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Bobby, l’enchanteur du Pacifique


Bobby, l’enchanteur du Pacifique
PAPEETE, le 13 septembre 2016 - À l’occasion de Festival Polynesia qui se tient cette semaine à la Maison de la Culture, retour sur le parcours rocambolesque et en tout point singulier de l’artiste aux multiples facettes et aux nombreux talents qui enchante aujourd’hui encore la scène culturelle polynésienne moderne : Bobby Holcomb. Plus qu’une biographie, un brillant hommage rendu à l’artiste fa’a’amu du Fenua.

Bobby est sans aucun doute un personnage poignant et captivant : des fragilités de son enfance à la force de son combat d’adulte, il devint un artiste polyvalent (musicien, chanteur, danseur, homme de théâtre, designer, peintre…) qui incarna le renouveau culturel polynésien. Dans cette biographie à quatre mains (Bruno Saura et Dorothy Levy) principalement articulée autour d’échanges et d’entretiens, de témoignages et de références variées qui retracent le parcours de Bobby, on y retrouve les paroles de ses plus fameuses chansons polynésiennes et certaines de ses peintures, des images d’archives et des photos personnelles. Un véritable travail novateur concernant le cheminement de l’artiste pendant son aventure polynésienne, de 1976 à 1991, mais aussi et surtout, ses pérégrinations personnelles qui l’ont conduit à poser ses valises à Huahine. L’angle de vue du lecteur s’élargit et s’enrichit des étapes clés qui ont jalonné la vie de Bobby. Un bel ouvrage, sensible et nostalgique, à propos d’un artiste intemporel et atypique dans le Pacifique.

De Hawai'i à Maeva, en passant par San Francisco et Paris

Enfant des ghettos hawaiiens, il grandit dans la simplicité et se contente du minimum. Du fait d’une mère absente, il devient vite autonome et débrouillard, curieux et avide de culture sous toutes ses formes. À 11 ans, il est placé en famille d’accueil à Los Angeles, où il pourra enfin s’exprimer artistiquement et développer librement ses talents. Durant 6 ans, il fréquente l’American School of Dance et s’initie à la danse, au théâtre et à la comédie musicale. Son implication et ses aptitudes innées le poussent rapidement à vouloir se réaliser en tant qu’artiste engagé, grande décision qui sonne le début d’un nouveau virage dans sa vie.

Bobby débarque à San Francisco en 1966, où il collaborera comme dessinateur et graphiste dans une revue culte de la mouvance hippie, San Francisco Oracle. Les esquisses et dessins qu’il produit anticipent d’ailleurs le style de ses peintures polynésiennes qui suivront plus tard. Au début des années 1970, il décide de s’exiler à Paris, dans un contexte socio-culturel encore très marqué par les évènements de mai 1968, et y découvre un univers artistique des plus éclectiques. Il se familiarise tantôt avec la vie de château, tantôt avec la vie campagnarde et rupestre "à la française", en parcourant la France de Paris à Saint-Tropez et fréquente des artistes et musiciens de tout genre. À l’occasion d’un arrêt prolongé à Paris, Bobby et son ami Simon se font rapidement introduire dans "la cour" de l’excentrique et avant-gardiste Salvador Dali -dans sa suite de l’hôtel Meurice- à qui ils présentent la sulfureuse troupe de danse new-yorkaise interprétant la comédie musicale Hair.

S’en suivent quelques voyages dans le pourtour méditerranéen : Italie, Sicile, Maroc, désert du Sahara... Jusqu’à Venise, lors de la biennale de 1973, où ils intègrent la troupe du Living Theater. Puis les aventures se poursuivent plus loin encore : Égypte, Moyen-Orient, Inde, jusqu’à s’installer temporairement dans l’île grecque d’Ios. C’est là qu’ils rencontrent Kim Dios, dit Kimi. Le trio sillonne l’Europe, notamment Paris, où ils feront la connaissance de Vaea Sylvain, artiste, chanteuse, danseuse et peintre, qui ne manquera pas de créer un véritable "effet d’appel" polynésien.

Bobby, ambassadeur du renouveau culturel polynésien

En février 1976, le trio embarque sur un navire (ils y font la rencontre du peintre Ravello) avec comme destination finale la Polynésie française, où ils posent leurs valises sur l’île de Huahine, et s’installent dans le village de Maeva. Que Bobby ne quittera plus, désormais…

L’intégration par la population locale est immédiate, ce qui touche profondément Bobby et l’incite à redoubler d’intérêt pour apprendre de cette culture (la langue, l’histoire, les légendes, l’artisanat...). C’est ainsi qu’il jouera un rôle prééminent dans le renouveau culturel polynésien, d’abord comme metteur en scène, costumier et créateur des décors pour la pièce Aai no Ariipaea hoe arii vahine no Huahine (Histoire de Madame Ariipaea, une reine de Huahine), puis dans Pipirima, mêlant théâtre, chants et danses. En 1981, il participe à la reconstitution historique et artistique d’un spectacle au marae Arahurahu de Paea. À cette même période, le renouveau culturel polynésien marque un tournant important : la ré-appropriation des techniques et du port du tatau traditionnel, le tatouage. Bobby fréquente alors artistes en tous genres et tatoueurs contribuant à cette "nouvelle vague artistique", à qui il prête volontiers son corps comme support d’expression.

Jusqu’alors, il n’a cessé de peindre et de dessiner, sur fond de métissage culturel : les légendes, la mythologie polynésienne, les divinités ancestrales et les collaborations artistiques de Bobby l’inspirent dans la réalisation de ses peintures aux couleurs saisissantes et hautement symboliques. Mais c’est en 1982 que la carrière de Bobby est marquée par un tournant inédit : l’immense succès populaire qu’il rencontre comme auteur et compositeur. Après avoir remporté un concours de chants en 1982, il entame une brillante carrière de chanteur et compositeur, chante et se produit notamment en tahitien, enchante par sa grâce et éblouit par sa connivence avec le public... Mais ça, c’est une histoire que nous connaissons déjà bien mieux !

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Rédigé par Au Vent des îles le Mardi 13 Septembre 2016 à 09:53 | Lu 6080 fois