En moyenne, une procédure en première instance dure 65 mois, soit plus de 5 ans. Le plus ancien recours date de 1979 !
PAPEETE, le 23 juin 2016. Mise en place du tribunal foncier dès l'année prochaine, sanctuarisation du "partage successoral par souche" familiale, adaptation locale du code civil… La délégation sénatoriale à l'outre-mer a rendu ses propositions pour mettre fin aux longues piles de contentieux qui s'accumulent. Elle met aussi en garde contre des dispositions envisagées par le ministère de la Justice.
Après plus de 120 auditions avec plus de 220 interlocuteurs, des déplacements à Mayotte et dans le Pacifique, la délégation sénatoriale à l'outre-mer a rendu ce jeudi son rapport sur "la sécurisation des titres fonciers dans les outre-mer". Les élus du Palais du Luxembourg ont ainsi étudié le système actuel à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis et à Futuna et en Polynésie française, où elle s'était déplacée en mars.
Le rapport, présenté ce jeudi à la presse, relève qu'au fenua "les contentieux sur 'les affaires de terre' sont nombreux, avec des durées excessives des procédures (plus de 5 ans en moyenne)". Il préconise la mise en place d'un "tribunal foncier à Papeete d'ici 2017".
En théorie, cela devrait être fait. En mai, après sa rencontre avec le ministre de la Justice, le président du Pays avait souligné que le tribunal foncier devrait être mis en place au premier semestre 2017. Mais d'ici là, il faut que de nouveaux textes adaptés aux spécificités locales notamment sur les droits de succession et le partage des terres par souches entre autres soient promulgués.
Concernant le tribunal, "le rapport recommande de pérenniser les moyens humains et matériels du tribunal foncier dans la continuité et au moins au niveau du dernier contrat d’objectifs signé en janvier 2015. (…) Le besoin est estimé à trois magistrats et quatre greffiers", soulignent les sénateurs.
Le rapport recommande aussi "la sanctuarisation du partage successoral par souche familiale". Il s'agit pour les sénateurs de "résorber le phénomène des indivisions pléthoriques".
Les sénateurs préconisent aussi "une adaptation locale du code civil" (lire le détail des propositions en encadré). Mais les rapporteurs sont optimistes sur le problème des litiges fonciers car ils titrent la partie sur la Polynésie française "des solutions en vue". Malgré tout, le rapport met en garde contre des dispositions envisagées par le ministère de la Justice.
Un commissaire du gouvernement
Le rapport des sénateurs recommande de "créer les conditions nécessaires d’impartialité et de transparence à l’instauration d’un commissaire du gouvernement de la Polynésie française". Pour que l'installation du tribunal foncier soit effective, il faut que les conditions de désignation et les attributions du commissaire du gouvernement aient été fixées. "Or, cette disposition est aujourd’hui contestée sur le fond", souligne le rapport. "Le Chancellerie souhaite confier l’exercice des fonctions de commissaire du gouvernement de la Polynésie française à un membre de la direction des affaires foncières." Les rapporteurs doutent de "l'opportunité de cette mesure". Selon eux, il y a un "risque de soupçons d’impartialité car le Pays est impliqué dans un grand nombre d’affaires foncières, soit en qualité de propriétaire du domaine, soit en tant qu’administration gestionnaire".
Le contexte historique est aussi à prendre en compte et pour que les décisions soient acceptées, une autre option doit être vue selon les sénateurs : "Etant donné l’ampleur des actions en revendication sur le domaine de la Polynésie et la mémoire à vif des spoliations historiques, rien n’est là de nature à rendre acceptable cette institution aux yeux des justiciables". Les rapporteurs proposent donc de "s’en remettre à l’autorité judiciaire (…) On peut imaginer que le commissaire du gouvernement de la Polynésie française, rebaptisé rapporteur public, soit un magistrat comme devant le tribunal administratif. (…) On peut aussi admettre qu’il s’agisse d’une personnalité qualifiée indépendante nommée par le premier président de la cour d’appel à raison de son expertise, en repoussant en tout état de cause la nomination d’un fonctionnaire de la Direction des affaires foncières".
Un fichier par bien
La division de la conservation des hypothèques de la Direction des affaires foncières (DAF) "centralise tous les actes liés à la propriété foncière dès lors qu’ils ont été transcrits depuis 1967", rappellent les sénateurs. "Les fiches ne sont toutefois pas établies par bien immobilier ou par terrain mais par propriétaire. En d’autres termes, il ne s’agit que d’un fichier personnel et non d’un fichier réel. (…) il est très difficile de retracer la chaine de propriété d’une terre."
Les sénateurs préconisent donc "la transcription obligatoire, automatique et sans frais de toutes les décisions de justice définitives à la conservation des hypothèques".
Compréhensible de tous
Ce qui est compliqué dans les affaires de terres, c'est aussi les termes et démarches juridiques très compliquées, "pour favoriser l’accès au droit de tous les Polynésiens", les rapporteurs soulignent qu'ils "sont favorables à la compilation des textes applicables au foncier et aux successions et à leurs explicitations dans des documents lisibles et compréhensibles pour le grand public qui seraient ensuite traduits non seulement en tahitien mais également dans les principales autres langues polynésiennes".
Après plus de 120 auditions avec plus de 220 interlocuteurs, des déplacements à Mayotte et dans le Pacifique, la délégation sénatoriale à l'outre-mer a rendu ce jeudi son rapport sur "la sécurisation des titres fonciers dans les outre-mer". Les élus du Palais du Luxembourg ont ainsi étudié le système actuel à Mayotte, en Nouvelle-Calédonie, à Wallis et à Futuna et en Polynésie française, où elle s'était déplacée en mars.
Le rapport, présenté ce jeudi à la presse, relève qu'au fenua "les contentieux sur 'les affaires de terre' sont nombreux, avec des durées excessives des procédures (plus de 5 ans en moyenne)". Il préconise la mise en place d'un "tribunal foncier à Papeete d'ici 2017".
En théorie, cela devrait être fait. En mai, après sa rencontre avec le ministre de la Justice, le président du Pays avait souligné que le tribunal foncier devrait être mis en place au premier semestre 2017. Mais d'ici là, il faut que de nouveaux textes adaptés aux spécificités locales notamment sur les droits de succession et le partage des terres par souches entre autres soient promulgués.
Concernant le tribunal, "le rapport recommande de pérenniser les moyens humains et matériels du tribunal foncier dans la continuité et au moins au niveau du dernier contrat d’objectifs signé en janvier 2015. (…) Le besoin est estimé à trois magistrats et quatre greffiers", soulignent les sénateurs.
Le rapport recommande aussi "la sanctuarisation du partage successoral par souche familiale". Il s'agit pour les sénateurs de "résorber le phénomène des indivisions pléthoriques".
Les sénateurs préconisent aussi "une adaptation locale du code civil" (lire le détail des propositions en encadré). Mais les rapporteurs sont optimistes sur le problème des litiges fonciers car ils titrent la partie sur la Polynésie française "des solutions en vue". Malgré tout, le rapport met en garde contre des dispositions envisagées par le ministère de la Justice.
Un commissaire du gouvernement
Le rapport des sénateurs recommande de "créer les conditions nécessaires d’impartialité et de transparence à l’instauration d’un commissaire du gouvernement de la Polynésie française". Pour que l'installation du tribunal foncier soit effective, il faut que les conditions de désignation et les attributions du commissaire du gouvernement aient été fixées. "Or, cette disposition est aujourd’hui contestée sur le fond", souligne le rapport. "Le Chancellerie souhaite confier l’exercice des fonctions de commissaire du gouvernement de la Polynésie française à un membre de la direction des affaires foncières." Les rapporteurs doutent de "l'opportunité de cette mesure". Selon eux, il y a un "risque de soupçons d’impartialité car le Pays est impliqué dans un grand nombre d’affaires foncières, soit en qualité de propriétaire du domaine, soit en tant qu’administration gestionnaire".
Le contexte historique est aussi à prendre en compte et pour que les décisions soient acceptées, une autre option doit être vue selon les sénateurs : "Etant donné l’ampleur des actions en revendication sur le domaine de la Polynésie et la mémoire à vif des spoliations historiques, rien n’est là de nature à rendre acceptable cette institution aux yeux des justiciables". Les rapporteurs proposent donc de "s’en remettre à l’autorité judiciaire (…) On peut imaginer que le commissaire du gouvernement de la Polynésie française, rebaptisé rapporteur public, soit un magistrat comme devant le tribunal administratif. (…) On peut aussi admettre qu’il s’agisse d’une personnalité qualifiée indépendante nommée par le premier président de la cour d’appel à raison de son expertise, en repoussant en tout état de cause la nomination d’un fonctionnaire de la Direction des affaires foncières".
Un fichier par bien
La division de la conservation des hypothèques de la Direction des affaires foncières (DAF) "centralise tous les actes liés à la propriété foncière dès lors qu’ils ont été transcrits depuis 1967", rappellent les sénateurs. "Les fiches ne sont toutefois pas établies par bien immobilier ou par terrain mais par propriétaire. En d’autres termes, il ne s’agit que d’un fichier personnel et non d’un fichier réel. (…) il est très difficile de retracer la chaine de propriété d’une terre."
Les sénateurs préconisent donc "la transcription obligatoire, automatique et sans frais de toutes les décisions de justice définitives à la conservation des hypothèques".
Compréhensible de tous
Ce qui est compliqué dans les affaires de terres, c'est aussi les termes et démarches juridiques très compliquées, "pour favoriser l’accès au droit de tous les Polynésiens", les rapporteurs soulignent qu'ils "sont favorables à la compilation des textes applicables au foncier et aux successions et à leurs explicitations dans des documents lisibles et compréhensibles pour le grand public qui seraient ensuite traduits non seulement en tahitien mais également dans les principales autres langues polynésiennes".
Les principales propositions
- Rendre obligatoire, automatique et gratuite la transcription à la conservation des hypothèques de toutes les décisions de justice devenues définitives relatives aux partages judiciaires
- Garantir la mise en place opérationnelle du tribunal foncier d’ici 2017, doté des moyens humains (3 magistrats et 4 greffiers) et matériels nécessaires à la résorption de l’arriéré
- Maintenir (Marquises et Îles Sous-le-Vent) et ouvrir (Australes et Tuamotu-Gambier) des sections détachées dans les archipels et organiser des audiences foraines pour garantir l’accès des justiciables
- Faire désigner, en dehors de la direction des affaires foncières (DAF), par le Premier président de la cour d’appel, afin de garantir son impartialité, un commissaire du gouvernement de la Polynésie française devant le tribunal foncier
- Prendre garde à conserver, au sein de la magistrature exerçant en Polynésie, les compétences requises en matière de contentieux foncier
- Continuer à favoriser l’essor des modes alternatifs de règlement des conflits (conciliation, médiation, arbitrage, convention de procédure participative)
- Unifier la compétence en matière d’indivision successorale et d’indivision conventionnelle au profit de la Polynésie française
- Pour l’application de l’article 887-1 du code civil en Polynésie française, écarter la possibilité pour l’héritier omis de demander l’annulation du partage successoral, au bénéfice d’une action en indemnité
- Sanctuariser la jurisprudence de la cour d’appel de Papeete sur le partage successoral par souches pour résorber le phénomène des indivisions pléthoriques, la nécessité du recours à ce mode de partage étant à l’appréciation du juge, de même que ses modalités
- En l’absence d’héritiers ou d’ascendants privilégiés et pour tenir compte de la prégnance du lignage dans le modèle de la famille polynésienne, prévoir, par dérogation à l’article 757-3 du code civil, la possibilité d’une dévolution intégrale des immeubles aux collatéraux privilégiés
- Pour l’application à la Polynésie française de l’article 831-2 du code civil relatif aux règles d’attribution préférentielle du logement, prévoir le bénéfice d’une telle attribution pour l’héritier copropriétaire se prévalant d’une occupation paisible et ancienne à titre de résidence principale
- Afin de mieux maîtriser le contentieux des affaires de terre, modifier le code de procédure civile polynésien avec l’introduction de :
– une injonction de conclure et une clôture d’instruction d’office pour raccourcir le délai de mise en état du dossier ;
– la limitation des conditions de recevabilité de la tierce opposition ;
– le ministère d’avocat obligatoire en première instance, accompagné du redimensionnement de l’aide juridictionnelle, pour faire barrage aux pratiques frauduleuses largement répandues des agents d’affaires.
- Conserver, à Rapa, le régime de tenure foncière sous l’autorité d’un conseil des anciens, cette exception se justifiant par l’efficacité de la régulation coutumière et l’extrême isolement de l’île
- Arrêter le tracé exact de la zone des cinquante pas géométriques aux Marquises et préparer le transfert des espaces urbanisés de la ZPG aux communes qui le souhaitent.
- Garantir la mise en place opérationnelle du tribunal foncier d’ici 2017, doté des moyens humains (3 magistrats et 4 greffiers) et matériels nécessaires à la résorption de l’arriéré
- Maintenir (Marquises et Îles Sous-le-Vent) et ouvrir (Australes et Tuamotu-Gambier) des sections détachées dans les archipels et organiser des audiences foraines pour garantir l’accès des justiciables
- Faire désigner, en dehors de la direction des affaires foncières (DAF), par le Premier président de la cour d’appel, afin de garantir son impartialité, un commissaire du gouvernement de la Polynésie française devant le tribunal foncier
- Prendre garde à conserver, au sein de la magistrature exerçant en Polynésie, les compétences requises en matière de contentieux foncier
- Continuer à favoriser l’essor des modes alternatifs de règlement des conflits (conciliation, médiation, arbitrage, convention de procédure participative)
- Unifier la compétence en matière d’indivision successorale et d’indivision conventionnelle au profit de la Polynésie française
- Pour l’application de l’article 887-1 du code civil en Polynésie française, écarter la possibilité pour l’héritier omis de demander l’annulation du partage successoral, au bénéfice d’une action en indemnité
- Sanctuariser la jurisprudence de la cour d’appel de Papeete sur le partage successoral par souches pour résorber le phénomène des indivisions pléthoriques, la nécessité du recours à ce mode de partage étant à l’appréciation du juge, de même que ses modalités
- En l’absence d’héritiers ou d’ascendants privilégiés et pour tenir compte de la prégnance du lignage dans le modèle de la famille polynésienne, prévoir, par dérogation à l’article 757-3 du code civil, la possibilité d’une dévolution intégrale des immeubles aux collatéraux privilégiés
- Pour l’application à la Polynésie française de l’article 831-2 du code civil relatif aux règles d’attribution préférentielle du logement, prévoir le bénéfice d’une telle attribution pour l’héritier copropriétaire se prévalant d’une occupation paisible et ancienne à titre de résidence principale
- Afin de mieux maîtriser le contentieux des affaires de terre, modifier le code de procédure civile polynésien avec l’introduction de :
– une injonction de conclure et une clôture d’instruction d’office pour raccourcir le délai de mise en état du dossier ;
– la limitation des conditions de recevabilité de la tierce opposition ;
– le ministère d’avocat obligatoire en première instance, accompagné du redimensionnement de l’aide juridictionnelle, pour faire barrage aux pratiques frauduleuses largement répandues des agents d’affaires.
- Conserver, à Rapa, le régime de tenure foncière sous l’autorité d’un conseil des anciens, cette exception se justifiant par l’efficacité de la régulation coutumière et l’extrême isolement de l’île
- Arrêter le tracé exact de la zone des cinquante pas géométriques aux Marquises et préparer le transfert des espaces urbanisés de la ZPG aux communes qui le souhaitent.