Tahiti Infos

Du livre au petit écran : Tupaia sort de l'oubli


"Tupaia" est un documentaire inédit qui retrace la formidable odyssée de ce héros polynésien.
"Tupaia" est un documentaire inédit qui retrace la formidable odyssée de ce héros polynésien.
TÉLÉVISION - Le livre est passionnant, le film l'est tout autant. L'histoire de Tupaia est mise en lumière grâce à un documentaire qui sera diffusé dans "Patitifa" lundi soir, sur Polynésie 1ère, à 19h30. Une collaboration entre Ma'ohi et Maori, qui tire de l'ombre ce pilote polynésien fascinant du capitaine Cook.


Alors que l'ouvrage "Tupaia – Le pilote polynésien du capitaine Cook", rédigé par la Néo-Zélandaise Joan Druett, vient d'être publié aux éditions 'Ura Éditions, un documentaire inédit sera diffusé lundi soir dans l'émission "Patitifa". Intitulé "Tupaia", ce film a été réalisé par Lala Rolls, une autre Néo-Zélandaise, et coproduit, entre autres, par Oceania Film et Polynésie 1ère. Un récit émouvant qui nous plonge dans l'histoire de cet homme originaire de Raiatea embarqué à bord de l'Endeavour, aux côtés du capitaine James Cook.

Nous sommes au milieu du XVIIIe siècle. "Tahu'a" (grand prêtre), aristocrate, érudit, artiste, Tupaia est aussi et surtout un fin diplomate et un grand navigateur. Pendant son enfance et son adolescence, cet 'arioi est formé dans une école réservée à l'élite et intègre tout le savoir ancestral à travers des chansons et des poèmes qui vont forger sa personnalité aux multiples facettes, et développer ses connaissances des étoiles, des vagues, du vent, des courants, des plantes, etc. Quand Cook débarque à Tahiti, c'est la guerre, et Tupaia a choisi de soutenir les "mauvaises personnes". Voyageur dans l'âme, il n'hésite donc pas à partir à l'aventure avec le capitaine en avril 1769, d'autant plus qu'il est aidé par le savant Joseph Banks, qui a vite fait de déceler tout son potentiel.

ENFIN RECONNU… DEUX SIÈCLES APRÈS !

Durant l'expédition, Tupaia sauve la mise de Cook à plusieurs reprises, et notamment en Nouvelle-Zélande, quand Cook frôle la mort après avoir abattu un grand chef maori… Retors en politique et doué pour les langues, ce héros local initie l'équipage aux fondements de la culture polynésienne et ses "tabu" afin d'éviter les bains de sang lors des contacts avec les populations autochtones. Maître-pilote, hautement qualifié en astronomie et en navigation, c'est un expert en géographie du Pacifique. Il élabore ainsi une carte détaillée du Pacifique Sud, qui s'avère bien utile à Cook lors de son deuxième voyage. En effet, grâce aux précieuses données, le capitaine découvre des îles encore vierges et se voit décoré par la Royal Society… alors que Tupaia, malade du scorbut, est jeté volontairement dans l'oubli, puis terrassé par la fièvre jaune en 1769, à Java.

Ce que nous ne savons peu également est que Tupaia est le premier Polynésien à peindre une aquarelle. Ses œuvres, abritées dans un musée en Angleterre, décrivent les premiers contacts des Anglais avec les îliens. De même, Tupaia est le premier Polynésien à écrire, dans une grotte en Nouvelle-Zélande. D'ailleurs, des éléments attestent aujourd'hui qu'il a transmis son instruction aux Maori. Mais ce qui semble impensable, c'est qu'il aura fallu en réalité plus de deux siècles pour que l'auteur de toutes ces actions majeures soit enfin reconnu à la fin des années 1990.

"UN DEVOIR DE MÉMOIRE"

Le tournage a été réalisé tout d'abord en 2011 et 2012, à Tahiti, en Nouvelle-Zélande et en Angleterre, puis essentiellement à Tahiti et à Raiatea cette année, respectivement sur les marae de Mahaiatea (Papara) et de Taputapuatea. Bien évidemment, la Pointe Vénus a servi également de décor, puisque ce site historique est le lieu qu'a choisi Cook en 1769 en prévision de l'observation du transit de Vénus. Dans ce film de 52 minutes, Tupaia est incarné par l'acteur maori Kirk Torrance, tandis que plusieurs figurants tahitiens prêtent leurs traits. Plusieurs figures emblématiques interviennent également, entre autres Manouche Lehartel, Jean-Claude Teriierooiterai, Manutahi Taha, Eriki Marchand, Patrice Teinauri…

C'est pour "ce devoir de mémoire" que la productrice Eliane Koller de la société Oceania Film (créée en 2013 avec Benjamin Picard) a souhaité mettre en lumière ce personnage resté jusqu'ici secondaire à travers le documentaire éponyme. "Il fallait faire ce film, et surtout qu'un producteur local s'en charge. Il s'agit de rappeler la connexion entre Tahiti et la Nouvelle-Zélande", explique avec passion celle qui a reçu le Prix spécial du Fifo en 2012 pour "Ma famille adoptée". Et de poursuivre : "Le documentaire rétablit aussi une vérité historique : la société polynésienne n'était pas faite de bons sauvages ! La culture était très évoluée, riche en savoirs, et adaptée à l'océan Pacifique avec ses superbes pirogues doubles." Notez d'ailleurs que le sculpteur Eriki Marchand a réalisé en 2012 un magnifique "unu" (pièce en bois) en son hommage, qui trône majestueusement dans les jardins de Paofai.

Les premiers contacts avec les Maori auraient pu se terminer dans un bain de sang sans la diplomatie habile de Tupaia.
Les premiers contacts avec les Maori auraient pu se terminer dans un bain de sang sans la diplomatie habile de Tupaia.

Le pitch

C’est l’histoire d’un homme illustre et méconnu. Un Tahitien, un 'arioi, un haut-prêtre, un intellectuel, un artiste. Un navigateur hors pair aussi, qui participa au voyage d’exploration du capitaine Cook à bord de l’Endeavour, en 1769. Tupaia. Son nom n’est pas ignoré, mais sa véritable et improbable épopée, si. Le récit de "Tupaia" est aujourd’hui raconté par trois Polynésiens qui suivent les traces de leur ancêtre : Michel Tuffery, artiste maori, Paul Tapsell, historien maori, et Tahiarii Pariente, tatoueur itinérant. Nourri de témoignages, de reconstitutions et d'archives originales, ce documentaire est un portrait à l'image du héros qu'il décrit : éloquent et aventureux. Et surtout, il permet de redonner tout son sens à la notion d’identité polynésienne. C'est l'histoire de Tupaia aux commandes de l'Endeavour, et la version océanienne du premier contact entre les Polynésiens et les marins du Capitaine Cook.

Le sculpteur Eriki Marchand a réalisé en 2012 un magnifique "unu" (pièce en bois) en son hommage, qui trône majestueusement dans les jardins de Paofai.
Le sculpteur Eriki Marchand a réalisé en 2012 un magnifique "unu" (pièce en bois) en son hommage, qui trône majestueusement dans les jardins de Paofai.

Rédigé par Dominique Schmitt le Vendredi 23 Octobre 2015 à 17:22 | Lu 4632 fois