Tahiti Infos

En Nouvelle-Calédonie, le nickel revient au coeur des enjeux politiques


En Nouvelle-Calédonie, le nickel revient au coeur des enjeux politiques
NOUMEA (France), 26 sept 2012 (AFP) - La stratégie de développement en Asie de la société minière des indépendantistes kanaks ravive les tensions politiques autour du nickel en Nouvelle-Calédonie, où un référendum sur l'indépendance est programmé entre 2014 et 2018.

Fin août, la Société minière du sud Pacifique (SMSP), aux mains des indépendantistes de la province nord, s'est entendue avec Jinchuan, premier groupe minier chinois, pour construire d'ici à 2017, en Chine, une usine métallurgique de 30.000 tonnes de nickel, indispensable à la fabrication d'acier inoxydable.

Selon un modèle économique défendu par le PDG de la SMSP, André Dang, deux co-entreprises - l'une détiendra l'usine, l'autre les mines - seront créées. Dans chacune d'entre elles, la SMSP aura 51% du capital et Jinchuan, société d'Etat chinoise, 49%.

Cette unité sera alimentée avec du minerai latéritique, pauvre en nickel, issu des mines de la SMSP, à raison d'environ 2,5 millions de tonnes par an.

De manière identique, la SMSP est associée avec l'aciériste sud-coréen Posco. Leur usine de Gwangyang produit actuellement 30.000 tonnes de ferronickel et doit monter en puissance à partir de 2014 pour atteindre les 54.000 tonnes.

La SMSP utilise une fraction des retombées financières de son partenariat avec Posco pour financer la gigantesque usine de Koniambo, construite dans le nord de la Nouvelle-Calédonie en association cette fois avec le Suisse Xstrata.

Mais cette stratégie d'expansion en Asie suscite la colère d'une partie des non-indépendantistes, qui accusent leurs rivaux de s'engager à vendre du minerai dont ils ne disposent pas.

"La SMSP prend des engagements qu'elle sait intenables. Nous allons nous retrouver devant un nouveau préalable minier qui consistera à exiger du gouvernement de la République la majorité de la Société Le Nickel (SLN)", a fustigé le sénateur UMP Pierre Frogier. Les trois provinces calédoniennes ont actuellement 34% du capital de la SLN.

Filiale du groupe français Eramet et opérateur historique du nickel calédonien, la SLN dispose d'un vaste domaine minier.

Aux yeux des indépendantistes, elle est aussi le symbole, hérité de la colonisation, de la main mise de la France sur les richesses minières du Caillou.

Se sentant menacée, la SLN a affirmé le 14 septembre dans un communiqué qu'elle "entendait exploiter l'ensemble de son domaine minier".

En fin d'année, Anne Duthilleul, polytechnicienne chargée par Paris du suivi des projets métallurgiques calédoniens, doit remettre un rapport sur la stratégie industrielle du Caillou.

Paul Néaoutyine, président de la province nord, a d'ores et déjà annoncé qu'il ne ratifierait pas ce document "s'il ne reconnaissait pas les choix de développement de la SMSP", ce qui n'est pas le cas des premières conclusions de Mme Duthilleul.

Alors que se profilent des échéances politiques cruciales en Nouvelle-Calédonie, le nickel devient un sujet de polémique.

En vertu de l'accord de Nouméa (1998), un référendum d'autodétermination doit être organisé entre 2014 et 2018, mais pour éviter les crispations inhérentes à un tel vote, une solution consensuelle entre autonomie et indépendance pourrait être recherchée.

"Les Kanaks ont renoncé à l'indépendance totale. La maîtrise du nickel est une contre-partie", indique un membre des cercles miniers.

Déjà en 1996, alors que se préparait la suite institutionnelle aux accords de Matignon (1988), le FLNKS (Front de Libération Nationale Kanak Socialiste) avait décrété un "préalable minier" à toute négociation politique.

Les Kanaks avaient fait monter la pression sur le terrain et en février 1998, la SLN avait été contrainte de céder son richissime massif du Koniambo à la SMSP, pour alimenter une usine métallurgique dans le nord et donner ainsi corps au rééquilibrage.

Deux mois après, l'Etat, la droite et le FLNKS trouvaient un terrain d'entente politique et signaient l'accord de Nouméa.

Rédigé par Par Claudine WERY le Mercredi 26 Septembre 2012 à 06:21 | Lu 3859 fois