluait au cours des années qui ont suivi les expérimentations nucléaires.
Après huit campagnes scientifiques, « ce qui est intéressant à voir c'est que tout est redevenu normal avec quelques changements qui ne sont plus dus aux expérimentations nucléaires mais à une variabilité naturelle du peuplement », décrit Bernard Salvat. « Les coquillages qui vivent dans la zone supralittorale ont été sévèrement éliminés par les explosions nucléaires. Comme ce sont des milieux extrêmes, il n'y a guère que ces espèces qui peuvent revenir les coloniser. Elles l'ont fait au fur et à mesure des années. Des larves sont arrivées et d'autres individus ont reconstitué à peu près la population initiale. Mais sur d'autres milieux comme le platier récifal ou la crête algale, là où déferlent les vagues de l'océan sur le récif, il peut y avoir des changements de population. Ainsi une espèce en remplace une autre temporairement mais elle a la même fonction dans l'écosystème. »
Pour les deux chercheurs, « la nature a repris ses droits avec la variabilité naturelle », souligne Bernard Salvat. Mais le scientifique demeure attentif à Fangataufa, en particulier, à l'impact de la création d'une passe dans cet atoll qui était fermé jusqu'en 1965. Cette ouverture pourrait commencer à avoir des conséquences non négligeables (lire encadré ci-contre).
En 1965, le scientifique Bernard Salvat, aujourd'hui professeur émérite de l’Ecole Pratique des Hautes Etudes (EPHE) et fondateur du Centre de recherches insulaires et observatoire de l’environnement (Criobe) à Moorea, fait des prélèvements à Fangataufa. « On nous a demandé d'aller sur les sites de Moruroa et Fangataufa pour faire des études sur la faune et la flore avant et après les tirs », se souvient-il.
Quatre essais nucléaires atmosphériques ont eu lieu sur cet atoll entre 1966 et 1970. Deux de ces quatre explosions ont eu des effets importants : le tir Canopus de la première bombe H française, en 1968, équivalait à l'explosion de 2,6 millions de tonnes de trinitrotoluène (TNT) (soit environ 200 fois la puissance de la bombe de Hiroshima). Il a ainsi été l'essai nucléaire français le plus puissant jamais enregistré et le tir Dragon, en 1970, a frôlé la barre du million de tonnes de TNT.
Des prélèvements ont été faits régulièrement entre 1967 et 1997 sur les populations de mollusques. Pierre Legendre (université de Montréal) et Bernard Salvat ont publié leurs résultats en juin dernier dans la revue de l'Académie des sciences britanniques Proceedings of the Royal Society B.
« Au fur et à mesure que le temps passait, on a regardé comment se reconstituait la faune », explique Bernard Salvat. « Au moment des expérimentations aériennes, après les forts tirs, certaines espèces ont vu leur population plus ou moins détruite. C'est le cas notamment des mollusques qui vivent dans la zone des embruns, sur la zone supralittorale ».
Les chercheurs ont donc observé comment la vie évoluait au cours des années qui ont suivi les expérimentations nucléaires.
Après huit campagnes scientifiques, « ce qui est intéressant à voir c'est que tout est redevenu normal avec quelques changements qui ne sont plus dus aux expérimentations nucléaires mais à une variabilité naturelle du peuplement », décrit Bernard Salvat. « Les coquillages qui vivent dans la zone supralittorale ont été sévèrement éliminés par les explosions nucléaires. Comme ce sont des milieux extrêmes, il n'y a guère que ces espèces qui peuvent revenir les coloniser. Elles l'ont fait au fur et à mesure des années. Des larves sont arrivées et d'autres individus ont reconstitué à peu près la population initiale. Mais sur d'autres milieux comme le platier récifal ou la crête algale, là où déferlent les vagues de l'océan sur le récif, il peut y avoir des changements de population. Ainsi une espèce en remplace une autre temporairement mais elle a la même fonction dans l'écosystème. »
Pour les deux chercheurs, « la nature a repris ses droits avec la variabilité naturelle », souligne Bernard Salvat. Mais le scientifique demeure attentif à Fangataufa, en particulier, à l'impact de la création d'une passe dans cet atoll qui était fermé jusqu'en 1965. Cette ouverture pourrait commencer à avoir des conséquences non négligeables (lire encadré ci-contre).
L'impact de l'ouverture de la passe
Le scientifique Bernard Salvat va continuer à faire des prélèvements réguliers à Fangataufa, en particulier dans le lagon. Il souhaite connaître l'impact de la création d'une passe artificielle sur cet atoll. « Une passe est une communication importante entre le lagon et l'océan, c'est une grosse échancrure dans la couronne corallienne qui permet aux bateaux de fort tonnage de rentrer », rappelle-t-il. « Les communications et échanges d'eau entre le lagon et les océans dans les atolls fermés se font par des hoa, de 10 à 20 centimètres de profondeur mais ces échanges sont très faibles. »
« La masse d'eau dans un lagon fermé est très particulière et permet à certaines espèces de proliférer », rappelle-t-il. « Le fait qu'il y ait tant d'atolls fermés en Polynésie française explique la richesse en nacres ou en bénitiers. Si vous prenez des atolls plus à l'ouest, en Micronésie, ou en Mélanésie, vous trouverez des atolls qui sont beaucoup plus ouverts où il n'y a ni nacres ni bénitiers.»
La fermeture de ces atolls est une « richesse mais aussi une fragilité », constate Bernard Salvat. « Les principaux atolls qui ont produit le plus de nacres sont Hikureru, Takume et Marutea. Ce sont des atolls fermés avec très peu d'échanges. Quand vous avez des périodes de calme plat météorologique et que le niveau de la mer est bas, les eaux du lagon se trouvent alors un peu isolées de l'océan. C'est qui se passe à Hikueru : le lagon devient une véritable bouilloire. Le plancton se met à pulluler, cela provoque des eaux colorées. Le plancton prend tout l'oxygène et tout meurt c'est ce qu'on appelle une dystrophie ou des efflorescences algales, qui font que le lagon meurt. Le lagon de Hikureru meurt ainsi régulièrement. Il lui faut une dizaine d'années pour revivre. »
Le scientifique insiste donc « c’est très dangereux d'ouvrir des passes dans les atolls fermés. La faune du lagon de Fangataufa est en train de se modifier. Cela va prendre des dizaines d'années, mais ce sera une évolution. »
« La masse d'eau dans un lagon fermé est très particulière et permet à certaines espèces de proliférer », rappelle-t-il. « Le fait qu'il y ait tant d'atolls fermés en Polynésie française explique la richesse en nacres ou en bénitiers. Si vous prenez des atolls plus à l'ouest, en Micronésie, ou en Mélanésie, vous trouverez des atolls qui sont beaucoup plus ouverts où il n'y a ni nacres ni bénitiers.»
La fermeture de ces atolls est une « richesse mais aussi une fragilité », constate Bernard Salvat. « Les principaux atolls qui ont produit le plus de nacres sont Hikureru, Takume et Marutea. Ce sont des atolls fermés avec très peu d'échanges. Quand vous avez des périodes de calme plat météorologique et que le niveau de la mer est bas, les eaux du lagon se trouvent alors un peu isolées de l'océan. C'est qui se passe à Hikueru : le lagon devient une véritable bouilloire. Le plancton se met à pulluler, cela provoque des eaux colorées. Le plancton prend tout l'oxygène et tout meurt c'est ce qu'on appelle une dystrophie ou des efflorescences algales, qui font que le lagon meurt. Le lagon de Hikureru meurt ainsi régulièrement. Il lui faut une dizaine d'années pour revivre. »
Le scientifique insiste donc « c’est très dangereux d'ouvrir des passes dans les atolls fermés. La faune du lagon de Fangataufa est en train de se modifier. Cela va prendre des dizaines d'années, mais ce sera une évolution. »