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158 millions Fcfp : l’eau des forages EDT de la Punaruu pourrait avoir un goût amer


PAPEETE, 27 septembre 2016 - La société EDT-Engie pourrait devoir payer 158 millions Fcfp d’indemnités, suite au prélèvement dans la nappe phréatique de la Punaruu de 15 millions de mètres cubes d’eau de 1986 à 2011, pour les besoins de la centrale Emile Martin.

Le rapporteur public a conclu, mardi, en proposant au tribunal de retrancher 30% au montant indemnitaire réclamé par le Pays à la société Electricité de Tahiti (EDT) depuis l’émission, en octobre 2014, d’un titre exécutoire de 225,2 millions Fcfp. Il s’agirait tout de même de 158 millions Fcfp d’indemnités dues au Pays pour l’occupation sans titre du domaine public fluvial de la Punaruu. L'électricien demande l'annulation de ce titre exécutoire.

Depuis 1986, pour les besoins de la centrale thermique Emile Martin, vallée de la Punaruu, la société EDT utilise l’eau pompée dans la nappe phréatique au moyen de deux forages en profondeur, alors qu’elle n’a sollicité une autorisation qu’en 2008 et qu’il lui aura fallu attendre jusqu’en 2011 pour en obtenir la permission, moyennant paiement d’une redevance.

C’est la deuxième fois en 4 ans que cette affaire des forages de la Punaruu est évoquée, sous ses divers aspects, devant le tribunal administratif de Polynésie française, après avoir fait l’objet d’un appel à Paris et d’un arrêt du Conseil d’Etat.

Durant 25 ans le Pays estime que la société a ainsi prélevé 15 millions de mètres cube d’eau sans aucune permission. Et c’est sur la base d’un tarif à 15 Fcfp le mètre cube, qu’il a évalué à 225,2 millions Fcfp l’indemnité pour occupation sans titre du domaine fluvial réclamée à l’électricien.

Pour le rapporteur public, cependant, la collectivité a laissé "perdurer la situation indûment pendant des années". Une analyse que rejoint Robin Quinquis, l’avocat de l’électricien : "l’administration a commis une faute dans la gestion du domaine public. Il y a dans ce dossier plusieurs enquêtes publiques relatives à des autorisations administratives sur le fondement des installations classées pour la protection de l’environnement (ICPE). Ces enquêtes, réalisées à l’occasion d’extensions de la centrale, établissent que l’administration ne pouvait pas ignorer l’existence de ces forages".

Une enquête ICPE réalisée en 2002 est sans équivoque à ce titre. C’est ce qui a conduit le ministère public à demander au tribunal un abattement de 30% du montant indemnitaire réclamé par le Pays.

Reste les questions liées à la prescription. Pour l’avocat d’EDT : "Le texte applicable localement nous indique qu’il s’agit d’une prescription quinquennale", souligne-t-il en s'appuyant sur une délibération de 2004 relative l’occupation du domaine public.

Mais pour le ministère public, si la période de prescription pour une redevance est de 5 ans, il n’en est rien en matière d’indemnité dans la mesure où celle-ci est du ressort de la responsabilité. Elle serait relative, dans cette affaire, à une faute commise par la société EDT qui n’aurait pas, pendant des années, payé sa redevance d’occupation du domaine public fluvial. Sur le plan indemnitaire, le Pays, en conséquence, aurait la possibilité d’engager la responsabilité de l’entreprise et notamment de récupérer les sommes qui auraient pu être perçues sur une plus longue période. En revanche, en cas de faute commise par la collectivité, la société peut se voir exonérée d’une part de responsabilité. Et cette analyse est, selon lui, tout à fait valable actuellement en Polynésie française, alors qu’en métropole de nouvelles dispositions font état d’une prescription de 5 ans, comme il l’a rappelé à l’audience.

Et pour statuer sur le régime indemnitaire sur la période antérieure à la délibération de 2004, avant laquelle aucun texte réglementaire clair n’existait dans la collectivité au sujet des conditions d’occupation du domaine public, le rapporteur public s’appuie sur la jurisprudence du Conseil d’Etat qui, en matière d’action réelle immobilière, porte sur une prescription de 30 ans, précisément dans un cadre indemnitaire.

"A suivre les conclusions du rapporteur public, tous les occupants sans titre du domaine public pourraient se voir imposer le paiement d’une indemnité sur les 30 dernières années. C’est assez périlleux", a remarqué Robin Quinquis à l’issue de l’audience. La décision est mise en délibéré est pourrait être rendue sous quinzaine.

Rédigé par Jean-Pierre Viatge le Mardi 27 Septembre 2016 à 15:27 | Lu 5010 fois