Le projet d’aire marine protégée des Australes reviendrait à verrouiller un million de km2 autour de l’archipel, à l'exception d'une zone de pêche libre dans la limite des 20 nautiques des côtes pour les pêcheurs locaux.
PAEETE, 7 avril 2016 - La délégation des îles Australes venue défendre la création d’une Aire marine protégée autour de l’archipel sera reçue mardi prochain par Edouard Fritch, mais ce projet n’a pas l’ombre d’une chance d’être réalisé sans l’accord du gouvernement qui défend le principe d’une aire marine gérée.
Alors que les cinq municipalités de l’archipel des Australes s’étaient exprimées entre juin et octobre 2014 en faveur du projet d’Aire marine protégée (AMP), le conseil municipal de Rurutu vient d’abroger, début avril, la délibération adoptée le 6 juin 2014, privant l’archipel de son unanimité. Nous n’avons pas réussi à joindre le maire de l’île, Frédéric Riveta, également représentant pro-Fritch. "Il se range à la position du gouvernement", nous explique-t-on simplement.
Une délégation de 20 élus et représentants de la société civile des Australes est à Papeete cette semaine. La démarche a pour objectif de présenter le projet d’AMP d'un million de kilomètres carrés autour de l’archipel. Elle pourrait s’appeler Rāhui Nui nō Tuha'a Pae ("Le grand rahui des Australes") mais elle ne sera pas créée faute du soutien de l’exécutif polynésien.
Le président Fritch a prévu de recevoir cette délégation mardi 12 avril en fin de matinée. "La plupart sera partie", souligne Frère Maxime, vice-président de la Fédération des associations de protection de l'environnement (Fape) qui soutient la démarche. "Ils font du forcing pour être reçus demain (vendredi 8 avril, ndlr)". Cet entretien sera l’occasion pour le président polynésien de développer la doctrine plus souple d’une aire marine gérée sur l’ensemble de la zone économique exclusive polynésienne. Pour l'instant, les maires de Raivavae, Rimatara et Rurutu ont confirmé leur présence mardi.
Dans le rapport Rāhui Nui, publié cette année avec le soutien de la fondation Pew, l’aire marine protégée est désignée comme "un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés", une zone "où la pêche industrielle et l’extraction minière sont interdites pour assurer la conservation des écosystèmes marins sur le long-terme".
Concrètement aux Australes, l’AMP reviendrait à verrouiller tout l'océan autour de l’archipel, à l'exception d'une zone de pêche libre dans la limite des 20 nautiques des côtes pour les pêcheurs locaux, et quelques zones de pêche réglementée sur des hauts fonds à proximité des îles.
La fondation Pew a initié en 2014 un vaste programme de recherche aux Australes, piloté par le Criobe et impliquant 25 experts locaux et internationaux, avec la participation de National Geographic et de l’Université d’Auckland. Parallèlement la fondation Pew avait travaillé avec les autorités, les pêcheurs des Australes et de Tahiti, les associations, les opérateurs du tourisme et l’ensemble de la population des Australes pour promouvoir un projet d’AMP consensuel.
"Nous n’avons pas de leçon à recevoir de Pew" (Heremoana Maamaatuaiahutapu)
Et ce projet de la fondation Pew avait un temps reçu les faveurs du gouvernement. En novembre 2014, lors du congrès mondial des parcs de l’union internationale pour la conservation de la nature, à Sydney, Heremoana Maamaatuaiahutapu, le ministre polynésien de l’Environnement et du Patrimoine, annonçait la création de 30% d’aires marines protégées dans la ZEE polynésienne, soit 1,5 million de km2. En somme, la surface des AMP alors en projet aux Marquises (700000 km2) et aux Australes (1 million km2), avec la fondation Pew. Le discours a changé depuis. L’idée est dorénavant de promouvoir la création d’une aire marine gérée sur l’ensemble de la Zone économique exclusive (ZEE) polynésienne. "On souhaite avoir une vision polynésienne globale", souligne Teva Rohfritsch, le ministre de l’Economie bleue, en mettant en avant le principe d’un équilibre entre préservation de la ressource et développement économique. Edouard Fritch s’était exprimé dans ce sens lors de la conférence sur le climat, à Paris en décembre dernier. Ce principe a aussi été présenté au président Hollande, lors de sa visite en Polynésie fin février.
Le discours a changé, concernant l’AMP des Australes : "Ce n’est pas le projet des maires ni de la population des Australes, c’est le projet de Pew", critique aujourd’hui avec virulence le ministre de l’Environnement. "Le projet de la Polynésie depuis 2008 est de transformer la ZEE en aire marine gérée. Ils feraient mieux de nous aider dans cette démarche. Pensez-vous que l’on va confier une aire marine d’un million de km2 à la fondation Pew ? Ils se sont déjà fait virer par nos cousins de Hawaii à cause de ce comportement colonialiste : ils viennent ; ils se croient chez eux et mettent en place des projets sans que personne ne leur ait demandé quoi que ce soit. Nous n’avons pas de leçon à recevoir de Pew".
Et il n’hésite pas à accuser : "Pew est une fondation américaine financée par le lobby pétrolier. Plus ils classent de km2 en zone intégrale, plus ils perçoivent de financements pour leur fondation".
"Pourquoi créer une aire marine protégée dans une zone où la pêche n’existe pas ?", interroge aussi un conseiller d’Edouard Fritch. "En revanche, une fois créée, elle pourrait poser de sérieux problèmes à la population".
"La Polynésie est déjà le plus grand sanctuaire marin de la planète depuis 2002", ajoute Heremoana Maamaatuaiahutapu. "Nous n’avons pas attendu Pew pour cela. Notre pêche est déjà écologique. Depuis 2000 plus aucune flottille étrangère n’est autorisée à pénétrer dans nos eaux territoriales. Notre stratégie est de classer toute la ZEE en aire marine gérée en travaillant à l’installation d’un continuum régional, avec nos voisins du Pacifique. Les problèmes, c’est dans la zone maritime internationale qu’ils se produisent", martèle aussi le ministre de l’Environnement.
Difficile dans ce contexte d’imaginer que cette AMP des Australes soit créée. D’autant que le processus législatif pour sa mise en place devra au préalable être soutenu par un arrêté du Conseil des ministres avant d’être soumis pour avis à la Commission des sites et des monuments naturels (CSMN), puis aux élus de l’Assemblée. Autant dire, mission impossible.
Alors que les cinq municipalités de l’archipel des Australes s’étaient exprimées entre juin et octobre 2014 en faveur du projet d’Aire marine protégée (AMP), le conseil municipal de Rurutu vient d’abroger, début avril, la délibération adoptée le 6 juin 2014, privant l’archipel de son unanimité. Nous n’avons pas réussi à joindre le maire de l’île, Frédéric Riveta, également représentant pro-Fritch. "Il se range à la position du gouvernement", nous explique-t-on simplement.
Une délégation de 20 élus et représentants de la société civile des Australes est à Papeete cette semaine. La démarche a pour objectif de présenter le projet d’AMP d'un million de kilomètres carrés autour de l’archipel. Elle pourrait s’appeler Rāhui Nui nō Tuha'a Pae ("Le grand rahui des Australes") mais elle ne sera pas créée faute du soutien de l’exécutif polynésien.
Le président Fritch a prévu de recevoir cette délégation mardi 12 avril en fin de matinée. "La plupart sera partie", souligne Frère Maxime, vice-président de la Fédération des associations de protection de l'environnement (Fape) qui soutient la démarche. "Ils font du forcing pour être reçus demain (vendredi 8 avril, ndlr)". Cet entretien sera l’occasion pour le président polynésien de développer la doctrine plus souple d’une aire marine gérée sur l’ensemble de la zone économique exclusive polynésienne. Pour l'instant, les maires de Raivavae, Rimatara et Rurutu ont confirmé leur présence mardi.
Dans le rapport Rāhui Nui, publié cette année avec le soutien de la fondation Pew, l’aire marine protégée est désignée comme "un espace géographique clairement défini, reconnu, consacré et géré, par tout moyen efficace, juridique ou autre, afin d’assurer à long terme la conservation de la nature ainsi que les services écosystémiques et les valeurs culturelles qui lui sont associés", une zone "où la pêche industrielle et l’extraction minière sont interdites pour assurer la conservation des écosystèmes marins sur le long-terme".
Concrètement aux Australes, l’AMP reviendrait à verrouiller tout l'océan autour de l’archipel, à l'exception d'une zone de pêche libre dans la limite des 20 nautiques des côtes pour les pêcheurs locaux, et quelques zones de pêche réglementée sur des hauts fonds à proximité des îles.
La fondation Pew a initié en 2014 un vaste programme de recherche aux Australes, piloté par le Criobe et impliquant 25 experts locaux et internationaux, avec la participation de National Geographic et de l’Université d’Auckland. Parallèlement la fondation Pew avait travaillé avec les autorités, les pêcheurs des Australes et de Tahiti, les associations, les opérateurs du tourisme et l’ensemble de la population des Australes pour promouvoir un projet d’AMP consensuel.
"Nous n’avons pas de leçon à recevoir de Pew" (Heremoana Maamaatuaiahutapu)
Et ce projet de la fondation Pew avait un temps reçu les faveurs du gouvernement. En novembre 2014, lors du congrès mondial des parcs de l’union internationale pour la conservation de la nature, à Sydney, Heremoana Maamaatuaiahutapu, le ministre polynésien de l’Environnement et du Patrimoine, annonçait la création de 30% d’aires marines protégées dans la ZEE polynésienne, soit 1,5 million de km2. En somme, la surface des AMP alors en projet aux Marquises (700000 km2) et aux Australes (1 million km2), avec la fondation Pew. Le discours a changé depuis. L’idée est dorénavant de promouvoir la création d’une aire marine gérée sur l’ensemble de la Zone économique exclusive (ZEE) polynésienne. "On souhaite avoir une vision polynésienne globale", souligne Teva Rohfritsch, le ministre de l’Economie bleue, en mettant en avant le principe d’un équilibre entre préservation de la ressource et développement économique. Edouard Fritch s’était exprimé dans ce sens lors de la conférence sur le climat, à Paris en décembre dernier. Ce principe a aussi été présenté au président Hollande, lors de sa visite en Polynésie fin février.
Le discours a changé, concernant l’AMP des Australes : "Ce n’est pas le projet des maires ni de la population des Australes, c’est le projet de Pew", critique aujourd’hui avec virulence le ministre de l’Environnement. "Le projet de la Polynésie depuis 2008 est de transformer la ZEE en aire marine gérée. Ils feraient mieux de nous aider dans cette démarche. Pensez-vous que l’on va confier une aire marine d’un million de km2 à la fondation Pew ? Ils se sont déjà fait virer par nos cousins de Hawaii à cause de ce comportement colonialiste : ils viennent ; ils se croient chez eux et mettent en place des projets sans que personne ne leur ait demandé quoi que ce soit. Nous n’avons pas de leçon à recevoir de Pew".
Et il n’hésite pas à accuser : "Pew est une fondation américaine financée par le lobby pétrolier. Plus ils classent de km2 en zone intégrale, plus ils perçoivent de financements pour leur fondation".
"Pourquoi créer une aire marine protégée dans une zone où la pêche n’existe pas ?", interroge aussi un conseiller d’Edouard Fritch. "En revanche, une fois créée, elle pourrait poser de sérieux problèmes à la population".
"La Polynésie est déjà le plus grand sanctuaire marin de la planète depuis 2002", ajoute Heremoana Maamaatuaiahutapu. "Nous n’avons pas attendu Pew pour cela. Notre pêche est déjà écologique. Depuis 2000 plus aucune flottille étrangère n’est autorisée à pénétrer dans nos eaux territoriales. Notre stratégie est de classer toute la ZEE en aire marine gérée en travaillant à l’installation d’un continuum régional, avec nos voisins du Pacifique. Les problèmes, c’est dans la zone maritime internationale qu’ils se produisent", martèle aussi le ministre de l’Environnement.
Difficile dans ce contexte d’imaginer que cette AMP des Australes soit créée. D’autant que le processus législatif pour sa mise en place devra au préalable être soutenu par un arrêté du Conseil des ministres avant d’être soumis pour avis à la Commission des sites et des monuments naturels (CSMN), puis aux élus de l’Assemblée. Autant dire, mission impossible.