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Câbles Google : Le monopole de l’OPT contesté par l’APC


Tahiti, le 2 mai 2024 - L’arrivée des câbles de Google pousse le Pays à modifier le code des postes pour pouvoir mettre en œuvre les atterrages et les services. À cette occasion, l’APC rappelle au Pays que c’est, une fois encore, l’OPT qui est en position favorisée pour la distribution du signal, ce qui ne devrait pas être le cas.

 
Le 18 avril dernier, le président de la Polynésie française a soumis pour examen à l’Autorité polynésienne de la concurrence (APC) un projet de loi portant modification du code des postes et télécommunications.
 
Ce projet de loi s’inscrit dans un contexte “marqué par la construction prochaine de nouveaux câbles sous-marins et par des évolutions techniques récentes permettant d’offrir, notamment dans les territoires les plus isolés de la Polynésie française, de nouveaux services en matière de télécommunications”, note l’APC. Il a pour principale mission de mettre en place des nouvelles dispositions sur la concurrence dans le cadre de la mise en place des prochains câbles sous-marins de Google. Installation qui permettra de créer une boucle reliant les États-Unis à l’Australie via Tahiti au sud et Fidji au nord, par le biais d’un premier câble, Honomoana, tandis qu’un second, Tabua, reliera Tahiti à Fidji. Deux autres câbles intra-Pacifiques – Bulikula et Halaihai – sont aussi en programmation. L’un d’eux, Halaihai, reliera Guam à la Polynésie française. Balikula permettra au réseau de relier Guam puis les Fidji.
Un dernier câble devrait sillonner aussi nos eaux dans le cadre d’un projet de raccordement de l’Australie au Chili.

Nouveaux câbles, nouvelle loi

Avec ce nouveau maillage, le gouvernement propose dans sa nouvelle loi de Pays de “créer une nouvelle catégorie d’opérateurs privés de télécommunications extérieures”, “de modifier le monopole de l’OPT en matière d’établissement de réseau sur le domaine public et de télécommunications extérieures” et de “modifier le régime des autorisations relatives à l’établissement et l’exploitation des réseaux de télécommunications extérieures”.
 
Aussi, dans sa nouvelle rédaction, le code des postes prévoit-il la définition de la nouvelle catégorie “d’opérateur privé” en ce qui concerne les réseaux de communications extérieurs. Une première puisque, jusqu’à aujourd’hui, seul un opérateur public avait fait venir des câbles sous-marins jusqu’au Fenua. La loi de Pays prévoit de ce fait que l’opérateur privé “est tenu de garantir un accès à son réseau à l’opérateur public”. Un “droit irrévocable d’usage” est même prévu à cet effet. Divers aménagements complètent ces dispositions, comme l’obligation par l’opérateur privé d’entretenir, lui-même, ses réseaux, mais aussi l’obligation pour ce dernier de déterminer, lui-même, le tracé de son propre réseau quand il doit emprunter une voie publique. Les sites d’atterrages, s’ils ne sont pas soumis à impôts et taxes pour l’opérateur public historique (l’OPT), le seront en revanche pour les opérateurs privés.
 
Comme l’opérateur public, Google devra suivre certaines dispositions à l’instar du respect des normes et spécifications du réseau et des services. Le géant du web devra aussi se conformer aux prescriptions exigées par la protection de la santé et de l’environnement, suivre les dispositions relatives aux fréquences sur le territoire de la Polynésie française, accepter les sujétions imposées à l’opérateur pour les besoins du contrôle de son activité, respecter les prescriptions exigées par l’ordre public, la défense nationale et la sécurité publique et s’acquitter des frais, taxes et redevances, dues par l’exploitant pour couvrir les coûts administratifs occasionnés par la mise en œuvre des dispositions du nouveau code.
Moyennant ces engagements, l’opérateur privé, en l’espèce, Google, pourra obtenir une autorisation d’exploitation de 25 ans.

Ouvrir le signal directement aux autres opérateurs

Sans parler de la proposition de loi de Pays en elle-même, l’Autorité de la concurrence, dans ses conclusions, salue “les modifications envisagées visant à permettre l’arrivée d’opérateurs privés de télécommunications extérieures par câbles sous-marins et/ou par voies satellitaires” qui “pourrait permettre, notamment aux archipels éloignés, de bénéficier d’infrastructures proposant un accès à des services de télécommunications à haut débit”, bien que “aucune étude d’impact spécifique n’ait été réalisée afin d’anticiper les conséquences de l’entrée d’opérateurs privés de télécommunications extérieures et d’en mesurer les bénéfices”.
 
L’arrivée de Google, qui n’a aucun intérêt à exploiter son câble en Polynésie et qui ne fait que mettre une partie de son signal à la disposition de l’OPT pourrait malgré tout provoquer “une baisse significative des prix sur le marché de gros avec pour conséquences une baisse des prix par les trois opérateurs que sont Vini, PMT et Viti sur les marchés de détail des télécommunications”, analyse l’APC.

Mais ce plus n’est pas sans un moins. L’Autorité estime que le projet de loi présenté par le Pays “ne modifie pas la structure fondamentale du service des télécommunications extérieures en Polynésie française et conforte la position de monopole de l’OPT dans le domaine”. L’APC explique plus loin dans son rapport son analyse concernant ce point : “Le maintien du monopole légal de l’OPT sur les marchés amont des infrastructures empêche les opérateurs alternatifs de s’intégrer davantage verticalement pour maitriser leurs coûts et construire des offres de détail diversifiées. Ces entraves représentent un frein significatif au développement des offres alternatives à l’OPT en obligeant ces derniers à négocier avec l’opérateur historique pour ces fournitures de services.” Aussi, l’Autorité de la concurrence relance une fois encore l’idée, mainte fois évoquée, jamais mise en place de “réformer l’organisation au sein du groupe OPT afin de permettre la séparation des activités en monopole de celles en concurrence (activités de fourniture des services fixes et mobiles au public)”.
 
Même chose, alors l’APC convient que “si le choix d’un opérateur unique, en l’espèce l’OPT, apparaît justifiable par la réalisation effective des projets de câbles sous-marins”, elle recommande, là encore, de le distinguer de “l’utilisation, une fois les infrastructures installées” “Le maintien du monopole de l’OPT sur les signaux issus des câbles en projet, créera une relation exclusive entre l’opérateur privé de télécommunications extérieures et l’OPT qui n’apparaît pas justifiée par d’éventuelles contraintes techniques”, conclut-elle sur le sujet pour faire en sorte que “la tarification soit guidée par les principes d’objectivité, de transparence et de non-discrimination et qu’elle ne conduise pas à imposer des charges excessives aux opérateurs qui les utilisent”.

Rédigé par Bertrand PREVOST le Jeudi 2 Mai 2024 à 20:04 | Lu 4183 fois