PAPEETE. Le 24 avril 2014 - Le projet de créer des élevages territoriaux de tortues vouées à la consommation évoqué par Antonio Perez lors d’une séance à l’assemblée la semaine dernière a défrayé la chronique. L’objectif soulevé par l’élu serait de réduire le braconnage « tout en préservant la ressource. », une idée qui plaît et qui oppose en même temps.
En Polynésie française, trois espèces de tortues sont protégées et strictement interdites à la chasse : la tortue verte (Chelonia mydas, ou honu), la tortue à écaille (Eretmochelys imbricata, ou honu kea) et la tortue luth (Dermochelys coriacea). De ce fait, la question de légaliser ou non la consommation de viande de tortue fait rage depuis de nombreuses années déjà. Mais une autre question qui consiste à créer des élevages de tortues de chair a fini par être ouvertement posée au sein de l’hémicycle. Le 17 avril dernier, alors que la majorité de l’Assemblée de Polynésie adoptait le projet de Loi du Pays sur la traçabilité douanière de certaines espèces marines, la bêche de mer et le bénitier, le cas de la tortue a tout naturellement été évoqué relançant ainsi une polémique vieille de trente ans.
Antonio Perez du groupe A ti’a Porinetia qui s’est prononcé en faveur de la création d’un élevage territorial se trouve confronté à un problème majeur : la tortue marine est protégée par la convention de Washington. L’élu souhaiterait renégocier les conventions internationales et faire valoir les spécificités polynésiennes. Une position partagée par l’élu Tāhō’ēra’a René Temeharo: « N’est il pas nécessaire de voir cette possibilité d’un élevage de tortues du Pays, afin de garantir la préservation de l'espèce, au lieu de se réfugier uniquement derrière la convention de Washington? "
Jacky Bryant le leader du parti écologiste « Hei’ura, les verts » s’oppose radicalement aux propos émis à l’Assemblée. Ayant été ministre de l’environnement deux années durant sous la mandature d’Oscar Temaru, il avait fait modifier le code de l’environnement et notamment la règlementation des espèces protégées dont fait partie la tortue : « A travers ces discours, il n’y a aucun contenu. Avant toute chose, il faut convaincre la France pour pouvoir faire quoique ce soit puisqu’elle a été également signataire de la convention de Washington. Je m’insurge quand on me dit que les polynésiens sont des grands mangeurs de tortues sous prétexte que c’est traditionnel. Mais, c’est complètement faux ! Puisqu’elle était sacrée par le passé. Ce sont les missionnaires qui en ont fait une tradition. »
Francine Besson, secrétaire de l’association Tamari’i Pointe des Pêcheurs, pense au contraire que l’existence d’un tel élevage pourrait être une solution : « A mon avis, il faut le faire et ne pas attendre trop longtemps. Cela pourrait régler pas mal de problème et baisser le taux de braconnage. (…) mais il faut savoir que la mise en place d’un tel projet coûtera extrêmement cher. » L’idée existe déjà et la Direction de l’Environnement avait entrepris une étude de faisabilité qui faisait apparaître des coûts que le Territoire n’était pas encore prêt à assumer, et encore moins en cette période de crise. En 2010, Jules Ienfa, alors ministre de l’environnement du gouvernement Tong Sang s’était lui aussi déclaré en faveur d’une ferme d’élevage « Si on en relâche 80 à 90, ce serait 80 à 90 fois plus que si on laissait faire la nature puisqu'une seule sur la ponte arrive à l'état adulte. ».
Pour l’heure, tout n’est que supposition et le temps que tout se mette en place, des centaines d’autres tortues auront croisé le chemin de braconniers mieux organisés. L’association Te mana o te Moana avançait le chiffre de 80 à 100 tortues qui seraient ainsi pêchées chaque semaine en Polynésie. Le prix du kilo varie entre 4500 et 10 000 fcp. Une bonne prise représente environ 70 kg de viande et donc un marché lucratif qui n’est pas prêt de s’arrêter. Mais si la viande de tortue est un mets particulièrement apprécié par certains polynésiens, il n’est pourtant pas sans risque pour la santé. Les spécialistes ont enregistré un nombre important d’empoisonnement lié à la consommation de sa chair. A quand une décision ferme de la part du Pays ? Une affaire à suivre.
TP
En Polynésie française, trois espèces de tortues sont protégées et strictement interdites à la chasse : la tortue verte (Chelonia mydas, ou honu), la tortue à écaille (Eretmochelys imbricata, ou honu kea) et la tortue luth (Dermochelys coriacea). De ce fait, la question de légaliser ou non la consommation de viande de tortue fait rage depuis de nombreuses années déjà. Mais une autre question qui consiste à créer des élevages de tortues de chair a fini par être ouvertement posée au sein de l’hémicycle. Le 17 avril dernier, alors que la majorité de l’Assemblée de Polynésie adoptait le projet de Loi du Pays sur la traçabilité douanière de certaines espèces marines, la bêche de mer et le bénitier, le cas de la tortue a tout naturellement été évoqué relançant ainsi une polémique vieille de trente ans.
Antonio Perez du groupe A ti’a Porinetia qui s’est prononcé en faveur de la création d’un élevage territorial se trouve confronté à un problème majeur : la tortue marine est protégée par la convention de Washington. L’élu souhaiterait renégocier les conventions internationales et faire valoir les spécificités polynésiennes. Une position partagée par l’élu Tāhō’ēra’a René Temeharo: « N’est il pas nécessaire de voir cette possibilité d’un élevage de tortues du Pays, afin de garantir la préservation de l'espèce, au lieu de se réfugier uniquement derrière la convention de Washington? "
Jacky Bryant le leader du parti écologiste « Hei’ura, les verts » s’oppose radicalement aux propos émis à l’Assemblée. Ayant été ministre de l’environnement deux années durant sous la mandature d’Oscar Temaru, il avait fait modifier le code de l’environnement et notamment la règlementation des espèces protégées dont fait partie la tortue : « A travers ces discours, il n’y a aucun contenu. Avant toute chose, il faut convaincre la France pour pouvoir faire quoique ce soit puisqu’elle a été également signataire de la convention de Washington. Je m’insurge quand on me dit que les polynésiens sont des grands mangeurs de tortues sous prétexte que c’est traditionnel. Mais, c’est complètement faux ! Puisqu’elle était sacrée par le passé. Ce sont les missionnaires qui en ont fait une tradition. »
Francine Besson, secrétaire de l’association Tamari’i Pointe des Pêcheurs, pense au contraire que l’existence d’un tel élevage pourrait être une solution : « A mon avis, il faut le faire et ne pas attendre trop longtemps. Cela pourrait régler pas mal de problème et baisser le taux de braconnage. (…) mais il faut savoir que la mise en place d’un tel projet coûtera extrêmement cher. » L’idée existe déjà et la Direction de l’Environnement avait entrepris une étude de faisabilité qui faisait apparaître des coûts que le Territoire n’était pas encore prêt à assumer, et encore moins en cette période de crise. En 2010, Jules Ienfa, alors ministre de l’environnement du gouvernement Tong Sang s’était lui aussi déclaré en faveur d’une ferme d’élevage « Si on en relâche 80 à 90, ce serait 80 à 90 fois plus que si on laissait faire la nature puisqu'une seule sur la ponte arrive à l'état adulte. ».
Pour l’heure, tout n’est que supposition et le temps que tout se mette en place, des centaines d’autres tortues auront croisé le chemin de braconniers mieux organisés. L’association Te mana o te Moana avançait le chiffre de 80 à 100 tortues qui seraient ainsi pêchées chaque semaine en Polynésie. Le prix du kilo varie entre 4500 et 10 000 fcp. Une bonne prise représente environ 70 kg de viande et donc un marché lucratif qui n’est pas prêt de s’arrêter. Mais si la viande de tortue est un mets particulièrement apprécié par certains polynésiens, il n’est pourtant pas sans risque pour la santé. Les spécialistes ont enregistré un nombre important d’empoisonnement lié à la consommation de sa chair. A quand une décision ferme de la part du Pays ? Une affaire à suivre.
TP
Un marché lucratif
Selon les éléments de l’association Te mana o te moana laquelle a créé un observatoire de la tortue en 2011, la tortue verte reste la principale victime des braconniers. Toujours selon ses membres, il semblerait que les consommateurs habituels ne rechignent pas à payer le prix fort (4500 à 10 000 francs le kilo de chair). Malgré ces prix prohibitifs, le trafic connait une embellie dangereuse pour l’espèce. Par prise d’une tortue de 75 kilos, le chiffre d’affaire peut atteindre les 130 000 fcp. Au vu des dizaines de prises effectuées chaque semaine, entre 80 et 100 tortues, le marché est plus que lucratif. Malheureusement, cet état de fait constitue une véritable incitation à la pêche et donc à l’extinction pure et simple de l’animal.
Pour Maeva, ardente défenseuse de cet emblème sacré d’antan, “L’idée d’un élevage est inimaginable parcequ’il faut au moins 20 ans pour qu’un tortue arrive à un âge adulte et donc cela voudra dire que les amateurs de cette chair devront patienter et je ne crois pas que ce sera le cas. Le braconnage va même s’accentuer.”, déplore-t-elle. Pour l’heure, la polémique demeure alors que le projet ne voit toujours pas le jour. Tout n’est que supposition et le temps que tout se mette en place (sous réserve d’une volonté politique), des centaines d’autres tortues auront croisé le chemin de braconniers mieux organisés.
Et les « consommateurs » dans cette affaire ?
Du point de vue des îliens, ceux des Tuāmotu en l’occurrence, la chasse à la tortue se faisait pour « varier ce que l’on mangeait puisque le plat principal était le poisson. La chair de tortue avait plus un goût de viande que de poisson. » Māmā Ateri habite les Tuāmotu de l’Est. Là, de mémoire des anciens, la chasse à la tortue a toujours existé mais pour les raisons expliquées, la volonté de changer de l’ordinaire sans plus. Son témoignage vient soutenir celui de Jacky Bryant : « Pour autant que je sache, il n’y a pas d’aspect traditionnel au sens propre du terme. Je veux dire par là que mes arrières grands-parents n’en mangeait qu’une ou deux fois tous les trois ou quatre ans. Il en a été pareil lorsqu’est venu le temps de mes parents et moi, j’entre dans ma 71ème année de vie. Si j’en mange, c’est parceque j’aime ça, mais ce n’est pas non plus un pat quotidien. »
Pour l’instant, la loi veille
On ne compte plus le nombre de procès lié à la chasse à la tortue. Le 18 novembre 2010, la justice frappait un grand coup en condamnant 3 braconniers à des peines de prison ferme. Ils avaient amassé plus de 137 kilos de viande de ces reptiles protégés pêchés à proximité de Tetiaroa. De témoignages anonymes de braconniers, l’endroit est le lieu de pêche « préféré » de ces derniers « parceque à une certaine période, les femelles viennent pondre ici et c’est facile de les attraper. » A l’époque, le procureur André Frémont dénonçait la recrudescence de la pêche à la tortue, soulignant que pas moins de 700 kilos de viande avaient été saisis lors de la course Hawaiki Nui de la même année. Autre exemple, plus proche de nos côtes de Tahiti, un individu avait été appréhendé toujours dans la même année, sur le récif de Arue alors qu’il s’essayait à cette chasse interdite.
Selon les éléments de l’association Te mana o te moana laquelle a créé un observatoire de la tortue en 2011, la tortue verte reste la principale victime des braconniers. Toujours selon ses membres, il semblerait que les consommateurs habituels ne rechignent pas à payer le prix fort (4500 à 10 000 francs le kilo de chair). Malgré ces prix prohibitifs, le trafic connait une embellie dangereuse pour l’espèce. Par prise d’une tortue de 75 kilos, le chiffre d’affaire peut atteindre les 130 000 fcp. Au vu des dizaines de prises effectuées chaque semaine, entre 80 et 100 tortues, le marché est plus que lucratif. Malheureusement, cet état de fait constitue une véritable incitation à la pêche et donc à l’extinction pure et simple de l’animal.
Pour Maeva, ardente défenseuse de cet emblème sacré d’antan, “L’idée d’un élevage est inimaginable parcequ’il faut au moins 20 ans pour qu’un tortue arrive à un âge adulte et donc cela voudra dire que les amateurs de cette chair devront patienter et je ne crois pas que ce sera le cas. Le braconnage va même s’accentuer.”, déplore-t-elle. Pour l’heure, la polémique demeure alors que le projet ne voit toujours pas le jour. Tout n’est que supposition et le temps que tout se mette en place (sous réserve d’une volonté politique), des centaines d’autres tortues auront croisé le chemin de braconniers mieux organisés.
Et les « consommateurs » dans cette affaire ?
Du point de vue des îliens, ceux des Tuāmotu en l’occurrence, la chasse à la tortue se faisait pour « varier ce que l’on mangeait puisque le plat principal était le poisson. La chair de tortue avait plus un goût de viande que de poisson. » Māmā Ateri habite les Tuāmotu de l’Est. Là, de mémoire des anciens, la chasse à la tortue a toujours existé mais pour les raisons expliquées, la volonté de changer de l’ordinaire sans plus. Son témoignage vient soutenir celui de Jacky Bryant : « Pour autant que je sache, il n’y a pas d’aspect traditionnel au sens propre du terme. Je veux dire par là que mes arrières grands-parents n’en mangeait qu’une ou deux fois tous les trois ou quatre ans. Il en a été pareil lorsqu’est venu le temps de mes parents et moi, j’entre dans ma 71ème année de vie. Si j’en mange, c’est parceque j’aime ça, mais ce n’est pas non plus un pat quotidien. »
Pour l’instant, la loi veille
On ne compte plus le nombre de procès lié à la chasse à la tortue. Le 18 novembre 2010, la justice frappait un grand coup en condamnant 3 braconniers à des peines de prison ferme. Ils avaient amassé plus de 137 kilos de viande de ces reptiles protégés pêchés à proximité de Tetiaroa. De témoignages anonymes de braconniers, l’endroit est le lieu de pêche « préféré » de ces derniers « parceque à une certaine période, les femelles viennent pondre ici et c’est facile de les attraper. » A l’époque, le procureur André Frémont dénonçait la recrudescence de la pêche à la tortue, soulignant que pas moins de 700 kilos de viande avaient été saisis lors de la course Hawaiki Nui de la même année. Autre exemple, plus proche de nos côtes de Tahiti, un individu avait été appréhendé toujours dans la même année, sur le récif de Arue alors qu’il s’essayait à cette chasse interdite.
Art D. 124-3 du code de l'environnement
(Sont interdits : le transport, la détention, la collecte des œufs de tortues marines, la capture à
terre ou en mer, la taxidermie, la commercialisation, l’importation et l’exportation de toute
tortue marine, à l’exception des dérogations prévues par les articles D 124-4 à D 124-9 du
présent code.
(Sont interdits : le transport, la détention, la collecte des œufs de tortues marines, la capture à
terre ou en mer, la taxidermie, la commercialisation, l’importation et l’exportation de toute
tortue marine, à l’exception des dérogations prévues par les articles D 124-4 à D 124-9 du
présent code.